Hold me, i am small.
Reese était en plein dans un programme, à admirer les centaines de lignes de codes qu'il avait déjà écrites, aussi fier que déçu de son travail lorsque son téléphone vibra. Il ne voulut tout d'abord pas répondre. Si c'était urgent, on lui laisserait un message, mais finalement, à l'entente des longues sonneries répétées, il se décida à prendre l'appel. Quelle ne fut sa surprise d'entendre la voix apeurée et attristée de sa grande sœur à l''autre bout du fil ! On aurait dit qu'elle venait de subir le plus grand de tous les maux de la terre. Le sang de Reese ne fit qu'un tour alors qu'il venait de s'écarter de l'écran de sa machine et écoutait difficilement la voix de Lexie. De très nombreux scénarios se bousculaient dans sa tête, les pires des pires scénarios. Après avoir subi tant de choses à l'internat, il savait ce dont les êtres humains étaient capables, même envers des gens aussi bons que sa sœur. Tentant de garder son calme, il finit par plus ou moins comprendre que le membre de sa fratrie qu'il avait à l'autre bout du fil était à l'hôpital et lui demandait de la ramener expressément au-dehors de ce lieu. Au moins, si elle pouvait sortir, c'est que ce n'était pas si grave, tenta de se rassurer le jeune homme avant de prendre les premiers vêtements lui tombant sous la main, de les enfiler, bien négligemment et de quitter la pièce. Il ne lui fallut pas plus de quelques minutes pour rejoindre l'hôpital en question, mais le trajet parut des heures à notre jeune informaticien, qui souffrait en silence d'avoir entendu sa sœur dans cet état. D'habitude, c'était elle qui le protégeait, qui le surprotégeait même. Alors toute cette faiblesse en elle, cela lui faisait beaucoup de mal. Qui ou quoi pouvait bien l'avoir mis dans un état pareil ?
Reese se hâta de demander la chambre où se trouvait Lexie à l'accueil avant de monter quatre à quatre, voire même dix à dix les marches du bâtiments et rejoindre la pièce. Il ouvrit la porte sans frapper, adressant un furtif sourire à sa sœur avant le rejoindre près du lit. Elle avait un pied dans le plâtre. Il se pencha au-dessus d'elle afin de déposer un doux baiser fraternel contre son front, pour la rassurer de tout son être. « Je suis là... » souffla-t-il, avant de la serrer plus ou moins dans ses bras. Il l'embrassa sur la joue avant de s'asseoir à côté d'elle. « Je vais appeler un taxi pour qu'il nous ramène à la maison... » dit-il. Depuis son expérience avec la moto, Reese avait refusé de passer même le permis de conduire, à la surprise de tous. Alors il se débrouillait à vélo ou avec les transports en commun et aucun de ses deux moyens ne seraient bons pour sa sœur dans son état. Elle avait l'air si effondrée. Le jeune homme en avait le cœur de plus en plus brisé le temps s'écoulant, au fur et à mesure des secondes qui passaient. Un petit silence s'installa, et il ne put s'empêcher de poser la question ultime : « Que s'est-il passé ? » en fronçant les sourcils. A ce moment-là, il avait envie de souffrir à la place de son interlocutrice, tant le visage de celle-ci transpirait la déception, la colère et le désespoir. Si seulement il possédait une baguette magique pour passer le mal d'elle à lui, il le ferait. « Enfin... Si tu ne veux pas en parler, je ne te forcerai pas... J'appelle le taxi. » ajouta-t-il. Il respecterait une telle décision, même s'il espérait qu'elle parle, qu'elle extériorise sa peine, sans quoi il serait plus difficile plus tard de le faire. De toutes façons, le temps qu'il la raccompagne, ils auront tout le loisir de discuter, et Reese avait même déjà songé à lui préparer un bon petit plat ou plutôt un bon petit dessert.
Reese serra sa sœur dans ses bras de toutes ses forces. Il la sentait sangloter contre son épaule et il avait de plus en plus de mal à la voir dans ce piteux état. C'était comme si un train lui était passé dessus, un ouragan qui avait détruit autant son moral que son corps. Il lui caressa le dos, avant de la regarder en souriant faiblement. Elle lui demandait de la raccompagne chez lui. Certes.
«Bien sûr, je ne comptais pas te laisser toute seule... » dit-il en déposant un nouveau bisou sur la joue de son interlocutrice. Reese était extrêmement tactile, peut-être même plus à présent que lorsqu'il n'était qu'un tout petit bambin. A vrai dire, il avait besoin de sentir les caresses et le contact avec les gens qu'il aimait, sans quoi il avait juste l'impression de n'être qu'une coquille vide. Et il savait aussi qu'en ce moment, Lexie en avait besoin elle aussi, de ses câlins. C'était un peu une part bien entière de leur relation fraternelle. Soudain, elle eut un faible sourire apparaissant sur son visage, un peu malicieux, comme lorsqu'elle le grondait. Et Dieu sait combien ce gamin faisait de bêtises, elle n'arrêtait pas de le remettre à l'ordre sans cesse. Cela faisait partie d'eux, aussi. Elle était la grande sœur, un peu maternelle sur les bords, voire très maternelle. Il ferma simplement sa fermeture éclair face à la remarque que l'on venait de lui faire, levant les yeux au ciel. Lexie était dans un lit d'hôpital, elle avait eu un accident, elle était en larmes et elle trouvait tout de même le moyen de se soucier d'un gilet ouvert. Non, mais vraiment, on ne la referait pas celle-là !
Lorsqu'elle eut conté l'affaire qui l'avait menée dans cet hôpital, Reese fronça les sourcils. « Tu vois. C'est pour ça que je l'ai toujours dit, c'est dangereux de conduire ! » s'exclama-t-il. Une des raisons pour laquelle il n'avait pas passé son permis. Et puis, de toute façon, il avait beau dire, mais il ne pouvait même pas traversé la rue normalement, il suivait les gens. En effet, ne pouvant déceler les couleurs, le monde était fait de nuances de gris à ses yeux, et bien qu'il y soit habitué, il n'arrivait pas toujours à déceler un feu vert d'un feu rouge, les deux avaient une intensité lumineuse trop proche. « Je sais pas dans quel état tu conduisais pour te prendre un arbre, mais Dieu merci tu n'as que cette jambe pétée ! » s'exclama-t-il ensuite, fronçant les sourcils, comme si c'était à son tour de l'engueuler un peu. « Enfin, tu n'as que ça, hein ? Tu me caches rien hein ? De toute façon, je vais parler aux médecins si tu me dis pas tout... » dit-il, la regardant droit dans les yeux. Cependant, il finit par s'adoucir. Elle l'avait appelée parce qu'elle avait besoin de lui et non qu'il hausse stupidement le ton. Mais c'était normal, il avait eu si peur pour elle, il était un peu sur les nerfs.
Puis, Lexie lui affirma avoir appelé Booth. Ce garçon était son meilleur ami depuis toujours. Et Reese ne comprit pas vraiment les propos de la demoiselle. « Comment ça il t'a laissé seule ? Vous vous êtes... disputés ? » Il avait dit cela timidement, avec des pincettes. Après tout, si sa sœur ne voulait pas en parler, elle n'en parlerait pas, il lui laissait toujours cette liberté, même si elle en avait trop dit. Finalement, il l'aida à s'installer sur le fauteuil roulant avant de la pousser hors de la chambre. Il y avait des documents à remettre à l'accueil. « Attends un peu, je reviens, je vais juste appeler le taxi et je vais aller chercher ton bon de sortie, okay ? Je suis là dans dix minutes. » En effet, il n'était pas la peine qu'elle fasse des allers-retours en fauteuil roulant alors qu'il pouvait régler cette formalité administrative tout seul comme un grand. Ce serait même plus rapide.
Après s'être exécuté, il revînt presque en courant, un petit sourire aux lèvres. « Aller, hop, on s'en va ! » s'exclama-t-il de façon joviale. Pourquoi devait-il être morne ? C'était un joyeux luron d'habitude et il savait que sa sœur avait besoin d'un peu de bonne humeur. Même si Reese s'inquiétait pour l'affaire « Booth » car il semblerait que ce soit ce jeune homme qui soit à l'origine de la crise de sanglots de la demoiselle.
Le jeune étudiant s'inquiétait réellement pour sa grande sœur. Rien que le fait de la voir dans un lit d'hôpital l'avait mis plus que mal à l'aise. Un instant, il se disait qu'il était bien heureux qu'il ne lui soit pas arrivé quelque chose de pire, il ne saurait pas comment il survivrait sans elle. Depuis le départ d'Alex dans l'armée, ils étaient tous les deux devenus plus que fusionnels et il ne se passait pas plus d'une semaine sans qu'ils ne se voient. Même les plus grandes obligations ne leur permettaient pas d'oublier à quel point l'un pouvait se languir de l'autre.
Lorsque Lexie lui avoue les quelques autres blessures dont elle était la victime, il fit la moue. Cependant, il ne put pas s'empêcher d'afficher un petit sourire malicieux lorsqu'ils reparlèrent de l'épisode Booth qui avait tant altéré sa sœur adorée.
« Attends, tu lui as fait une crise de jalousie en fait ? » demanda-t-il. Il savait que son interlocutrice était du genre à s'emporter lorsque trop de sentiments lui inondaient l'esprit. Alors, cette affaire ne l'étonnait même pas. Reese posa une main sur l'épaule de la demoiselle avant de déposer un petit baiser sur sa joue droite. « Aller, t'en fais pas, vous allez vous réconcilier, c'est pas la première fois que vous vous disputez. Te mets pas dans cet état... » dit-il pour la réconforter. Si elle désirait lui en parler davantage, elle lui en parlerait, mais si ce n'était pas le cas, alors autant qu'elle met son stress et sa tourmente de côté et qu'elle profite de la journée. « Et puis, s'il ne te rappelle pas et ne revient pas te voir, c'est qu'il ne sait pas ce qu'est la perfection alors qu'il l'a juste en face de lui ! » Et toc, un dernier petit compliment juste pour la faire sourire. En même temps, Reese trouvait sa sœur parfaite. Avec Alex, elle était son plus grand modèle. D'ailleurs, leur mère n'avait cessé de lui ordonner de prendre exemple sur sa fratrie, lorsqu'il avait commencé à mal tourner. Et même à présent, il restait dans l'esprit de sa famille un vilain petit canard à surveiller. Faut dire qu'il avait parfois des réactions bizarres...
Reese poussa le fauteuil de sa sœur et ils sortirent tous deux de l'hôpital. Enfin. Le jeune homme n'aimait pas ce lieu, cela lui rappelait son coma éthylique et aussi les blessures dues à la torture qu'on lui avait fait endurer. Alors plus tôt ils seraient à l'extérieur, mieux ce serait. « Mmh bah je pense qu'il doit y avoir quelques petites choses à grignoter... Si t'as faim, on pourra cuisiner... » Reese quant à lui était dans l'une de ses phases d' « anorexie » si l'on pouvait l'appeler ainsi. En effet, notre jeune homme passait parfois plusieurs en ne mangeant presque rien, avant d'avoir des phases d'opulence alimentaire. Des troubles qu'il cachait à sa famille, bien que tout un chacun soit au courant.
Le taxi arriva et Reese aida Lexie à y entrer. Le conducteur l'aida à ranger le fauteuil dans le coffre et ils purent prendre la direction de l'endroit où vivait notre étudiant en informatique.
Reese s'était plus que souvent demandé ce qu'il ferait sans sa sœur. Elle avait toujours été présente pour lui depuis le départ d'Alex. Évidemment, il ne lui avait rien dit pour ses soucis médicaux, son coma éthylique et son achromatopsie, restant très évasif dans ses lettres et ses appels lorsqu'il se trouvait à l'internat. Le jeune homme ne voulait pas l'inquiéter de trop, surtout si peu de temps après la mort de leur père, si bien qu'il avait même demandé à sa mère de ne pas en parler à Lexie. Si bien que jamais la jeune femme n'avait su pourquoi sa génitrice était partie rendre visite à Reese quelques jours à l'internat... Et cela avait été bien mieux ainsi. Mais enfin, le garçon avait un peu menti en expliquant qu'il était daltonien afin de faire comprendre à ses proches pourquoi il écrivait sur chacun de ses stylos de quelle couleur il était affublé sur une jolie étiquette proprement collée. Et puis, cela expliquait aussi ces mauvais goût vestimentaires niveau choix des couleurs...
Enfin, le frère et la sœur prirent place confortablement dans le taxi qui les menait en lieu sûr. Du moins dans un endroit bien moins inquiétant et lugubre que l'hôpital. Reese se blottit contre sa sœur sur la banquette arrière la serrant tout contre lui. Elle avait l'air d'avoir un peu froid. Il lui trouverait une couverture bien chaude dès qu'ils seraient arrivés à destination. « T'es la meilleure, garde ça dans ta petite tête ! » rit-il légèrement. Ils parlèrent ensuite de cuisine. Le jeune étudiant n'avait pas faim. Il n'avait jamais vraiment faim, surtout depuis sa rupture. Il voyait d'autres filles, mais il avait du mal à s'en remettre c'était net. « On pourra faire une pizza, qu'on dis-tu ? » Il sourit. La bataille de farine était déjà en vue. Un vrai gamin, ce Reese, du haut de ses 22ans. On lui en donnerait moins mentalement parlant, même si physiquement, il avait l'air d'un homme, clairement.
Et soudain, Lexie lui posa une question qui le fit un peu tressaillir. Il évita son regard pour se tourner vers la fenêtre et regarde les rues défiler. Il avait commencé à pleuvoir, un tout petit peu. Des gouttes fines et continues, d'ici cinq minutes, cette pluie aurait cessé.
« Bah écoute, je ne sais pas... Je... Je veux même pas y penser. » finit-il par déclarer, tentant de garder le visage aussi neutre que possible. En même temps, il avait vraiment souffert que Romane ait pris tant de temps à se rendre compte qu'elle n'aurait pas dû accepter. Il aurait préféré qu'elle lui dise non tout de suite, ainsi ils seraient peut-être restés ensemble, même si c'était pour finalement se marier dans des années, ou même jamais. Cette annonce avait mis un tel froid entre eux, qu'ils s'étaient décidés de rompre. Et Reese le regrettait.
« Et toi... Y a pas mal de garçons qui te tournent autour, non ? » dit-il en la regardant à nouveau, souriant malicieusement. Des fois, il se disait qu'il devrait l'accompagner à la fac avec un fusil, pour pas que les mecs posent des regards trop pervers sur sa sœur.
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