Elle avait un peu de mal à s'y faire, il fallait l'avouer. La présence de sa mère près d'elle avait tendance à la perturber. D'autant plus que tout semblait aller comme sur des roulettes, comme si la grande blonde n'avait jamais disparue des radars de la famille Campbell. Et ce qui était d'autant plus perturbant, c'est que Leaven se préoccupait autant de sa mère que sa mère d'elle. Cette aura protectrice qu'elles avaient l'une envers l'autre était naturelle et pourtant, personne ne penserait réelle une telle situation. Leaven voulait protéger sa mère d'un hypothétique connard, tout comme son frère d'ailleurs, à la différence que lui, n'avait pas arrêté de la protéger là où Leaven s'était faite la malle pendant six ans. Et naturellement, comme ça, d'un coup, elle se souciait de la sécurité de sa mère. Bien évidemment, elle s'en était toujours soucié, elle s'était toujours posé la question de savoir comment elle allait, si tout se passait bien dans sa vie et si tout se déroulait comme sa mère le souhaitait - après toutes les années de calvaire, elle avait bien le droit au bonheur et à une vie comme elle l'entends après tout. Mais là, c'était réel, c'était bien là. Sa mère était en face d'elle, elle pouvait la protéger physiquement, elle pouvait l'entourer de ses bras, l'embrasser, la réconforter, l'aimer. Elle ne se posait plus de question quant au bonheur de sa mère, elle avait enfin les réponses. Et bon dieu, ce que ça pouvait lui faire du bien! C'était un véritable poids qui se retirait de ses épaules. Elle avait presque envie de craquer, de laisser quelques larmes de bonheur et de soulagement s'en aller. Mais elle se retenait, préférant rire de la réflexion de son frère. Quelle saloperie celui-là, franchement.
« Hey, je n'aime pas que les hommes, les vrais comme tu dis je te signale. » Après tout Leaven n'avait jamais caché sa pansexualité, son attirance pour tout le monde, tout genre confondu. Dès son adolescence de toute façon, elle avait bien partagé quelques histoires courtes avec des femmes et même une histoire avec une personne qui était en cours de changement de sexe. Oui, Leaven aime les gens, les personnes et non pas les hommes ou les femmes et jamais elle ne s'en était cachée. Quoi qu'il en soit et très vite, la conversation dérivait sur leurs retrouvailles, celles avec son frère dans le studio photo. Un très grand moment dans la vie de l'un comme de l'autre, c'était certain. Riant à la pichenette de sa mère, Leaven ne put s'empêcher de rectifier légèrement les paroles qu'elle venait de prononcer.
« Le trio est enfin réuni tu veux dire. » Après tout leur mère comptait autant qu'eux dans tout ça. Jamais Aaron et Leaven ne seraient devenu ce duo sans elle, jamais ils n'auraient été aussi complices alors il était clair que leur mère constituait même le noyau de leur relation fraternelle si particulière.
Très vite le conversation se tournait vers le passé de Leaven, ce qu'elle avait fait pendant ces six années d'absence. Tant qu'on ne lui posait pas la question du pourquoi elle était partie, elle pouvait bien répondre à toutes les questions que sa mère allait lui poser sans aucun souci. Et forcément, la première peur d'une mère est de voir ses enfants malmener par d'autres personnes. Si seulement elle savait la raison de son absence, elle aurait pu voir qu'on l'avait malmenée bien avant son départ. Mais peut-être était-ce la faute de Leaven, après tout elle n'avait rien dit et ne se sentait toujours pas en mesure de le faire.
« Tu sais quand on est différent on est toujours malmené. Même quand on est pas différent de toute façon, on peut pas plaire à tout le monde. » Et ça Leaven en avait bien conscience. Fort heureusement cette discussion fut vite coupée par celle concernant le jardin. Leur mère avait toujours eu la main verte et l'amour de la nature. Leaven se souvenait encore de ses dîners où rien ne provenait d'un supermarché, tout avait cueilli l'après-midi même dans le jardin, avec l'aide de tout le monde si ce n'est de leur pseudo-père bien entendu. Ça faisait parti des après-midi dès elle se souvenait des moindres détails, des odeurs, des bruits, et rares étaient ces journées où elle se souvenait des couleurs et des formes. Elle était très jeune à ce moment là, mais une personne qui voit et qui perd la vue progressivement doit avoir le réflexe d’emmagasiner un maximum de souvenirs, c'est que Leaven supposait en tout cas pour qu'elle s'en souvienne.
« Non il m'a rien dit, j'ai juste senti l'odeur de l'herbe et entendu Oréo courir dans les feuilles de rhubarbe je suppose. » La bruit de ses feuilles ne laissaient pas de doute quant à leur présence lorsqu'on on marchait au travers tellement elles sont imposantes. Leaven avait donc supposé que sa mère continuait à jardiner.
« Merci, c'est gentil. » De son côté, contrairement à son frère, la blonde n'avait pas l'habitude de ce genre de cadeau. Il faut dire que la jeune femme était parti jeune de la maison et ne donnant pas de nouvelles ni même d'adresse, elle aurait eu bien du mal à avoir ce genre de présents. Mais ça lui faisait plaisir, cela mettait du baume à cette relation meurtrie par son absence. Leaven ne manquait pas de rire à la réflexion de sa mère concernant les mains de son frère avant d’acquiescer à celle de son frère.
« Je peux aider à autre chose que planter, espèce de moqueur. » Souriant doucement, elle savait bien qu'il plaisantait, et heureusement d'ailleurs. Mais il est vrai que c'était une idée qu'elle garderait en tête. Venir aider sa mère ne serait-ce que pour porter des sacs lourds ou pour ramasser des légumes, elle en était capable et cela lui permettrait de renouer un peu plus intimement avec sa mère dans un environnement saint et propice au calme.
Finalement le repas s'était terminé sans encombre, dans la même humeur. Jusqu'à ce qu'une question résonne dans la pièce. Leur mère venait d'interroger son fils sur les évènements récents dans sa vie. Si Leaven était au courant, leur mère ne l'était pas. Mais ce n'était pas à la blonde de dire quoi que ce soit, la décision revenait à son frère de lui annoncer la mauvaise nouvelle. Et c'est d'ailleurs ce qu'il fit après avoir tourné autour du pot, évoquant d'abord son travail avant d'avouer pourquoi il s'y enfonçait honteusement. Le regard et le sourire de Katherine avait alors changé. Elle n'était pas en colère, elle était seulement un peu triste d'entendre cette nouvelle qu'elle trouvait d'ailleurs choquante, après tout, tout semblait bien aller entre eux pour ce qu'Aaron lui disait. Mais surtout, son regard transpirait la compassion tandis que sa main caressait tendrement la joue de son fils. Elle voyait bien qu'il n'allait pas bien, qu'il tentait de faire bonne figure face à elle.
« Ça ira mieux d'ici quelques jours, quelques semaines. Tu peux m'appeler quand tu veux et venir quand tu veux, tu le sais ça. » Leur mère n'avait pas émis l'idée que ça irait mieux dans le sens que Shaé reviendrait. Après, il est vrai qu'elle le souhaitait pour son fils qu'elle savait amoureux. Mais elle n'avait pas envie de lui faire de faux espoirs alors elle préférait émettre l'idée que ça irait mieux, avec ou sans elle. Elle savait Aaron fort, capable de passer cette étape douloureuse de sa vie, mais en tant que mère, il est évidemment qu'elle souhaitait qu'il aille mieux rapidement. Tandis que Leaven apportait le dessert, elle laissait le soin à son frère de couper les parts. Non pas qu'elle n'en était pas capable, mais eux deux, c'est comme des jumeaux tellement ils sont fusionnels et elle savait que dans ce genre de moment où il n'est pas à l'aise, il lui faut une occupation pour fuir les regards et occuper ses mains, un peu comme Leaven quand elle est dans ce genre de situation finalement. Les enfants Campbell se ressemblaient beaucoup au final. Tout en lui distribuant les assiettes à dessert une par une pour qu'il puisse y mettre une part de tarte, Leaven préférait détourner le sujet pour sortir son frère de cette impasse douloureuse.
« Tu fais faire ton studio par une entreprise? » Après tout on sait jamais, il pourrait avoir quelques amis bricoleur qui peuvent lui rénover son studio. Quoi qu'il en soit, sa mère soutenait l'initiative de sa fille à changer de sujet, ne voulant pas attrister son fils plus qu'il l'est déjà.
« J'espère bien que tu m’emmènera voir tout ça. C'est important pour une mère de voir dans quel milieu évolue ses enfants. » Et c'était bien évidemment réciproque pour Leaven.
Spoiler :
D'accord, j'ai dit que je réduirais... puis finalement emportée dans le truc, j'ai même fait plus long. Pardon.