Les épaules d'Oxanna frissonnent sous la mince couverture qu'est son gilet. La nuit vacille sous ses yeux, comme les ondes d'une musique sans son. La lumière des lampadaires danse avec les ombres. C'est peut-être l'alcool, c'est peut-être le joint, c'est peut-être qu'elle n'a pas vraiment dormi depuis une bonne semaine. Les dalles du trottoir ne sont plus illuminées par les enseignes insomniaques du centre-ville. Oxanna vacille sur la pointe de ses pieds, rêvant des pointes de sa mère et des ballets sur film. Elle tourne et tourne les bras en croix, visiblement perdue dans ce quartier, visiblement perdue dans sa tête.
Des murmures s'accrochent aux ombres comme de la vigne à la brique, s'insinuant pour ne jamais lâcher prise. Les ombres n'ont pas de visage, mais leur corps est bien réel. Ils sont quatre monstres aux longs bras qui tirent et qui ricanent, comme si c'était drôle d'abuser des jeunes femmes, comme si c'était une blague qu'elle ne comprends pas. Le cœur d'Anna n'est plus à sa place. La voix de son père grogne qu'elle n'est qu'une menteuse, qu'elle invente des histoire, pourtant, ils sont bien là, prêts à creuser son mal, à la tuer un peu plus.
Anna s'élance à bout de jambes, tombant sur le pavé, s'écorchant les genoux, s'en foutant que sa robe remonte, que son sac soit resté sur le sol. Elle court après sa vie, sans savoir qu'elle va tomber sur Lola.
Peut-être qu'Oxanna a cogné à une porte, peut-être qu'elle lui a foncé dedans dans la rue, ses neurones oublient des morceaux. On lui caresse les cheveux, disant que tout ira bien, que c'est terminé, qu'elle est en sécurité. Dit par la voix de Lola, Anna y croit, ailleurs et ici, tombant dans cet état d'éveil endormi où l'un se fait miroir de l'autre. Ses mots sortent en conneries qui ne font aucun sens, ses amis s'en foutent, encore dans une fête comme toutes les autres à se manger le mal-être sans penser aux autres. Il fera soleil, il y aura des demains. Et ça, Anna le sait parce qu'une petite présence improbable le lui crie en silence. Anna ne le sait pas encore, mais elle s'appelle Lola.
nothing scares me anymore
⊹There she was my new best friend. High heels in her hands, swayin' in the wind While she starts to cry, mascara runnin' down her little Bambi eyes (by anaëlle)