Bliss & Shaé
As-tu déjà imaginé que quelqu'un quelque part pouvait comprendre ce que tu ressens ?
Je sais que la vie auprès de ton père n’a pas du être simple … Je ne savais rien de cette femme, mais elle semblait tant en savoir sur moi. Et dans sa lettre posthume, elle trouvait aisément les mots pour me toucher, des mots que personne d’autre avant elle n’avait su trouver, des mots qui bouleversaient mon cœur et mon âme. Cette femme que je ne connaissais pas semblait me comprendre, elle semblait savoir ce que j’avais vécu. Ton père est aussi le père de ma fille, Bliss …. Mon cœur se serra, mais si cette fille était liée par le sang à mon père, cela voulait aussi dire que nous étions sœur ? Tout du moins demi-sœurs. Et je suis vraiment désolé que tu l’apprennes ainsi, ce qui veut dire aussi que je ne suis plus de ce monde et que ma fille est désormais seule … Tout comme j’étais seule depuis toutes ses nombreuses années … Il m’était alors facile d’imaginer la solitude que devait ressentir la jeune femme que je ne connaissais pas et avec laquelle j’étais pourtant intimement liée. Cherche là … Ne l’abandonne pas … C’est une battante, mais je ne veux pas qu’elle soit seule … Ne la laisse pas toute seule … C’était peut-être la dixième fois que je relisais la lettre que m’avait fait parvenir à titre posthume Madame Montgomery, mais à chaque fois elle me touchait d’une manière différente. Je n’avais pas su tout de suite si j’aurais le courage de me confronter à Bliss, cette jeune femme dont j’étais si éloignée et pourtant si proche … Mais la solitude commençait à me peser chaque jour un peu plus, vivre sans famille c’était pire que tout, c’était se forger une carapace et ne laisser personne y entrer, c’était se renfermer sur soi même et refuser tout l’amour qu’on pouvait nous porter. Il était temps que je m’ouvre, que j’essaye, ne serait-ce qu’essayer, de créer des liens avec Bliss. Parce que c’était la seule famille qu’il me restait à présent et que je ne pouvais passer à côté. Assise dans le campus universitaire, j’attendais la fin d’un de ses cours, qu’elle rejoigne une autre classe, que je la croise pour pouvoir enfin l’intercepter. Et enfin, au loin, j’apercevais cette blonde aux yeux bleus, qui ne me ressemblait en rien, marcher en ma direction. Sans en avoir conscience je la dévisageais. Et alors qu’elle me dépassait, je reprenais mes esprits pour l’appeler. « Bliss ? ». Comment allait-elle réagir, déjà je l’avais fixé avec insistance et ce depuis des jours, de deux je devais lui annoncer une nouvelle qui ferait l’effet d’une bombe. L’air déterminée, je gardais mon sang froid, je ne pouvais plus faire demi-tour.