Je perçois des bribes de la conversation entre les policiers, comprenant que les cellules de dégrisement sont pleines et qu’ils ne savent pas quoi faire de moi. Euh, me libérer ce serait cool, non ? Je redresse vivement la tête, l’espoir éclairant mon regard bleu, mais il s’évanouit lorsque je vois débarquer mon frangin, engoncé dans son costume de flic trop petit pour lui. Merde, manquait plus que ce guignol à la sauterie. Je sais que lui ne me laissera jamais repartir la bouche en cœur et la gueule enfarinée. Il va se faire un malin plaisir de me trouver une place dans le placard à balais, ou m’enfermer dans les toilettes –et pas ceux pour handicapés, les plus minuscules qu’il trouvera-. Il m’observe de loin en secouant la tête en signe de désapprobation, et je me contente d’un haussement d’épaule nonchalant. Qu’est-ce que tu veux, on n’choisit pas sa famille. Finalement, il s’avance vers moi et je soupire en tournant la tête. Un coup d’œil fugace en direction du bureau voisin, et mes doigts se tendent instinctivement pour attraper le bras du mec qui en sort et qui s’apprête à partir dans l’autre sens. Je lève les yeux pour croiser son regard, relâchant mon étreinte un peu trop brutalement, comme sous l’effet d’une brûlure. « Putain, qu’est-ce que tu fais là Ken ? » Même de dos j’ai reconnu mon bourreau de l’autre jour, le frère de la propriétaire du chihuahua Bisounours qui m’a foutu la honte pour le restant de ma vie. Rien qu’à cette pensée, la blessure de mon arcade bandée de deux petits pansements recommence à me lancer. Je ne dis rien de plus mais il peut probablement voir mes yeux chavirer l’espace d’une seconde, pendant que je l’imagine être allé porter plainte pour vol de chiens. Quand même, ce serait assez humiliant pour lui de raconter à des flics virils qu’il promenait son toutou tout de rose vêtu, et qu’en plus de ça il se l’est fait piquer, non ? « Vous le connaissez ? » Mon frère intervient et je détourne mon regard pour le porter sur lui, espérant qu’il ne va pas dire un truc complètement idiot. « Si vous pouviez nous débarrasser de lui ça nous arrangerait, à croire que tous les poivrots du quartier ont décidé de faire une réunion de famille dans nos locaux. » J’en reviens pas que mon frère soit tellement débordé qu’il m’abandonne au premier type que je connais qui passe. Comme si le mec allait me raccompagner chez moi bien sagement et me surveiller, autant me laisser partir sans excuse. Si j’avais su, j’aurais fait semblant d’être le vieux pote d’un autre visiteur plus tôt …
En même temps, il ne renonce qu’au plaisir de me faire passer la nuit dans une pièce étroite remplie de rongeurs avant de me gratifier d’une tape sur les doigts en me conseillant de ne plus étrangler qui que ce soit. Et le sermon, il pourra toujours me le servir à la maison. Il n’en a rien à foutre de me garder, parce qu’il a une tripotée d’exhibitionnistes, de drogués et même une pute travestie sur les bras qui demandent beaucoup plus d’attention. « Et rentre pas à la maison dans cet état, tu connais papa. » Oh le con, voilà qu’il vient de dire son truc complètement idiot en soulignant notre lien de parenté devant Monsieur parfait. Je le vois déjà tout étonné à l’idée qu’un loser comme moi puisse faire partie de la même famille qu’un flic respectable de Los Angeles. En même temps, un bipède terminator comme lui est bien lié à une frêle écervelée asiatique. En fait il s’agit probablement d’une demi-sœur ou d’une adoption, même si on a déjà vu des bébés noirs dans des familles blanches –alors pourquoi pas des bridés ?-. Bref, je ne risque pas de rentrer ce soir, et ce con n’avait pas besoin de me le rappeler de son air faussement protecteur de grand-frère exemplaire. Parce que notre père je le connais aussi bien que lui, la même espèce d’hypocrites. Dans son Eglise un pasteur respectable, à la maison un homme intransigeant et violent. Je ne compte plus le nombre de raclées que j’ai reçues pour être rentré abimé à cause d’une bagarre. Il n’a jamais toléré ce comportement, mais pour lui cogner les membres de sa famille c’est acceptable, parce que c’est la famille. Connard, Dieu fait pas la distinction entre les personnes que tu tabasses et il le sait pertinemment. C’est juste pour se donner bonne conscience. Et après on me demande pourquoi j’ai du mal à gérer ma colère, pas besoin d’être Freud pour faire le rapprochement. Mon frère a intégré la police pour frapper des pauvres types en toute légalité, pour moi ce n’est pas aussi facile. D’ailleurs, la marque rouge dans mon cou ne date pas de ce soir, mais de celui de ma rencontre avec le fils de riche qui me toise silencieusement. Ouais, mon père n’a pas vraiment gobé mon histoire d’avoir trébuché sur une bouche d’égout. Putain pourtant, c’était ridiculement vrai pour une fois. Mais il a entendu tellement de conneries de ma part que je peux bien m’époumoner comme Pierre avec son loup. Les éraflures sur les os de mon poing gauche et la longue entaille sur mon avant-bras droit –comment j’aurais pu deviner que ce con cachait un cutter ?- en revanche, c’est tout frais et je ne peux guère accuser mon paternel. Je rabats ma manche pour camoufler la balafre, soupirant. « Tu peux déjà préparer le placard à balais. » Parce qu’il est évident pour moi que Monsieur parfait ne viendra pas à ma rescousse, et je trouve ça encore plus ridicule que mon frangin exige un accompagnateur en échange de ma liberté. Quel connard, je peux déjà me faire à l’idée de passer une autre nuit ici. Et pourtant, animé par un espoir ténu, j’ose un regard suppliant vers l’armoire à glace. S'il te plaît ?
En même temps, il ne renonce qu’au plaisir de me faire passer la nuit dans une pièce étroite remplie de rongeurs avant de me gratifier d’une tape sur les doigts en me conseillant de ne plus étrangler qui que ce soit. Et le sermon, il pourra toujours me le servir à la maison. Il n’en a rien à foutre de me garder, parce qu’il a une tripotée d’exhibitionnistes, de drogués et même une pute travestie sur les bras qui demandent beaucoup plus d’attention. « Et rentre pas à la maison dans cet état, tu connais papa. » Oh le con, voilà qu’il vient de dire son truc complètement idiot en soulignant notre lien de parenté devant Monsieur parfait. Je le vois déjà tout étonné à l’idée qu’un loser comme moi puisse faire partie de la même famille qu’un flic respectable de Los Angeles. En même temps, un bipède terminator comme lui est bien lié à une frêle écervelée asiatique. En fait il s’agit probablement d’une demi-sœur ou d’une adoption, même si on a déjà vu des bébés noirs dans des familles blanches –alors pourquoi pas des bridés ?-. Bref, je ne risque pas de rentrer ce soir, et ce con n’avait pas besoin de me le rappeler de son air faussement protecteur de grand-frère exemplaire. Parce que notre père je le connais aussi bien que lui, la même espèce d’hypocrites. Dans son Eglise un pasteur respectable, à la maison un homme intransigeant et violent. Je ne compte plus le nombre de raclées que j’ai reçues pour être rentré abimé à cause d’une bagarre. Il n’a jamais toléré ce comportement, mais pour lui cogner les membres de sa famille c’est acceptable, parce que c’est la famille. Connard, Dieu fait pas la distinction entre les personnes que tu tabasses et il le sait pertinemment. C’est juste pour se donner bonne conscience. Et après on me demande pourquoi j’ai du mal à gérer ma colère, pas besoin d’être Freud pour faire le rapprochement. Mon frère a intégré la police pour frapper des pauvres types en toute légalité, pour moi ce n’est pas aussi facile. D’ailleurs, la marque rouge dans mon cou ne date pas de ce soir, mais de celui de ma rencontre avec le fils de riche qui me toise silencieusement. Ouais, mon père n’a pas vraiment gobé mon histoire d’avoir trébuché sur une bouche d’égout. Putain pourtant, c’était ridiculement vrai pour une fois. Mais il a entendu tellement de conneries de ma part que je peux bien m’époumoner comme Pierre avec son loup. Les éraflures sur les os de mon poing gauche et la longue entaille sur mon avant-bras droit –comment j’aurais pu deviner que ce con cachait un cutter ?- en revanche, c’est tout frais et je ne peux guère accuser mon paternel. Je rabats ma manche pour camoufler la balafre, soupirant. « Tu peux déjà préparer le placard à balais. » Parce qu’il est évident pour moi que Monsieur parfait ne viendra pas à ma rescousse, et je trouve ça encore plus ridicule que mon frangin exige un accompagnateur en échange de ma liberté. Quel connard, je peux déjà me faire à l’idée de passer une autre nuit ici. Et pourtant, animé par un espoir ténu, j’ose un regard suppliant vers l’armoire à glace. S'il te plaît ?