Jeudi 13 Octobre 2011, 18:00.
Mes poings commencent enfin à se desserrer. Dehors, le soleil est en train de se coucher. Le silence auquel je suis soumis est serein. Reposant. Cela me permet de réfléchir. De méditer. De me perdre, profondément dans mes pensées, tandis que le crépuscule continue son avancée, engloutissant le reste de la ville sous un profond voile d'obscurité. Le regard rivé sur cette étrange grille composée d'immeubles, de rues, de voitures et de passants, je reste songeur tandis que mes dents supérieures creusent une fine tranchée dans ma lèvre du bas. Je n'arrive pas à croire qu'il ait pu faire cela. Portant mes deux mains à mon visage, j'enterre ma figure entre celles-ci avant de les faire glisser à nouveau vers mes côtés, accompagnant ce geste d'un soupir déçu et vexé. Je n'arrive pas à croire qu'il ait pu faire cela. Je les vois encore, se souriant avec ces airs confiants et mesquins. Lui. Son client. Bourré aux as, blanc comme un drap. Du moins, d'après la loi. Moi, je l'avais bien vu, la noirceur qui rodait au plus profond de son âme. Cette saleté, cette impureté grandissant en lui, l'empoisonnant progressivement au jour le jour, remplaçant chaque once d'humanité qu'il pouvait bien posséder par la perversion de sa maladie. Viol. Pédophilie. Des charges lourdes, dont Mike espérait l'acquitter.
Moi, je n'étais pas resté jusqu'à la fin du procès.
Dans son regard, je l'avais vu. J'avais vu qu'il était coupable, jusqu'à l'os, jusqu'à la moelle. J'avais compris que cette jeune fille, c'était lui qui l'avait étranglée, alors qu'elle n'avait que douze ans, alors qu'elle n'avait probablement rien demandé, à personne. J'avais compris que c'était ses mains qui lui avaient rompu la nuque, ses mains qui l'avaient jeté au bord de la route, comme si elle n'était qu'une vulgaire poupée de tissus, existant uniquement pour son amusement. Tout cela, je l'avais compris, non pas en voyant les chèques impressionnants qu'il signait, non pas en me laissant impressionner par son beau costume, sorti tout droit de chez Versace ...
Mais en l'écoutant. En l'observant. En découvrant la vérité, chaque jour, dans ses paroles, dans ses actions. Et plus que tout, dans son regard.
Et pourtant, Mike avait accepté de l'aider. "Vous êtes le meilleur. Je ne veux que vous." Comment aurait-il pu refuser ? Un cas si difficile à prendre aurait été impossible à refuser. Il n'avait pas pu résister à la tentation. Il avait voulu le prendre au mot. Prouver qu'il était capable de gagner, malgré les preuves accablantes inculpant son client. Il avait même trouvé une argumentation de béton pour soutenir sa cause ... Les preuves, je l'avais aidé à les trier et à les assembler.
Mais, dans cette salle de procès, lorsque mon regard a croisé celui de cette ordure, quelque chose en moi s'est brisé. Il y avait tant de fierté et de perversion dans ses iris que j'en ai eu la nausée. Alors, en silence, je me suis levé et je suis parti. Sans dire un mot, sans m'excuser. Sans attendre le verdict. Je m'étais enfui.
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