Il a passé un cap. Il a pris une décision, sûrement la décision la plus importante de sa courte existence. Et il a pris cette décision sans moi. Je suis soulagée, infiniment, mais une partie de moi est meurtrie. J’ai été mise à l’écart. Et même si mon avis n’a plus vraiment d’importance à ses yeux, il ne m’a pas non plus informé, prévenu de l’intervention. Peut-être que je ne le mérite pas. Peut-être que je ne le mérite plus. Occuper une place dans sa vie, dans son entourage le plus proche. Etre à ses côtés dans les meilleures comme dans les pires moments. Ce n’est plus mon rôle, ce n’est plus ma place. Peu importe les promesses, peu importe les efforts. C’est du moins ce que je pense lorsque je monte les escaliers aseptisés de l’hôpital qui me mèneront à son étage. Puis à sa chambre. Je suis en avance. Pour une fois. J’ai apporté un pot de glace au chocolat. La règle des C, je ne peux pas me tromper. Mes doigts happent la poignée de la porte, mais ce que je vois m’empêche d’enclencher la mécanique. Il n’est pas seul. Une petite brune que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam est à son chevet. Elle lui tient la main, elle rit, elle est affectueuse, elle me donne envie de vomir. Elle et ses airs mielleux. Mes doigts glissent le long de la porte. Une minute ou cinq … Je ne sais pas combien de temps je reste là, camouflée derrière la porte à les regarder sans dire un mot, à les espionner sans me faire remarquer. Et je m’en vais. Reprends le chemin en sens inverse. Dans le parc, je trouve le banc sur lequel on s’est donné rendez-vous, encore un quart d’heure à tuer. Je dépose le petit pot de glace qui doit déjà avoir fondu sur le banc. J’ai envie d’une cigarette. Sale habitude que RJ m’a transmise depuis le Coachella. Alors je tire la menthole de mon paquet blanc, la glisse entre mes doigts fins et l’allume.