BORN TO BE WILD
Les guides c’est pour les touristes. Les guides locaux c’est pour les trouillards. Voilà le crédo que s’étaient mis en tête Aaron et Clarence avant de décoller pour le Pantanal. Un cadeau d’anniversaire plus que tardif mais les bonnes choses finissaient toujours par arriver. En l’occurrence, ils avaient chacun attendu d’être à un tournant de leur vie afin de laisser tomber Los Angeles et de s’envoler pour l’écorégion sud-américaine la plus sauvage qu’ils aient pu trouver. Une semaine rien qu’entre meilleurs amis, dans une jungle pas toujours très accueillante. Loin de l’effervescence américaine, de l’atmosphère productive et de la pression sociale. Ils n’étaient venus pour n’être rien d’autre qu’Aaron et Clay et le blond avait sitôt fait d’éteindre son cellulaire sitôt qu’ils étaient descendus de l’avion. Ils s’étaient offert un petit hôtel luxueux aux abords de la région là où la civilisation et le tourisme avaient encore leur place. Evitées les publicités et les arnaques, ils avaient sournoisement fomenté leur propre excursion à laquelle la plupart des visiteurs n’auraient jamais droit. Clay avait pris contact avec un homme local qui vivait ici depuis toujours. Fin connaisseur de son pays natal, il permettait aux plus offrants d’explorer la région loin des itinéraires insipides. En gros, les deux compères avaient donné de leur poche pour qu’on puisse les mener là où la nature était à son paroxysme et où des novices en matière d’expédition ne tiendraient plus de deux heures sans finir à l’hôpital. Ils voulaient vivre l’immersion, côtoyer le danger qui était bien trop écarté dans une métropole telle que L.A. Clay se sentait surprotégé, bien aveuglé dans son cocon social et c’était de tels voyages comme celui-ci qui lui rappelaient qu’il avait besoin de prendre des risques et de se plonger là où la civilisation n’avait pas annihilé la souveraineté de la nature. Le voyage ne serait pas complet sans un équipement approprié. Pour l’occasion, il avait poussé Aaron à se vêtir comme le parfait Indiana Jones avec le chapeau crème et la chemise assortie. Quant à lui, sa barbe avait subi un taillage et n’encerclait à présent que sa bouche tout en lui donnant un air dur. Avec son treillis et son marcel blanc, il avait l’air du parfait truand, les receleurs de diamants qu’on rencontrait dans les mauvais films. Ce fut donc deux quasi-caricatures que l’habitant local déposa à l’orée d’une forêt peu accueillante : « Je viens vous chercher au crépuscule. Après minuit, j’appelle l’hélico. Faites pas les cons. » Aussitôt le 4x4 disparu de leur champ de vision, Clay se tourna vers son meilleur ami, hilare : « Mec, si on s’en sort vivant, tu te marieras dans ces vêtements ! » Devant eux, la jungle par excellence. La verdure à perte de vue, d’ailleurs l’horizon n’était pas discernable sous la masse sombre des arbres centenaires. Une petite chute d’eau rendait l’endroit presque paradisiaque mais sitôt qu’ils s’enfonceraient dans la forêt, un autre chapitre plus hostile s’ouvrirait. Un petit rappel de l’Amazonie, le désert en plus. Ils étaient probablement les seules âmes humaines dans un rayon de plusieurs kilomètres et cette pensée provoqua le plus excitant des frissons chez l’ainé Burns. Il saisit son backpack. « Le premier qui se fait piquer. » Bien entendu une boutade. Putain qu'il se sentait libre.