Alors que j’étais obnubilé par un magnifique reportage sur la reproduction des orangs-outangs, à moins que ça soit des citrouilles salopes – le doute plane – la sonnerie de mon téléphone retentit. Je venais de recevoir un message. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire j’avais la main dessus – autrement dit, bien cinq minutes, j’avais quelques problèmes de motricité –. Les yeux complètement défoncés, je réussis néanmoins à déverrouiller mon portable et à lire le message. Il s’agissait d’Abel : « Faut que tu ramènes tes p'tites fesses chez moi ! Maintenant ! ». Avant que l’information me monte au cerveau, il se passa bien deux bonnes minutes. Je lui répondis du tac au tac « J’arrive ! » - autrement dit un message du type « h(attibr » – Je me levai, enfilai bien difficilement un falzar. Je ne manquai pas de tomber à plusieurs reprises. Prêt, je quittai mon appartement pour me rendre chez Abel.
Arrivé devant chez lui, après quelques frayeurs, je me garai. J’attendis quelques minutes, j’avais la tête qui tournait. Je me demandai bien ce qu’il me voulait, cela avait l’air urgent. Je me regardais dans le rétroviseur central, j’avais une mine affreuse. J’étais un zombie. J’allais encore me faire houspiller. J’en avais l’habitude avec lui. En même temps si on ne s’engueulait pas, si on ne s’envoyer pas des piques, des vannes, notre amitié n’avait pas lieu d’être. C’était notre marque de fabrique. Avant de m’extirper de l’habitacle, je cherchai dans la boîte à gants – assez maladroitement je dois dire – ma paire de lunettes de soleil. J’avais vraiment les yeux en vrac. Je les installai avec grâce et volupté – à l’arrache quoi – sur le bout de mon nez. Prêt, je sortis de ma bagnole et me présentai devant la porte de cher Abel. Poli, j’appuyai sur la sonnette afin de signaler ma présence. La sonnette était toujours aussi stridente, elle me donna mal à la tête. Je poireautai là, à attendre. Qu’est-ce qu’il foutait ? Il était bourré, et ne pouvait pas ouvrir la porte ? Ma patience avait des limites. Finalement la porte s’ouvrit. « Oh putain mec j’cr… » C’est alors que je la vis. Mon regard fit un va-et-vient entre la gamine et l’écriteau à côté de la porte. Je le fis bien trois fois. Je baissai un chouia mes lunettes pour voir au dessus. Avec le flegme qui me caractérise je lui répondis : « Eh ben ! Mec ! Je savais que tu aimais la bite, mais pas au point de te transformer à gamine ! ». Silence.