Je me détends, peu à peu. Parce qu'elle aussi s'étend au sol. Près de moi. Que je la sens si proche. A quelques centimètres à peine... Il suffirait de si peu... Et le silence me pèse moins, avec cette distance si faible et pourtant infranchissable.
Les minutes s'écoulent, je la sens bouger près de moi. Entre mes cils je la distingue, découpée dans le manteau sombre de la nuit. Appuyée sur un coude, le visage tourné vers moi. Me regarde-t-elle? Que voit-elle? Que pense-t-elle? Je ne bouge pas, ne bouge plus.. même mon souffle ralentit, suspendu à l'inquiétude et à cette chaleur dans mon ventre.
Le silence se rompt pour accueillir ses paroles. Je soulève les paupières. Je regarde le ciel, d'abord, puis, comme à regret, mon regard cherche le sien. Elle ne veut pas de banalités. Elle veut la vérité, la passion, la douleur, elle veut tout, tout de suite, tout le temps. Mais il y a des temps morts dans la vie, des silences, des ennuis... Il y a mille faits banals pour un seul qui vous ravit l'âme... Comment, moi, Lola, enfermée dans ma petite vie, prisonnière de mes pensées et de mon corps, comment pourrais-je lui offrir cela?
« Que tu me parles de ta façon d’apprécier un satin, que tu m’expliques ta façon de voir le monde qui nous entoure, que tu me dises ce qui te fait rire ou ce qui te fait pleurer … »
Te dire qui je suis vraiment. Un peu plus... Ce qui me fait hurler, ce qui me fait me taire? Je cherche, Riley, je cherche un sujet à aborder, un sujet qui ne nous blesse pas. Ni toi ni moi...
« J'aime le son des machines à coudre. Je n'aime pas vraiment coudre, mais le son... Quand je susi seule, face à la machine, un pied sur la pédale... La nuit, souvent... Toucher le tissu, évaluer sa résistance, choisir le fil approprié, l'enfiler sur la machine... Préparer la canette... J'ai une assez vieille machine, qui vient de ma grand-mère. Pas d'électronique, dessus, que des systèmes mécaniques. J'adore tout mettre en place, c'est comme un rituel. Mon tissu, mon patron, mon fil, ma machine, ma tisane... »
Je tente de me remémorer tous les détails.
« L'huile dans les rouages... il y a une petite odeur tiède... Je porte toujours une chemise trop large sur un short et un top. De grosses chaussettes et les cheveux relevés dans un foulard... Je suis ridicule, affreuse... »
J'ai un sourire moqueur.
« Je ne voudrais pas que tu me voies ainsi. Mais ça fait partie du rituel et du plaisir, les vêtements... Je m'assieds et je sais que toute ma nuit sera consacrée à ça. Piquer. Coudre. Découdre. Vérifier... Surfiler... En cours, je déteste coudre, mais chez moi, en soirée... Le bruit de la machine, l'odeur de la tisane et le tissu qui glisse entre mes mains... J'adore ça. Et j'aime la fatigue, le matin, quand je dois aller en cours et que je me noie sous le café, pour tenir le coup. J'ai la tête et les membres lourds, je me sens languide... C'est agréable. »
Un silence.
« C'est ma mère qui m'a appris à coudre, quand j'étais enfant. Je m'asseyais sur ses genoux... Elle me faisait des robes en tissu fleuri... Des robes en tissu solide, épais, du coton fiable, qui pourraient resservir si j'avais une petite soeur. Je n'en ai pas eue... Je crois que j'aurais aimé ça... »
Je déplace n peu les doigts pour qu'ils s'alignent aux siens...
« Pose-moi des questions, si tu veux... »
Tout ce que tu veux savoir, si cela te distrait un peu de ta peine.
extensionauto_awesomeac_unitvolunteer_activismLola, quand elle voit une fille sexy