En entrant dans la cafétéria, le vide se faisait déjà sentir. La première vague était passée, laissant la place aux professeurs de déjeuner tranquillement entre collègues sans avoir la cohue générale autour d’eux. J’étais l’exception à la règle, qui mangeait aussi avec quelqu’un qui travaillait à UCLA. Je ne manquais pas d’ailleurs de distinguer les professeurs qui regardaient notre entrée dans le réfectoire comme si c’était quelque chose d’interdit. Tant pis, j’allais les ignorer. Pour une fois, j’étais en charmante compagnie. Il était plutôt sympathique et assez ouvert, chose qui me changeait totalement de mes rencontres habituelles qui se limitaient souvent à l’origine d’un diagnostic ou alors qu’est-ce que je vais mettre ce soir. Une bonne bouffée d’air frais quoi. La preuve, au nombre de mes éclats de rire depuis que j’essayais de me décoincer un peu. Je prenais un plateau tout en restant derrière Samuel. Notre discussion ne s’arrêtait pas pour autant. « Le plaisir est pour moi alors, monsieur le professeur ! » disais-je, avec un sourire en coin dans son dos. Je continuais à faire glisser mon plateau jusqu’à prendre le plat de burger, qui, ne le cachons pas, me faisais terriblement baver. Ce n’était pas forcément bon pour ma ligne, mais tant pis. Je n’allais certainement pas me contenter d’une salade surtout lorsque j’entendais mon estomac gronder son mécontentement. Samuel devait donc déjeuner avec sa colocataire qui était également prof de danse ici. Son nom ne me disait rien en tout cas. « En effet, médecine et danse… Ca ne se conjugue pas vraiment. » disais-je, en commençant à épier les tables libres. Samuel choisissait celle-ci, tout en observant quelques élèves qui commençaient des messes basses. Bah oui, qu’est-ce qu’il pouvait faire en mangeant avec une étudiante ? Je m’installais en face de lui, et ne tardais pas trop pour manger. Je n’avais pas envie de le faire arriver en retard à son propre cours, même s’il me confirmait qu’il en était capable et que cela lui était déjà arrivé. « Si, malheureusement, c’est indispensable… C’est d’ailleurs sur ça que je galère à chaque fois. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis la seule avec les chiffres ne font pas bon ménage avec moi. Pourtant, je ne suis pas difficile. » disais-je, en souriant. Je mordais dans mon burger, en savourant les arômes qui se réveillaient dans mes papilles. Mon estomac, lui, faisait la danse de la joie. « Si ça ne te dérange pas de donner des cours particuliers, je veux bien. Enfin, je ne veux pas te déranger non plus, tu dois être quand même pas mal occupé à préparer tes cours et tout ça… » disais-je, en baissant le nez dans mon assiette. C’était quand même gênant de demander des cours particuliers à un prof. Et ça pouvait dans certains cas, être mal interprété par les gens. « Les étudiants auront au moins, une petite histoire à se mettre sous la dent. Le professeur et l’élève travaillant tard le soir… » disais-je, en levant les yeux au ciel. Je me rappelais que j’étais à UCLA et que les ragots alimentaient trop souvent les couloirs de cette prestigieuse université. « Il n’y a qu’à voir comment les dernières personnes présentes nous dévisagent. Comme si je ou tu n’avais pas le droit de déjeuner avec la personne de ton choix. » disais-je, en prenant mon verre d’eau. Oui, ça m’agaçait légèrement. « Pathétique, voire même ridicule. » Je jetais un regard noir à un étudiant qui s’était arrêté quelques secondes pour regarder avec qui Samuel mangeait.