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    I'm a lie. She is too.

    Dr. West φ Anna Harris


    Des cheveux noirs, coupés juste au dessus des épaules. Des yeux d'un marron presque noir. Une peau claire, presque blanche. Un grain de beauté près de l’œil gauche. Des lèvres d'un rouge sang pur. Une robe noire, classique, bien coupée, arrivant jusqu'au genoux. Une chaîne et une croix en or autour du cou. Un foulard blanc en soie entourant ce même cou. Une paire d'escarpins noirs classique, à talons épais de 8cm. Un trench-coat noir assez long. De grandes lunettes de soleil noires. Et enfin, un petit sac Chanel.
    Voilà. Lola était prête. Telle une poupée maquillée et déguisée, elle était fin prête pour son rendez-vous. Car oui, aujourd'hui, Lola avait rendez-vous avec un homme. Comme à son habitude, elle allait jouer un rôle, mais cette fois, cela serait quelque peu différent. Juste un peu. Elle n'avait pas le choix. C'était pour se protéger.
    Un essai. Voilà ce que c'était. Un simple essai. Parce qu'elle ne savait plus trop comment faire. Elle avait besoin. Alors il fallait essayer. Et si jamais cela ne fonctionnait pas, elle partirait. Elle laisserait tomber. Elle oublierait juste cet instant, l'effacerait de sa mémoire, et tout s'envolerait comme si de rien n'était. Et elle trouverait autre chose. Mais pour le moment, pour aujourd'hui, c'était ça. Ce rendez-vous. Cet homme.
    Sortant de son immeuble, elle prit immédiatement un taxi, et lui indiqua le chemin. Elle aurait très bien pu y aller à pieds, puisqu'elle avait l'habitude de marcher et que c'n'était pas très loin, mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, ce n'était pas Lola qui prenait le taxi. C'était Anna. Anna Harris.
    Le taxi s'arrêta, Lola sortit un billet de son sac, le donna au chauffeur, puis sortit sans récupérer la monnaie. Face à elle, un immeuble de Downtown. Un immeuble de bureaux. Elle le regarda un moment, montant son regard jusqu'à son sommet, haut dans le ciel. Le ciel était d'un bleu clair pur et le soleil était de mise aujourd'hui. Un beau temps pour jouer ce nouveau rôle. Inspirant une grande bouffée d'air, elle prit son courage à deux mains et s'avança vers l'immeuble, marchant fièrement, la tête haute. Elle pouvait encore reculer, elle pouvait encore annuler. Il n'était jamais trop tard pour annuler. Et bien qu'elle savait qu'elle prenait un risque, elle ne voulut pas reculer ou annuler. Elle entra dans l'immeuble et alla jusqu'à l'accueil où une hôtesse se trouvait.

    « Bonjour. J'ai rendez-vous avec le Dr. West. »

    « C'est au 15ème étage. »

    « Merci. »

    Sans attendre, elle se dirigea vers les ascenseurs, puis en prit un vide, monta dedans, appuya sur le bouton '15' et attendit. Les portes se fermèrent et l'ascenseur se mit en route. Elle fixait les nombres des étages qui défilaient. 1,2,3. Elle n'était pas sûre que ce soit une si bonne idée, finalement. 4,5,6. Allait-elle vraiment réussir à faire face à cet homme, à ce docteur, en lui crachant mensonges sur mensonges ? 7,8,9. Anna. Anna Harris. Jeune femme de bonne famille. Un petit problème cependant. 10,11,12. Pourquoi avait-elle eut cette idée déjà ? 13,14,15. Lola, tu es folle.
    Ding !
    Les portes s'ouvrirent, et Lola n'eut d'autre choix que d'avancer. Anna. Anna Harris. Il fallait qu'elle entre dans la peau d'Anna. S'avançant dans le hall, elle alla jusqu'au comptoir de l'accueil, où une autre jeune femme faisait office d’hôtesse.

    « Bonjour. Anna Harris. J'ai rendez-vous avec le Dr. West, à 15h. »

    « Bonjour. Bien. Je préviens monsieur de votre arrivée, veuillez vous asseoir en attendant. »

    La jeune hôtesse lui indiqua les canapés et fauteuils qui étaient disposés sur le côté. Lola hocha de la tête, puis alla s'asseoir. Elle ferma les yeux un instant. La réponse était : Parce qu'elle avait besoin de parler. Voilà pourquoi elle avait cherché un psychiatre en ville. Voilà pourquoi elle avait pris rendez-vous. Voilà pourquoi elle était là, aujourd'hui, dans cet immeuble, au quinzième étage, assise sur un fauteuil, à attendre.


    © Méphi.


    Mes yeux étaient rivés sur les quelques feuilles posées devant moi, depuis maintenant dix minutes. Il m’arrivait parfois de lever une main pour venir annoter quelques mots à ce que j’avais déjà écris ou dessiné sur le papier, mais dans l’ensemble, mes yeux étaient la seule chose qui bougeait. Cela faisait maintenant six séances qu’on se voyait, le nouveau patient sur le dossier duquel je bossais à l’instant et moi… et je sentais que le vrai travail commençait enfin. « Seulement maintenant ? » C’était toujours difficile de poser un diagnostic, vous savez. J’étais d’ailleurs le premier à refuser de précipiter les choses. Alors oui, même s’il m’avait fallut un mois et demi pour que j’aie suffisamment d’éléments cliniques au sujet de mon client, afin de pouvoir lui proposer une thérapie correcte, c’était mieux que d’aller dans un cul de sac. En tant que psy, on avait facilement le rôle du « méchant » lorsque les résultats de notre travail n’étaient pas convaincants et peu d’entre-nous arrivaient à se faire une bonne réputation, justement à cause de ça. Heureusement pour moi, j’étais considéré comme quelqu’un de compétent dans le milieu, mais c’était pas donné à tout le monde… chose tout à fait compréhensible. Sans caractère, on devenait dingue et sans modestie ou tact, c’était les patients qui devenaient dingues. Parlez-moi de job à responsabilité et je vous dirais d’essayer le mien, pour voir. Certains jours, j’avais du mal à rester calme face au comportement des gens que je « soignais », hein… et mon attitude en avait d’ailleurs fait fuir plus d’un. Mais j’étais comme ça. Lorsque je sentais qu’on pouvait avancer, je poussais immédiatement les personnes à sortir de leur zone de confort. Après… soit ça passait, soit ça cassait, mais ça ne laissait jamais indifférent. Plusieurs anciens clients étaient tout de même revenus à mon cabinet pour finir leurs thérapies interrompues, malgré le fait qu’ils avaient initialement prit la décision de consulter quelqu’un d’autre, suite à une altercation avec l’abject docteur « insensible » que j’étais. Pourquoi ? Eh bien, à votre avis ? Je sais ce que je fais, je connais mon travail, mais j’ai mes méthodes. Les gens qui n’acceptaient pas ce que je leur proposais avaient souvent juste besoin d’un peu de temps pour se rendre compte que le fait d’aller mieux ne dépendait que d’une décision de leur part : prendre leur courage à deux mains ou rester dans leur zone de sécurité. Après, moi, j’étais là pour aider, mais je n’acceptais pas de faire le boulot à leur place. Et puis de toute façon, c’était impossible. On tient pas la queue d’un autre mec toute sa vie pour qu’il puisse pisser droit. C’était la même chose ! Le rôle d’un psy ? Le même que celui d’un parent envers son gamin. Tu le prends par la main et tu l’accompagnes en cours jusqu’à ce qu’il puisse aller à l’école tout seul, sans avoir besoin de toi. Voila tout. Une fois que la personne est capable d’être « son propre thérapeute » et de rentrer dans la « salle de classe » sans que tu sois derrière elle, c’est que ton job est terminé. Mais je n’étais pas dupe… tout le monde n’arrivait pas à s’en sortir et certains avaient juste besoin d’un « ami qui donnait de meilleurs conseils que les autres ».

    J’entendis quelqu’un toquer à la porte du bureau et levais la tête de mes papiers. Ah, il s’agissait de mon assistante qui m’annonçait que la patiente suivante était là. Je lançais un coup d’œil à l’horloge murale et me rendis compte que mes « dix minutes » s’étaient en fait prolongées en une demi-heure. « J’arrive tout de suite. » Je rangeais rapidement le dossier et en sortis un nouveau, puis me levais de mon siège pour aller accueillir la jeune femme qui devait m’attendre dans l’entrée. Avec un léger sourire au visage, je m’approchais de la demoiselle très propre sur elle, puis tendis une main pour serrer l’une des siennes. « Mrs Harris, c’est ça ? Je suis le docteur Cain Westwood, enchanté. Venez avec moi. » Présentations faite, je me retournais et lui tint la porte pour la laisser entrer dans ma pièce de travail, puis l’invitais à s’installer sur l’une des deux chaises face à la mienne, après avoir déposé ses affaires. Lorsque tout le monde fut à sa place, j’engageais alors l’entretien en levant mes yeux clairs sur les siens. « Avant qu’on commence quoi que ce soit, je tiens à vous préciser que les premières séances sont simplement là pour poser la situation… je ne vais pas essayer de vous psychanalyser ou de tout savoir sur la relation que vous entretenez avec vos parents, mais juste établir un contact entre nous. Vous me dites ce que vous voulez me dire et on arrête lorsque ça va trop loin. Pas de stress, pas de contraintes… d’accord ? » J’attendis un signe d’approbation, puis lui accordais un second sourire, tout en prenant un stylo et un bloc de papier avec son nom inscrit tout en haut. « Bien, alors… dites moi, qu’est-ce qui vous amène ici ? »









    I'm a lie. She is too.

    Dr. West φ Anna Harris


    Le regard perdu dans le vide, Lola se remémorait l'histoire d'Anna Harris dans sa tête, cherchant rapidement s'il n'y avait aucune faille. Il ne fallait pas que son plan tombe à l'eau. Il fallait qu'il la croit. Car elle avait besoin d'aide. Elle avait besoin de parler. Et Madison ne suffisait pas. Elle aidait. Elle aidait vraiment, mais ce n'était pas suffisant. Elle sentait qu'elle allait flancher si cela continuait. La simple vue de Brynn Rhodes ou d'Absolem Burns l'affaiblissait au point qu'elles n'avaient plus qu'un pas à faire pour l'atteindre. Elle ne supportait plus cette situation. Et elle refusait de se soumettre à ces deux mantes religieuses, elle refusait de se laisser aller à la tentation, elle refusait de céder, tout simplement.
    La porte du bureau s'ouvrit et Lola sortit de ses pensées, levant le regard vers l'homme qui s'avançait vers elle. Cain West, le psychologue et chercheur, connu et reconnu pour certains de ses travaux, et également enseignant à l'UCLA. Lola s'était renseigné au maximum sur lui avant de le choisir. Elle savait le risque qu'elle prenait.
    Il arriva à sa hauteur et, avec un sourire, lui tendit la main. Elle se leva, le regarda puis lui serra la main, lui accordant un très léger sourire.

    « Mrs Harris, c’est ça ? Je suis le docteur Cain Westwood, enchanté. Venez avec moi. »

    « C'est Miss Harris. Je vous suis. »

    Sa voix avait été quelque peu froide, comme si elle tenait au fait de ne pas être mariée. Elle suivit le psychologue, entra dans son bureau, enleva son sac, son manteau et son foulard qu'elle posa consciencieusement sur l'une des chaises puis s'assit sur l'autre. Le docteur prit alors la parole, et leur regard se croisèrent.

    « Avant qu’on commence quoi que ce soit, je tiens à vous préciser que les premières séances sont simplement là pour poser la situation… je ne vais pas essayer de vous psychanalyser ou de tout savoir sur la relation que vous entretenez avec vos parents, mais juste établir un contact entre nous. Vous me dites ce que vous voulez me dire et on arrête lorsque ça va trop loin. Pas de stress, pas de contraintes… d’accord ? »

    Elle l'écouta, attentive, se perdant dans ses yeux clairs. Elle laissa un petit temps s'écouler avant d’acquiescer. Dans sa tête, le scénario se répétait, et bientôt, la scène commencerait. Il fallait qu'elle voit ça comme un rôle, comme une scène, comme une pièce de théâtre.

    « Bien, alors… dites moi, qu’est-ce qui vous amène ici ? »

    Acte 1; scène une
    Docteur West & Anna Harris
    Dans un bureau de Downtown, au quizième étage.

    La jeune femme cligna des yeux plusieurs fois, et, tel un réflexe, elle prit la croix accroché à son cou entre ses doigts fins et joua un peu avec, fuyant alors le regard du docteur. Quelle comédienne, elle aurait fait fureur à Hollywood. Tout le jeu n'était que futilité, les paroles, par contre, étaient pleines de sincérité, car dans le fond, elle étaient remplies de vérité.

    « Cela va vous sembler stupide, mais je ne sais pas trop quoi vous dire. Je me sens déjà assez faible rien qu'à l'idée d'être venue jusqu'à vous. Si ma famille... »

    Elle s'arrêta un instant, ferma les yeux, puis les rouvrit et posa son regard sombre sur le docteur.

    « Si ma famille apprend que je suis venue ici, je serais la risée de toute la maison. Il faut que vous compreniez que je tiens particulièrement à tout ce que ceci reste secret. »

    Elle lacha enfin sa croix et croisa les jambes, s'asseyant bien droite sur sa chaise. Son regard devint plus perçant, plus appuyé, et son visage plus sérieux. La famille dont elle parlait était les Gamma Psi, sa sororité, qu'elle considérait réellement comme sa famille. Mais ça, bien sur, elle seule le savait.

    « Je sais, le secret médical est de mise et vous n'avez pas le droit de divulguer quelque information que ce soit à qui que ce soit, mais je préfère être claire sur ce point. Anna Harris n'est pas mon vrai nom. Je viens d'une famille haut placé, et je ne peux pas me permettre de vous divulguer ma véritable identité. Si jamais l'on se croise en dehors de ce bureau, nous serons des étrangers l'un pour l'autre. »

    Elle se tut, et l'observa. Elle n'avait jamais compté lui cacher qu'elle avait utilisé une fausse identité, c'était bien mieux qu'il sache, dès le début, qu'elle cachait sa véritable identité. Avouer cela était comme une première confession, un premier aveu qui donnerait l'impression au docteur qu'elle lui faisait assez confiance pour venir ici et lui raconter la vérité. Cela permettait aussi à Lola de se sentir un peu mieux vis-à-vis de cet homme à qui elle comptait parler via une vérité cachée.

    « Si cela ne vous convient pas, je comprendrais et m'en irais sans mot-dire. Je paierais quand même la consultation, bien sur. »


    © Méphi.


    « Miss ». Je notais ça dans un coin de ma tête sans pour autant broncher devant la réaction de la jeune femme. J’avais vu de tout au cours de ma carrière, ce n’était donc pas un accueil un peu froid qui allait me faire sortir de mes gonds… et puis ça me donnait déjà un élément de contexte concernant ma cliente.

    Tranquillement, nous allâmes nous installer dans le bureau et l’échange se mit en place, avec apparemment de l’attention de la part de chacun d’entre nous. J’appréciais qu’on vienne me voir de plein gré, contrairement aux ados qui étaient amenées ici par leurs familles et qu’il fallait d’abord mettre en confiance avant de pouvoir faire quoi que ce soit. Non, non, c’était pas ça ce qui me dérangeait dans l’affaire, en fait : c’était surtout que la plupart du temps, il fallait travailler avec la famille en question plus qu’avec le gamin et que celle-ci était généralement peu encline à accepter de se faire dire que les problèmes ne venaient pas de leur enfant. On entrait souvent dans des débats où il fallait faire des compromis et j’ai eu beaucoup, beaucoup de mal à ne pas m’énerver, les premières fois. Heureusement, j’avais un bon mentor et j’ai appris pas mal de techniques pour faciliter les choses, depuis.

    J’observais les mimiques de mon interlocutrices et enregistrais tout ce qu’elle me racontait pour me faire une petite idée de la personne à laquelle j’avais affaire. À première vue, son environnement n’était pas vraiment joyeux, on pouvait supposer pas mal de pression de part et d’autre de son entourage, mais je ne voulais pas me précipiter. L’histoire de la fausse identité me fit aussi légèrement pencher la tête sur le côté, de surprise, mais mon expression facile n’en fut pas affectée pour autant : je n’étais pas ici pour juger. Tout cela, au contraire, avait réveillé mon intérêt. Lorsque la jeune femme eut terminé, je laissais une seconde s’écouler, puis hochais brièvement la tête en inscrivant les conditions d’ « Anna » sur mon bloc-notes. « Aucun problème, je respecterai ça. » Je croisais mes mains et jetai un coup d’œil rapide au pendentif que portait la demoiselle. « Donc… » Je me rassis dans mon siège calmement et pris une inspiration, comme pour marquer la transition à une nouvelle séquence de l’entretien « Mettons de côté ces histoires de famille et de rôle à tenir pendant quelques minutes, d’accord ? Racontez-moi plutôt ce que vous faites dans la vie… vous êtes étudiante ? ». Je n’avais pas envie de me lancer tout de suite sur les sujets qui pouvaient fâcher, ce n’était pas le but… mieux valait commencer par installer une conversation, aussi banale soit-elle. Et puis si la jeune femme elle-même ne savait pas exactement où était le problème (apparent), alors il suffisait de lui laisser le temps d’y penser et de l’amener dans la discussion par elle-même.









    I'm a lie. She is too.

    Dr. West φ Anna Harris


    A dire vrai, Lola craignait un peu la réaction du docteur West. Et s'il se moquait ouvertement d'elle ? Il y avait peu de risque, c'est vrai, mais tout de même. Une gamine qui vient le voir en lui disant clairement dès le début qu'elle veut garder tout ça secret, qu'elle vient d'une famille haut placé, et qu'elle a utilisé un faux nom.. Il devait certainement la juger, intérieurement. Se demander qui était cette gamine qui se prenait pour une princesse.
    Mais non.

    « Aucun problème, je respecterai ça. »

    Lola sembla quelque peu étonnée, mais elle se rattrapa bien vite. Elle vit son regard se poser sur son pendentif et, intérieurement, elle se dit que ce simple regard suffisait. Il était tombé dedans. Le rôle fonctionnait à merveille.

    « Donc… »

    Donc il allait chercher à en savoir plus sur elle. Sur Anna. Et Lola était prête. Prête à parler d'elle à travers Anna. Du moins, c'est ce qu'elle pensait.

    « Mettons de côté ces histoires de famille et de rôle à tenir pendant quelques minutes, d’accord ? Racontez-moi plutôt ce que vous faites dans la vie… vous êtes étudiante ? »

    Comment voulait-il qu'elle mette de côté “cette histoire de rôle à tenir” ? N'avait-il rien compris ? Non. Non il ne savait pas. Il fallait qu'elle reste calme et qu'elle joue son rôle, pour qu'il comprenne. Elle baissa un instant le regard, puis reposa ses yeux sur lui.

    « Je suis étudiante oui. J'étudie les Lettres Classiques en majeur, et les Lettres Modernes en mineur. A l'Université de Californie, celle-là même où il vous arrive d'enseigner.. »

    Le regard de Lola se fit plus appuyé. Elle savait que révéler le fait qu'elle étudiait dans la fac où il enseignait était une mauvaise idée. Inconsciemment, il la chercherait du regard, du moins elle le pensait, d'où son maquillage, ses lentilles et sa perruque. Il y avait très peu de chance pour qu'ils se croisent à l'université, puisqu'elle ne fréquentait jamais le batiment où les sciences sociales et humaines étaient étudiées. Et de toute façon, même s'ils se croisaient, il ne ferait jamais le lien entre une jeune fille de bonne famille aux cheveux noirs, chrétienne, qui venait le voir, et une jeune élève rousse fan de mode qui s'habillait avec des couleurs différentes tous les jours. N'est-ce pas ?
    Lola comptait dessus en tout cas. Elle comptait sur les différences entre Anna Harris et elle pour ne jamais être reliée. Elle ne voulait pas qu'on sache qu'elle allait voir un psy. Et elle n'était pas sûre de vouloir admettre qu'elle y allait.

    « Je m'excuse, je ne suis pas très bavarde. Vous vous attendiez à plus peut-être ? Je dois vous parler de moi pour qu'implicitement j'arrive au sujet sensible, n'est-ce pas ? C'est ça le but de cette conversation ? »

    Elle le regardait toujours droit dans les yeux. Malgré tout le scénario qu'elle s'était écrit, malgré toutes les scènes qu'elle avait prévu, malgré toutes ses répétitions, Lola n'avait jamais pensé que son regard la déstabiliserait autant. Elle sentait qu'il était le genre d'homme à pouvoir lire en elle. Et ça, cela lui faisait étrangement peur, même si elle n'en montrait rien.

    « Je n'ai toujours pas répondu à votre première question. Je ne vous ai pas dis ce qui m'amenait ici... »

    Elle rompit finalement le contact visuel, n'arrivant plus à soutenir un tel regard. Ses yeux se tournèrent vers les baies vitrées de la pièce. De grandes baies vitrées dignes d'un immeuble de Downtown, donnant vue sur d'autres immeubles et sur l'ensemble de la ville de Los Angeles. C'était beau, tout ce monde d'apparences et de superflus. Beau et pourri de l'intérieur. Comme Lola.

    « Cela fait des années que cela ne va pas. Mes parents, ma famille, mes amis, ils ne savent pas. Oh si, bien sur, il y a quelques rares personnes qui ont su découvrir, comprendre. Mais.. J'ai un problème. »

    Sans même le vouloir, ses yeux se reposèrent sur ceux du psychologue en face d'elle, comme aimantés. Elle se tut un moment, se battant intérieurement pour rompre de nouveau le contact visuel. Puis elle finit par baisser le regard, reprenant son rôle, plus ou moins, d'une voix presque effacé, car les mots étaient dur à dire.

    « Et il faudrait régler ce problème.. »



    © Méphi.


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