i want to shut your beautiful mouth.
Clarence gara sa Rover sur le parking du cimetière. C’était un lundi après-midi ainsi les lieux étaient plus déserts, les visiteurs préférant le week-end pour rendre hommage à leurs défunts enterrés ici. Lui n’avait aucune famille derrière ses immenses grilles austères et il continuait d’espérer que ça soit le cas pendant des décennies encore. Il claqua la portière d’un geste négligé puis se dirigea vers l’accueil ouvert toute l’année. On pourrait s’étonner des raisons de sa venue et l’expression maussade que son visage arborait tout le trajet durant laissait deviner que ce n’était pas de gaieté de cœur qu’il était là. Un employé l’attendait sagement et vint lui serrer la main près de l’entrée. « Maddox Burns, bonjour. » Même si elle restait polie, sa voix trahissait son agacement. De plus, il avait horreur de se présenter sous cette identité et n’attendait que le petit papier officiel, attendu depuis des semaines, qui déclarerait enfin son changement de prénom. Il tendit sa convocation du tribunal au vieil homme qui le considérait d’un œil plutôt surpris. « Vous avez pas l’air d’un mauvais gars, mon garçon. Qu’est-ce qui vous a mené ici ? » L’esprit de Clay vagabonda aussitôt vers des souvenirs peu reluisants. C’était il y a quelques semaines. Une association de défense envers les animaux avait décidé d’organiser une manifestation dans les rues de Los Angeles, suite à une polémique qui mettait en cause la femme d’un politicien de la ville. Celle-ci, lors d’une apparition publique et on ne peut plus sérieuse, avait décidé d’exhiber sa plus belle fourrure, véritable signe de provocation puisqu’il n’était que la fin septembre. Evidemment, la population inquiète du sort des animaux avait crié au scandale et avait marché ce jour-là, pancartes en main pour faire entendre combien cette attitude était abjecte. Peu concerné par l’épouse bimbo qui avait fait là un mauvais coup de pub pour son malheureux mari, Clay avait seulement participé pour soutenir la cause qui lui tenait à cœur depuis tout petit. Il avait défilé de façon pacifiste mais déterminé. Il avait compris que la violence n’était plus nécessaire pour être entendu et n’apportait que des ennuis avec les autorités généralement peu tolérantes envers ces manifestations de mécontentement. Seulement, il avait voulu défendre les intérêts d’une demoiselle qui s’était fait prendre à parti par les policiers bien contents de mettre la main sur une proie facile – facile n’était pas le mot vu comment la tigresse s’était défendue. Ainsi donc ils s’étaient tous deux retrouvés au poste, la police se souciant peu de savoir si ce grand gaillard un peu trop costaud avait eu de bonnes ou de mauvaises intentions. Le tribunal des délits avait rendu son verdict et lui avait envoyé un courrier sympathique qui le conviait ainsi ce jour-là à effectuer des travaux d’intérêt général au cimetière de Los Angeles. De quoi être d’une humeur fabuleuse ce matin. « Mes bonnes manières de gentleman, monsieur. » Bougonna-t-il malgré tout attendri par cet employé qui œuvrait là certainement depuis de longues années. Ce dernier lâcha un rire étouffé puis envoya Clarence dans le vestiaire. Le blond réapparut dans l’allée principale du cimetière. Il s’était attaché les cheveux et avait revêtu ce pantalon orange immonde qu’on attribuait aux travailleurs. Il avait déjà noué la chemise de la même couleur autour de sa taille puisque la chaleur était déjà écrasante. Il portait ainsi qu’un tee-shirt gris dans lequel il avait déjà chaud. Une bonne après-midi en perspective. Dire que sa rentrée était dans deux jours et qu’il se retrouvait là à perdre son temps… Il rejoignit le vieillard qui attendait. A côté de lui trônaient une brouette, des pelles, des sacs poubelles ainsi que deux paires de gants. « La demoiselle est en retard, vous commencerez sans elle jeune homme. » Clarence leva les yeux au ciel. Pourquoi n’était-il même pas étonné. Il y a quelques semaines encore, il ne la connaissait ni d’Eve ni d’Adam et aujourd’hui il devait partager avec elle une corvée qu’il n’avait même pas méritée. Nettoyer les allées des déchets et des feuilles mortes, ramasser les fleurs fanées sur les pierres tombales, voilà le principal labeur de la journée. Clay avait déjà commencé depuis dix minutes à ratisser l’herbe quand il distingua une silhouette fine s’approcher de lui. Excédé, il s’appuya sur le râteau avant de la toiser. « La princesse se présente enfin. » L’ironie était palpable dans sa voix et pourtant c’était bel et bien une critique cinglante. Sans attendre, il lui lança sa paire de gants. « Je veux pas t’entendre. Je n'existe pas. » Puis sans lui accorder un regard, il reprit son travail, tentant de dissimuler la colère sur son visage. Que le temps passe vite.