Dîner aux chandelles (+) Jordan.

Bon j’re-vérifie une troisième fois que tout soit prêt. T’fous pas d’ma gueule, j’vais avoir une invitée d’marque aujourd’hui, donc vaudrait mieux que tout soit prêt. Tu l’as vu toi-même, cette nana, c’pas n’importe qui. C’pas une gamine quoi, elle est plus âgée et a une telle classe, p’tain et tellement sexy. Bon j’avoue, l’jour de notre rencontre, j’ai un peu rêvé d’elle…dans diverses positions. J’ai pas l’habitude d’rencontrer des nanas pareilles. Ta gueule, j’rencontre quand même des nanas et puis vu le cadre dans lequel on est, y en a à bloc quoi, en plus peu habillée, d’quoi regarler mes yeux mais elle c’est différent. Elle a une aura qui t’calme direct et t’fait penser deux ou trois ou quatre fois avant de l’aborder, en mode t’sais pas quoi dire et tu la regardes juste en mode idiot. Bon, c’est vrai que j’suis facilement impressionnable, ‘fin pas d’masses quand même, vu mon caractère, j’transforme vite les situations mais avec elle, c’était trop bizarre. Bon c’vrai que lui rentrer dedans et lui renverser ma bouffe, c’était pas franchement classe comme entrée mais au moins, ça permis que je l’invite à bouffer dans ma tente aujourd’hui. Tente que j’ai rangé de fond en comble, t’es témoin, c’déjà pas grand, c’serait con qu’elle tombe sur un boxer pas propre en plus. T’as vu j’ai fait la lessive et la vaisselle, hein ? Avoue t’es trop fier, ouais, moi aussi. Bon on va pas bouffer dedans, plutôt dehors, j’ai emprunté une table et deux chaises à Noah, j’ai mis la table et la bouffe attend juste d’être un peu chauffé, merci le micro-onde et une isntallation électrique douteuse. Mon portable sonne, p’tain, elle va être dans cinq minutes. Je m’mate dans le miroir, j’me suis rasé, coiffé et mis du parfum…p’tain, faut pas que j’gâche. Ta gueule Syd,, la voilà qui approche. « Bonsoir Jordan, bienvenue chez moi » p’tain on dirait pas moi qui cause, c’tellement…bizarre. J’suis trop nerveux, j’aurais dû fumer un coup. « Merci encore d’avoir accepté mon invitation ! »

Un rendez-vous... J'avais un rendez-vous. Depuis combien de temps déjà n'avais-je pas eu un rencard avec un homme ? Des années au moins... Surtout que je n'étais pas le genre de femmes adeptes de ce genre de soirées. Les relations amoureuses n'ayant jamais été une priorité dans ma vie je n'avais pas rencontré beaucoup d'hommes. Et pour être honnête cela ne m'a pas vraiment dérangé au cours de mon existence. 20h20 : Je me regarde une dernière fois dans la glace. Le résultat semble acceptable. Classe mais pas trop, histoire de ne pas créer une ambiguïté qui pour le moment n'avait pas lieu d'être. Je suis nerveuse. À vrai dire, je ne sais pas vraiment comment aborder cette soirée. C'était toujours délicat de dîner avec un parfait inconnu mais il m'avait proposé cela si gentiment que je n'avais pas pu refuser. Et puis était il nécessaire de préciser que l'inconnu en question était plutôt mignon - pour ne pas dire terriblement craquant – ça, plus le sentiment de solitude qui m'habitait depuis quelques jours m'avait poussé à dire oui. Après tout qu'est-ce que j'avais à perdre ? Rien. Absolument rien. Et c'était cela qui m'avait forcé à faire tomber mes barrières. Trop occupée à penser à Lukah je m'étais empêchée de me laisser aller et de voir d'autres hommes. Parce que mon cœur était toujours à lui et ce malgré le temps qui passait et qui nous éloignait toujours un peu plus l'un de l'autre. Chaque fois que je repense à notre dernière entrevue mon cœur commene à s'emballer, mes mains à trembler et il me faut plusieurs minutes avant de parvenir à me calmer. Cette soirée était donc l'occasion d'aller de l'avant ou tout du moins de passer un bon moment. Il n'y a rien de mal dans ce que je fais, bien au contraire. Mais je ne peux m'empêcher de me sentir étrange et nerveuse un peu comme une ado lors de son premier rencard. Je souffle un bon coup et quitte l'hôtel en direction du camping. Il ne me faut que quelques minutes pour parvenir à repérer la tente de Jamahl. Il m'attend déjà dehors, devant ce qui ce semble être notre table pour ce soir et cette attention me fait sourire. Je pose mon regard sur lui et remarque son effort de présentation. Il est beau. Dire le contraire ne serait que mensonges. Son doux parfum d'homme embaume l'air autours de nous mais c'est une odeur particulièrement agréable. « Bonsoir Jamahl. C'est mignon ici. » répondis-je sincère bien que tout ce qui était camping n'était pas vraiment ma tasse de thé. Je lui adresse un sourire franc face à sa remarque. Il semble réellement content de ma venue et cette attitude me détends et me conforte dans le fait d'avoir accepté son invitation. « Merci à toi de me l'avoir proposé. On peut se tutoyer non ? Puisqu'on va passer la soirée ensemble, autant abréger toutes ces formalités. » L'assurance avec laquelle je venais de dire ça me surprenait moi-même. Je ne faisais pas preuve d'autant de tact et d'aplomb habituellement, en tout cas pas en la présence d'un homme dont je ne connaissais que le nom. A croire que cette soirée promettait de nouvelles perspectives...

« Ca me va ! » Se tutoyer ? Ah ? J’étais censé continuer à la vouvoyer ? Oh…j’vois, p’tain, ouais, j’ai plus d’bonnes manières, si seulement j’en ai déjà eu un jour, heureusement, Julian est là pour les cours et me montre c’que j’ai loupé durant ces dernières années et m’forme à m’remettre en selle, genre à apprendre de l’évolution des mœurs et tout ça, ‘fin j’crois que c’est comme ça qu’on dit non ? J’sais pas et c’pas trop important là. «Assieds-toi, je t’en prie » P’tain, j’divague et j’ose même pas trop la regarder dans les yeux. Elle est tellement…mûre, non mais comme une milf ou des fruits, p’tain ta gueule avec ton humour d’merde mais elle est tellement…adulte, tu vois ? Ouais j’sais que déjà que j’faisais gosse, là j’dois vraiment faire gamin, ouais, totalement et ça m’angoisse quoi. T’imagines, elle s’fait chier avec moi toute la soirée, c’serait trop la merde p’tain. ‘fin, voilà quoi ou j’fais encore du Jamahl, t’sais ce moment où les bourdes, un accident, une merde ne sont jamais bien loin et qu’en moins de deux secondes, tout est foutu en l’air. J’veux l’impression, ouais, j’crois que c’est le mot. Elle est tellement différente des autres, déjà c’pas une gamine quoi, c’est une femme, une vraie et quelle femme ! Elle est magnifique Syd, p’tain, tellement. BREF. ON SE CALME LA DEDANS…surtout plus bas. « Bon, j’t’avoue que le repas sera pas fameux hein, vu l’endroit c’est difficile d’faire un truc travaillé et tout ça » je m’excuse déjà, en bafouillant légèrement comme un puceau devant sa première nana, à lui demander pourquoi elle a deux seins, oubliant que c’est souvent livré par pair. Ouais, j’sais, j’ai grave l’air con, faut que j’me calme p’tain. « Donc en entrée, y aura de la salade à la Jamahl avec du pain » que j’annonce avec un petit sourire. Ouais inutile d’dire que j’ai piqué le pain à la cuisine, elle a pas besoin de le savoir. J’disparais quelques secondes dans la tente et ressors avec le saladier dans les mains, saladier que j’ai emprunté à mon voisin en lui promettant de lui faire fumé de la bonne le lendemain, quelle rapace. J’pose le saladier sur la table « Tu m’dis stop » et j’entreprends de la servir.

C'est étrange de me retrouver en compagnie d'un homme que je ne connais pas. Étrange, mais agréable. Jamahl semble être une personne de bonne compagnie. Sa maladresse était touchante. Cela lui donnait un côté attachant tout à fait craquant. Et c'est pour cela je crois que j'avais succombé à la tentation en acceptant sa proposition. Pourtant, je ne suis pas comme ça. Sympathique, ouverte, sociable... Je suis l'inverse. Mais les derniers évènements de ma vie me poussaient à m'ouvrir pour de bon, à prendre le risque de m'attacher de nouveau. Peut-être vais-je souffrir ensuite, mais peut-être que non. Et puis, au final, qu'est-ce que j'ai réellement à perdre ? Pas grand chose si on y regarde de plus près.... Si l'on enlève le peu de personnes que j'ai laissé entrer dans ma vie je suis quelqu'un de très seule. C'est mon enfance qui m'a rendu ainsi. La violence et l'agressivité de mon père à mon égard m'a marqué pour toujours. Il a fait de moi cette femme renfermée et méfiante qui n'a eu de cesse de se battre pour s'en sortir et pour oublier. Mais on oublie jamais... C'est dingue, même dans ce genre de moment je parviens à penser à mon géniteur. Je me demande pourquoi mais je comprend rapidement que cette soirée, aussi simple et agréable soit-elle me renvoie à mon handicap social et à mon manque total d'intérêt pour les autres. Je ne suis pas une ermite non plus, ni même totalement associable mais je me rends bien compte de la difficulté que j'ai à tisser des liens. Il me faut beaucoup de temps avant de pouvoir accepter qu'une personne puisse passer des moments à mes côtés et partager des instants de ma vie. Parce que je me sens en danger, je me sens fragile, vulnérable et je déteste ça... Car cela me rappelle l'enfant tourmenté que j'ai été. Je ne veux plus être faible. Plus jamais. Mais je ne veux pas penser à ça, je ne dois pas y penser. C'est mon passé. C'est derrière moi. Je dois apprendre à aller de l'avant de quelque manière que ce soit. Je souris à Jamahl et m'assoie sur la chaise qu'il me désigne de la main. Ses manières me touchent, il a l'air d'un ado qui ne sait pas encore comment s'y prendre avec les filles. Mais cela le rend particulièrement craquant à mes yeux. « T'en fais pas, je ne suis pas difficile. Et puis je suis certaine que tout sera délicieux. » Je tente de le rassurer quelque peu. Il n'a pas à se mettre la pression, j'aime justement la sobriété de cette soirée. C'est exactement ce dont j'ai besoin en ce moment. A croire qu'il avait lu dans mes pensées sans même me connaître...  « Salade à la Jamahl ? » demandais-je en riant légèrement. « J'ai hâte de découvrir cette spécialité très cher. » Je ne me moque pas de lui, loin de là. J'aime sa simplicité. Sa façon d'être me met à l'aise. Je ne me sens pas jugée, je n'ai pas besoin de faire semblant d'être quelqu'un que je ne suis pas. Je ne passe rarement du temps avec des hommes plus jeunes que moi, mais leur compagnie est agréable et légère. Je n'ai pas besoin d'être la femme mature que je suis habituellement. Je peux me laisser aller et m'amuser sans craindre d'être jugée comme étant une gamine. Et ça, ça me plait beaucoup. « Tu peux y aller, on dirait peut-être pas comme ça mais je mange beaucoup. » confessais-je doucement tandis qu'il me servait un peu de salade. Je lui fais un signe de la main d'arrêter et repose mon regard sur lui. « Je n'aurai peut-être pas dû dire ça non ? Ce n'est pas très très glamour, je l'admet... » Une légère grimace prend place sur mon visage alors que je réalise que je ne sais plus vraiment comment me comporter lors d'un rendez-vous avec un homme...