COACHELLA MISCHIEVOUS
Il était temps. Il était temps de boire jusqu’à se saouler, de rire jusqu’à en avoir mal aux côtes et surtout de ne plus réfléchir. Il était temps de voir Charly. Avec son meilleur ami, plus rien n’existait sinon leur complicité et les conneries qu’ils étaient capables de faire. Séparément, ils éveillaient les soupçons. Ensemble, ils faisaient des carnages. Telles deux tornades, ils ne laissaient jamais rien ni personne indemne sur leur passage. Lysander aimait qu’on se souvienne de lui et avec Von Bodman, c’était un pari gagné d’avance. Après des provocations postées sur Twitter et des SMS diaboliques échangés, ils s’étaient enfin donné rendez-vous. Il avait l’impression que ça faisait une éternité qu’ils n’avaient pas trainés ensemble. Pourtant seulement une ou deux semaines s’étaient écoulées depuis leurs arrivées indépendantes à Coachella. Le festival de l’été était un tout nouveau terrain de jeu de plusieurs hectares, regorgeant de nouvelles victimes innocentes. Lys était las de son campus, à l’aube de sa dernière année. Et si le soufflé de l’excitation était retombé, son humeur s’était adoucie à l’idée de se laisser vivre auprès du blond sulfureux à l’apparence hautaine. Il lui avait donné une heure – tout en sachant qu’il ne la respecterait pas. Sur la pelouse de Coachella, vêtu d’une simple chemise bleue marine et d’un jean serré, Lysander attendait Charly. A ses pieds, une dizaine de bouteilles, de quoi grignoter. Le plus simple des festins pour la plus folle des soirées. A cette heure-ci, seules quelques âmes vaillantes flânaient encore sur l’herbe fraiche des pelouses alors que des concerts d’ambiance se jouaient plus loin. Autant commencer tous deux avant que les loups n’entrent dans la bergerie. Point de confession ou de doute ce soir, il allait retrouver sa personnalité exubérante qu’il avait quelque peu délaissée au profit d’une attitude faible et résignée. Peter n’existait plus, Lukah s’était évaporé et les producteurs réticents à s’intéresser à son groupe de musique n’étaient que des fourmis dans son univers. Lys avait déjà ouvert une bière et s’offrait sa première gorgée lorsque la silhouette longiligne de son acolyte se dessina dans l’obscurité. « Môssieur Von Bodman est enfin là. » Il fit une courbette exagérée pour souligner son patronyme qui laissait présager une haute naissance, une lignée importante. Il n’avait jamais posé la question, mais en fait il s’en foutait. Il n’était que Lys Eliott Foster d’une petite famille modeste de Liverpool. Les identités n’importaient plus. « Une petite bière, désolé je n’ai plus de champagne. » Ajouta-t-il sur un ton hautain et guindé, digne des aristocrates les plus pitoyables.