Parcourir les rues de Los Angeles en toute tranquillité faisait beaucoup de bien à Grey. Trop longtemps sous pression, le jeune avocat avait oublié les plaisirs simples de la vie. Roulant paisiblement sur l’autoroute, Grey allait en direction du quartier Northeast de Los Angeles. En chemin, il repensait à ses premières années ici. Que ce soit les lieux où les personnes rencontrées, l’aventure californienne fut riche et inoubliable. Tellement inoubliable qu’il n’eu pas de mal à s’orienter pour rejoindre sa destination. Ses vieux points de repère l’amenèrent sans difficulté jusqu'à Griffin Books où il désirait s’acheter quelques livres. Autrefois, Grey lisait beaucoup. Maintenant qu’il avait bien pris ses marques, il voulait reprendre ce passe temps oublié. Le jeune homme poussa la porte de la librairie et fut étonné à quel point tout était resté à sa place depuis sa dernière visite. Cette même odeur de vieux papier lui chatouillait les narines tandis qu’il parcourait lentement les étagères de livres aux couvertures diverses. Des couvertures bleues, des jaunes, certaines en cuir, d’autres plus vieilles revêtaient des images de tapisseries ou de tableaux. Depuis toujours, cette librairie regorgeait de trésors de lectures et de tous les genres. Il ne manquait pas de chefs d’œuvres littéraires ici et l’on avait accès à de nombreux ouvrages écrits d’une plume de maître. D’ailleurs, il en fit la remarque au propriétaire des lieux sur qui il tomba nez à nez. Ce cher Hank détenait là certainement un bijou de librairie. Après quelques paroles échangées avec ce dernier, Grey continua sa chasse au trésor. Un peu perdu, le jeune homme avançait avec prudence en attendant de trouver la perle rare. Puis, au bout de quelques minutes, il vit au dessus de lui un livre à la couverture rouge, il le tira mais fut surpris. Non pas par le livre, mais plutôt par ce qu’il se trouvait derrière. Quelqu’un. Un homme. Pas n’importe lequel. Ces cheveux noirs ébène, ces petits yeux noisette, cette bouche écarlate, c’était lui.
Lui. Le seul. Grey cligna des yeux plusieurs fois avant de prononcer quoi que ce soit. Le retrouver ici après tant d’années était improbable et pourtant. Combien étaient estimées les chances de le retrouver, lui, ici comme par hasard ? D’être au même endroit, au même moment et surtout d’être face à face. Ne lui laissant pas le temps de se rendre compte de la situation, le brun disparu pour réapparaître au bout de l’allée suivante. Il le vit. Abel, était à quelques pas de lui. Grey quelque peu retourné par le choc, déglutit. L’australien et le français, l’un en face de l’autre. Cela faisait si longtemps. A l’intérieur de son abdomen, le cœur de Grey cognait à tout rompre et dans son sang coulait une adrénaline folle. Les émotions défilaient en lui comme dans un film au fur et à mesure que son ex petit ami s’avançait vers lu. D’abord le bonheur car il l’avait enfin revu, puis l’extase devant sa beauté ambiguë, entre douceur et virilité et enfin la colère, celle qui consommait le tout. Cette dernière fit vite taire les deux autres émotions tant elle était forte. Cette avalanche de sentiments bouleversa Grey. La vue d’Abel était aussi magique que renversante. Aussi magnifique que déroutante. Le moment était double, entre bonheur et amertume. L’australien ne savait quel comportement adopter devant son amour de toujours. Car oui, Grey ne l’avait pas oublié malgré les années, malgré les derniers mots échangés, malgré ce départ précipité par la colère. Il fut un temps où Abel représentait tout pour lui, mais il apprit avec le temps à s’habituer à son absence. La fierté parla pour Grey qui était perdu. Jouer la carte de l’orgueil lorsqu’il était désarmé représentait sa solution de secours pour faire face à tous les épreuves. Il s’agissait bien là d’une épreuve. Tant émotionnelle que physique, son cœur tambourinait dans sa poitrine, il en avait presque le souffle coupé. Les battements se firent plus violents une fois qu’Abel décida de se rapprocher. Il était près, trop près. Leurs souffles se mêlèrent dans une danse aérienne invisible. Au contact de sa main sur la peau, la peau de Grey frissonna de tout son long, il ferma les yeux. Pris d’un soubresaut, il n’avait pas senti cette main chaude et rugueuse sur son corps depuis si longtemps. Trop bouleversé, il ne répondit pas au geste affectif du français et se laissa faire, les lèvres serrés. L’odeur d’Abel fut omniprésente et le contact entre son corps et le sien durant cet enlacement fut dur à supporter. Impulsif, Grey se retint avec difficulté de déposer un baiser passionné dans le cou musclé de ex petit ami. Il se mordit la lèvre inférieur pour ne pas succomber à ces pulsions et il en eu mal. Abel se décala, s’en était fini. Lentement, il s’éloigna. Malgré l’émotion du moment, l’avocat garda la tête haut et essaya de rester de marbre et cela, même lorsque la conversation débuta enfin.
Tu aurais pu l’ouvrir. Tu aurais pu me rattraper. Tu auras pu daigner recoller les morceaux une fois que je suis. Tu aurais pu daigner donner un signe de vie durant ces deux dernières années. Tu aurais pu aussi comprendre que je ne voulais pas aller en Australie. Tu aurais pu faire tellement de choses. Mais tu n’as rien fait. Lança Grey d’un ton qui se voulait calme, mais les vibrations de sa voix le trahissaient. Il était retourné par cette dose trop forte d’émotions.
Ca serait mentir que de te dire que je ne suis pas content de te revoir aussi. Surtout depuis la dernière fois. Tu m’as l’air en forme. Grey sourit et détailla la tenue de Abel d’un regard amusé, les deux hommes avaient presque la même tenue. C’est fou comme on a les mêmes goûts parfois. Abel lui sourit, ce qui déclencha chez Grey une explosion de joie. Il la dissimula tout de même, mais revoir le visage de son amant se colorer était quelque chose de toujours aussi beau. Le sourire de Abel avait toujours fait fondre Grey.
Tu n’as pas répondu à ma question…Reprit-il plus sérieusement. Comment ça se fait que tu ne sois plus en Australie ?