J'ai quitté le boulot plus tôt finalement. Enfin, ils avaient peut-être encore besoin de moi, je l'avoue, mais dans toute cette effervescence et avec tous les barmaids présents, personne ne remarquerait mon absence. Dans le pire des cas, j'ai demandé à un serveur débutant, un peu introverti, de me couvrir. Il a eu le droit à une Piña Colada pour le service rendu. Seulement quinze minutes de moins ce n'est pas la mort non plus. Je n'y peux rien, je n'arrête pas de penser à ce qui m'entend après mon service. Comme on dit, après l'effort le réconfort. J'avoue m'être bien préparé pour l'occasion. Dès que j'ai quitté la salle, je suis allée dans les toilettes me refaire rapidement une beauté, et enfiler un haut un peu plus léger que ce chemisier de service obligatoire dans lequel j'avais transpiré.
J'arrive sur la plage avec quelques minutes d'avance. Il fait complètement nuit ; seule la lumière de la lune se reflétant sur le lac me permet d'y voir quelque chose. Je fronce les sourcils, me rapprochant de l'eau pour tenter d'y distinguer une énergumène à poil dans l'eau. A ma gauche j'entends au loin quelques voix qui s'éclatent de rire. Surement une bande de gamins complètement déchirés. Ils ne semblent pas si proches, heureusement, mais je préfère quand même prendre un peu de distance en partant en direction inverse. Mes talons compensés s'enfoncent dans le sable. Je m'arrête un instant pour les retirer quand j'entend un vague bruit derrière moi. Surprise, je me retourne, mais n'y vois rien. En même temps, il fait tellement sombre que j'ai du mal à percevoir quoi que ce soit. Un nouveau bruit de clapotis dans l'eau se manifeste, de l'autre côté. Je me retourne à nouveau, comme un trouillarde. J'aime pas vraiment le noir, Julian a intérêt à bouger son derrière.
La passion de Louise aura raison de moi, autant que celle de Molière a eu raison de lui. J'ai vu ces flammes danser sur ma peau jusqu'à entrer dans mes chairs et les brûler. Mon corps paralysé, j'ai senti la douleur crisper chacun des membres de mon corps. Et mon cri s'élevait dans la salle, transperçant le toit pour flotter jusqu'à la lune. Car c'est là-bas que j'ai abandonné ma fierté et mon amour propre.