Je l’ai rarement vu dans de tels états, il porte ses mains autour de sa tête comme le ferait un autiste pour atténuer l’intensité du bruit, il va péter un plomb, je le sais, je le sens, mes tripes réagissent, mon cœur m’intime de m’arrêter mais je n’y arrive pas. Il me frustre, il n’a pas idée d’à quel point et tout doit sortir. Je suis comme ça, je suis entière, gentille mais j’ai un caractère de merde, un putain de tempérament sanguin, je dois parler, cracher mon venin jusqu’à ce que tout soit dit, qu’il n’y ait plus le moindre non-dit pour pouvoir rebondir. Je le regrette, je vais le regretter jusqu’à ce que cette engueulade ne soit plus qu’un vague souvenir qui aurait eu une influence positive sur le long-terme pour nous mais en attendant je m’enfonce, je creuse encore, le trou n’est pas assez profond pour m’enterrer, j’ai encore des chances de m’en sortir, de braver la terre, le manque d’oxygène pour m’en sortir indemne, je dois être un peu suicidaire… Encore et toujours puisque je le pousse, je le pousse à être honnête avec moi. Je me justifie, je n’ai pas envie qu’il me prenne pour une salope, je ne suis pas cette fille, je n’ai pas couché avec Jamahl pour dire de l’avoir fait. Nous nous connaissons depuis sept mois, l’occasion s’était naturellement imposée à nous deux, nous l’avions saisie, rien de plus. « TAIS TOI ! Je m’en fou ! Putain je m’en fou ! Je ne veux pas savoir qui c’est, je ne veux pas savoir comment ça c’est passé ! » Il se dégage de mon emprise pour récupérer l’intégralité de ses moyens. « C’est ce que tu voulais, t’es contente ? » Je ne suis pas contente, cette situation me détruit, j’ai l’impression que l’on m’arrache l’un après l’autre les membres de mon corps, comme si un requin venait de m’arracher de ma planche de surf pour me dévorer. « Alors que veux-tu, dis-le ! » Je veux l’entendre le dire à voix haute, j’en ai marre de supposer, j’ai besoin de mots, j’ai besoin qu’il assume ses envies, ses pensées, ce qu’il n’accepte pas… Je veux qu’il me parle !
J’abandonne, je fuis lâchement, comme une bête apeurée, effrayée par ce que je venais de dire. Je suis tellement basse, j’ai tapé là où il le fallait, je le sais parce que je le connais, parce qu’il m’a fait confiance et que je viens de le trahir en quelque sorte. Je me sens vraiment dégueulasse, j’ai la nausée rien que de me remémorer tout ce que je viens de dire. Il ne s’avoue pourtant pas vaincu, il m’attrape et me plaque, sans me faire mal, contre le mur le plus proche. « C’est moi qui fuis là ? » Il essaye de capter mon regard mais j’ai trop honte, je baisse la tête, je ne veux pas avoir à assumer ce que je viens de dire, je m’en veux tellement. « Ne me fais pas croire que tout ça n’était qu’une illusion » Je ne peux pas, je veux me dégager, je veux fuir à toute vitesse sans jamais me retourner pour regarder en arrière. « Je ne peux pas me résoudre à croire que tu penses cela de moi, tu crois que j’aurais pu te mentir, te faire croire que ça m’intéressait sans que ce soit le cas ? Merde tu me connais ! Jamais ce ne sera de l’illusion ! » Je soulève mon haut pour lui montrer la cicatrice qui est épaisse et située au niveau de mon bas ventre. La faute à ce morceau d’avion qui m’avait traversé pendant le crash. « C’est aussi réel que cela. » Je lui prends la main pour l’obliger à toucher, à s’imprégner de ce que je lui montre pour comprendre qu’il n’y a jamais rien eu de faux. « C’est authentique, tout ce que nous avons partagé l’est, jamais il n’y aura d’illusion ! »