VAHID ∞ JERSEY
the scars are silver and gold
Quelques mois en arrière je n’aurais certes pas été de celles qui passent leur temps libre en allant boire un coup dans un bar. Je n’ai jamais été cantonnée au rôle de la cliente régulière que l’on peut apprendre à connaitre entre deux consommations. Oui, mais avant j’étais bien dans ma vie et je n’avais pas besoin de passer le temps autrement, pour ne pas avoir à songer au bordel qu’est ma vie lorsqu’on retire les études et mon travail. Il est vrai que tout me réussit plutôt bien professionnellement parlant, ma carrière est au top, mes études seront bientôt terminées, l’histoire d’une ou deux années supplémentaires et je suis sur le point de récupérer ma place de major de promo mais… Mais en dehors je ne suis plus aussi heureuse qu’avant, je me raccroche à mes amis mais ce n’est pas suffisant, le vide laissé par Tylian est immense et je n’arrive pas à boucher les trous alors je me retrouve ici, plusieurs fois par semaine à espérer trouver un sens supplémentaire à ma vie. Utopique de croire que la réponse se trouve dans un bar et je ne suis pas rêveuse au point de croire à une telle histoire mais ici je me sens bien, les gens sont sympathiques et l’ambiance est agréable, légère. On s’amuse bien, il m’est même arrivé de prendre le micro et de me lâcher sur le dernier son à la mode lors d’une soirée karaoké, chose qui n’arrive que très rarement. Certains éprouvent le besoin de se rendre chez le psychologue une dizaine d’heures pour passer outre une séparation ou un coup dur, ma thérapie elle se trouve ici, dans ce bar. L’alcoolisme ne passera pas par moi pour autant, je bois toujours un ou deux verres mais jamais plus, je ne suis pas là pour noyer mon mal être, je reprends juste goût à la vie en côtoyant des personnes différentes de celles que j’ai l’habitude de retrouver au quotidien.
Le charmant propriétaire de ce bar n’est peut-être pas pour rien dans cet élan de bonheur qui me touche à chaque fois que j’entre ici, il est chaleureux, accueillant et il parvient facilement à recueillir des confessions. Je ne suis pourtant pas du genre à raconter ma vie au premier venu mais il est malgré tout parvenu à passer au bon moment vers moi pour obtenir quelques petites informations sur moi. Rien de très original, rien de très intéressant mais ce fut agréable de partager avec lui. Je l’apprécie, peut-être est-ce aussi pour cela que je continue de venir ici. « Le spécial Jersey » Je l’ai regardé, curieuse, me concocter ma boisson et à présent j’ai l’impression que si j’attends une minute de plus je vais sombrer dans une forme de manque vraiment spéciale. Lorsqu’on titille ma curiosité je me montre très impatiente, je déteste le mystère voyez-vous. « Merci ! » Mes doigts longent le verre qu’il m’a préparé, les glaçons n’ont pas encore refroidi cette surface fragile que je caresse du bout de mes phalanges. « Dis-moi si tu n’aimes pas, je te ferais quelque chose de plus classique » Un petit sourire mutin se dessine sur mes lèvres, il semble vraiment inquiet à l’idée que le résultat ne soit pas à la hauteur de mes espérances et je trouve ça charmant, mignon dirais-je même. « Je n’hésiterais pas à me mettre à hurler comme une hystérique en affirmant que tu as tenté de m’empoisonner si je n’aime pas, promis. » Un petit clin d’œil complice plus tard et voilà que j’attrape plus fermement le verre pour le porter à mes lèvres, recouvrant l’extrémité de ce dernier d’une fine couche de mon rouge à lèvres. Le liquide acide au premier abord s’avère plus doux après coup, je ferme les yeux un instant, prenant le temps de savourer l’arrière-goût très agréable laissé par ce cocktail très sympathique. « J’ai une Sainte Horreur du citron mais… C’est très agréable et on ne le sent presque pas, c’est parfait, j’adore ! » Un sourire satisfait agrémente mes paroles et je ne tarde pas à aspirer une nouvelle petite gorgée de ma boisson. « T’es vraiment doué pour les cocktails ! »
« Comment tu vas ? » Bonne question, comment je vais ? « Bien… Je dirais que ça va en s’améliorant depuis la rentrée, être occupée ça aide. » Mes doigts longent mon menton nerveusement, je suis toujours gênée lorsqu’il est question d’admettre que ça ne va pas comme j’aimerais. « Et toi ? Comment ça va ? Tu t’habitues à Los Angeles ? »