Un flot de paroles s'échappa de ses lèvres et si j'étais plus attentif que jamais à ce qu'elle me disait, je n'arrivais pas à y apposer du sens. Je ne comprenais rien. Ni le pourquoi du comment elle ne se sentait soit-disant plus à l'aise dans cette relation, ou encore pourquoi ça ne marcherait pas ? Je tiquai sur les derniers mots. « Me donner ce que je veux ? Et qu'est-ce que je veux, au juste ? Je ne t'ai jamais rien demandé Shaé... Rien de si... contraignant. » Dis-je, littéralement paumé. C'était bien ça le problème. Tout allait si bien entre elle et moi, nous nous étions véritablement trouvés, et sans même prévenir, un tourment était né. Et quand elle me dit que les choses étaient trop compliquées, qu'elle n'arrivait pas à les gérer, là je haussai mes bras de désespoir, montrant bien que je ne la suivais décidément plus. « Mais de quoi tu parles bon sang ? Qu'est-ce qui est compliqué ? » Accessoirement, ça serait bien qu'elle soit plus explicite, ça pourrait nous aider à avancer. Je déteste ne pas comprendre et là c'était pire encore avec elle en protagoniste. Shaé se remit à parler, encore une fois du fait que je lui demanderais sûrement trop, qu'elle ne sentait tout simplement pas cette relation. Et que je l'aimais trop. Je m'en suis souvent voulu d'être un sentimental, putain ce que ça faisait mal. Je n'étais pas tombé amoureux de la fille la plus délicate dans sa façon de parler en plus, mais au moins je ne pouvais pas lui reprocher d'être malhonnête, quand bien même elle attendait toujours le mauvais moment pour se confesser. Mais je lui en voulais, atrocement. C'était difficile de mettre des mots sur ce qu'elle me faisait, mais là, je devais atterrir, c'était clairement une demande de rupture. Non, pas une demande, mais bel et bien une déclaration. Et c'était trop violent, trop soudain ; je ne m'étais véritablement pas préparé à entendre ça d'elle un jour, parce que je croyais que c'était elle. Pour tout, c'était elle. Shaé s'était faite une place irremplaçable dans mon coeur et entendre tout ça était tout bonnement meurtrier. Toujours garder la face et la force, toujours, toujours... C'était un principe de vie qui pourtant était difficilement applicable à ce moment-là, et je crois que je n'avais même pas envie de faire semblant d'aller bien, de supporter ce qu'elle me disait. C'était impossible et ce malgré ma grande fierté. J'avais envie de lui dire qu'elle n'était pas raisonnable, que je ne lui demandais rien, que je voulais prendre mon temps avec elle. Que je ne l'aimais pas trop, mais bordel, si, je l'aimais trop. Trop pour qu'elle me lâche de cette façon. Aucun son ne sortit. J'étais juste paralysé, à ne pas vouloir croire ce qui se passait sous mes yeux. Elle m'apprit que sa sœur attendait un enfant, qu'elle devait être là pour elle. Alors comme ça, elle n'avait plus de temps pour nous ? Ce n'était qu'un coup de plus dans le coeur. Au point où j'en étais, elle pouvait bien ne plus s'arrêter.
Je ressentis d'un seul coup comme un immense vide. Une perte d'équilibre, représentant son effacement, sa disparition. Si elle n'était plus à mes côtés que ce soit physiquement ou mentalement, alors il allait falloir que je me reconstruise, que je réapprenne à ne plus la compter comme une moitié. Ça me semblait complètement irréalisable et là, je me demandai si elle se rendait compte à quel point elle m'enfonçait au fond d'un fossé obscur. Quittant son regard, je me tournai légèrement et pris ma tête dans mes mains un instant, en proie à un malaise violent. C'était insensé, aberrant, fou. Je me sentais trop mal et je ne savais même plus quoi faire. « Ce n'est pas possible. » Murmurai-je alors, faisant glisser mes mains dans mes cheveux, avant de me retourner pour finir dos à elle. Affronter son regard devenait dur. Mes sentiments pour elle étaient tellement forts que le simple fait de la regarder me détruisait désormais. Mon regard se détourna sur ses valises et plus lentement sur elle, parce qu'il le fallait bien. Tout comme il fallait bien que je finisse par parler, briser ce silence tellement pesant. « Tu vois le pire dans l'histoire, c'est que tu comptais vraiment me faire la surprise de ton départ. Tu pensais que je rentrerais et qu'après avoir vu toutes tes affaires envolées je t'appellerais pour régler ça au téléphone ou quoi ? Merde Shaé, t'as vu comment tu me sors ça ? » C'était plus fort que moi, je n'arrivais pas à rester calme. Elle me décevait, j'avais envie de la secouer, de lui faire réaliser qu'elle faisait une grosse erreur de partir comme ça. J'avais aussi envie d'attraper ses valises, de les balancer par la fenêtre tellement elles me sortaient par les yeux, elles et tout ce qu'elles représentaient. « Je suis sensé faire quoi maintenant ? Tout accepter, t'aider à descendre tes bagages et aller t'ouvrir la porte ? Putain, j'peux pas Shaé. Je refuse de te laisser partir et tout abandonner juste parce que t'as peur. J'ai peut-être merdé à un point mais là.. tu fais une grosse erreur. Enfin regarde-nous ! Depuis le début on sait qu'il y a quelque chose de spécial, et depuis le début je t'aime tout court, ce n'est jamais trop Shaé... Si tu pars, tout va partir en vrille. » Non, je vais partir en vrille. Et je vais te détester, car la haine et l'amour sont proches. Si proches.