Anna fait face à son reflet, le toisant d’une incertitude grandissante. Sur son corps se tends le satin d’une robe qui s’étire en une meringue de taffetas, lui donnant l’impression d’avoir six ans et d’aller au mariage de sa grande-tante trois fois divorcée. La couleur est celle d’une innocence qu’on lui a ironiquement volé. Ce rose bien délavé lui creuse le teint, lui rougis les yeux. L’attirail lui est arrivé dans une grande boîte blanche, livrée par le chauffeur de son père. Ce présent est une obligation en boîte, un ordre de satin, une façon vicieuse de l’obliger à prendre part aux mondanités qui n’intéressent que les momies poudrées.
Le coeur d’Oxanna se débat, elle étouffe dans le corset, elle étouffe dans sa vie. La robe est passée par dessus sa tête, envoyée valser sur le plancher, remplacée par quelque chose qui ne crie pas à l’enfance qu’on lui a volée. Une petite robe de dentelle brodée aux manches délicates qui entourent ses épaules dans un chic digne d’un autre âge. Les doigts d’Anna se retiennent de tirer les épingles de son chignon, sa volonté souhaitant le démolir, lui et tout ce qu’il représente. Résignée, mademoiselle Woods enfile une paire d’escarpins, les extirpant de la boîte où est gravée le nom d’un designer haute couture. Un collier de diamants remplace la chaîne en argent qui orne quotidiennement son cou. Son porte-feuille est glissé dans une pochette du mois passé, histoire de faire parler les commères et leur mémoire d’éléphant. Anna souhaite seulement que son père soit retenu au bureau et qu’il ne puisse pas faire acte de présence à la soirée bénéfice de ce soir, lui laissant la possibilité de s’enfuir à la première occasion, lui donnant la possibilité d’ouvrir ses ailes, quand ça deviendra trop pour elle.
Son téléphone laisse échapper un petit son triste. Anna n’a pas besoin de lire le message pour savoir que Charly est en bas. Sa lente descente vers l’enfer se fait en talons dans un escalier en colimaçon. Le chauffeur lui ouvre la porte, laissant la limousine engouffrer Oxanna. Charly est là, beau comme toujours, beau d’une génétique de première classe. « Hey, darling. » Lui lance ironiquement mademoiselle Sterling, toute sourire et charme. « Tu sais où on vas ? La dernière fois c’était un bénéfice pour la restauration de la façade du musée, quelle connerie est-ce qu’ils ont inventé cette fois ? » Les jambes d’Anna se croisent comme celles d’une fille bien, sa cuisse contre celle de Charly. Oxanna aurait pu s’asseoir n’importe où dans ce moyen de transport un peu trop spacieux, mais ça la rassure qu’il soit là, à portée de main. Ils jouent à ce jeu où les paternels décident de la partie comme deux adversaires lors d’un match d’échecs. Un des deux a envoyé ce corbillard pour être certains qu’Anna et Charly soient à leurs propres funérailles. Le champagne pétille dans la bouteille, juste devant mademoiselle Woods, scintillant d’une étincelle de passé ou elle en a abusé. Ça serait moins terrible, avec quelques gouttes d’alcool, se dit Oxanna, se demandant si Charly a commencé sans elle.
nothing scares me anymore
⊹There she was my new best friend. High heels in her hands, swayin' in the wind While she starts to cry, mascara runnin' down her little Bambi eyes (by anaëlle)