Deux semaines. Et oui, ça fait deux semaines que j'ai eu cette foutue blessure. Jambe cassée. Privé de bouger,de courir, de s'entraîner, de jouer, bref de vivre. Pour moi, le sport est tellement important que j'ai encore du mal à encaisser le coup. Les médecins m'ont dit d'attendre pour être sûr des résultats. Un mois ou deux mois. Tout ce que je sais, c'est que je dois attendre et bon sang ce que ça me saoule d'attendre ! J'harcèle les médecins, mais c'est que j'ai envie de savoir moi, c'est, est-ce qu'un jour je vais pouvoir rejouer au basket à haut niveau ? Vais-je pouvoir intégrer l'équipe de mes rêves ? Tout se passait si bien et voilà qu'une telle chose me tombe dessus et casse tous mes projets d'avenir pourtant tout tracés. Je me trouve chuté d'un niveau de NBA au niveau de blessé à ne plus pouvoir rien faire. Je refuse ça ! Je refuse de rester enfermé chez moi, je refuse de me laisser abattre et je refuse de ne plus jouer au basket. C'est ma vie ! Alors hors de question de rester dans mon canapé, je prends mon ballon fétiche et je m'en vais au terrain de l'université le plus vite possible. A cette heure-ci il ne doit y avoir personne. Je ne vais pas courir, éviter de faire des efforts sur ma jambe. Je vaisjuste faire quelques lancers francs, mais ça suffira pour me calmer un peu et apprécié ce moment qui me manque tant.
A peine arrivé sur le terrain et déjà ennuyé. Je pensais être seul ce soir, c'est râpé on dirait bien. J'allais râlé et faire demi tour, mais en faisant attention quelques instants de plus je m'aperçoie rapidement qu'il s'agit en fait d'un homme par terre ... Seul en pleine contemplation d'un fauteuil roulant. Peut-être que je devrais aller voir ce qu'il se passe de plus près, sait-on jamais. Le gentil homme en moi me pousse à aller l'aider, oui, on dirait qu'il a besoin d'aide. Allez, superman entre en action ! Je me dirige vers cet inconnu au sol en driblant avec mon boulot. Entendre simplement le ballon rebondir sur le sol et sentir le cuir de celui-ci contre ma main à chacun de ses allers venues me fait ressentir un bien fou. ça me parait tellement lointain. J'arrive enfin à hauteur du pauvre gars par terre. " Besoin d'aide mec ? " Demandais-je en arrêtant de dribler quelques instants. Oh, puis merde, qu'il me dise oui ou non ça ne changera rien, ça se voit qu'il a besoin d'aide. Je laisse mon ballon sur le sol et me penche pour aider cet inconnu. " Allez ! " Dis-je en prenant son bras pour entourer mes épaules et l'utiliser comme appui pour le soulever et le poser jusqu'à son fauteuil. Je souffle sous l'effort et ressent une légère douleur dans ma jambe. Je n'aurai pas du m'appuyer tant dessus. " Voilà, c'est mieux comme ça. "
Je ne pensais pas rencontrer quelqu'un en pleine nuit sur le terrain de basket et encore moins qu'à cette heure-ci je doive aider quelqu'un. Enfin, ce n'est pas une obligation, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, mais je n'allais pas le laisser tout seul sur le sol en regardant son fauteuil comme s'il allait se mouvoir tout seul pour le relever. On sait bien que les fauteuils roulants ne bougent pas tout seuls, enfin si, ceux avec des moteurs, mais on ne parle pas de la même chose à ce moment là. Enfin moi j'aide mon prochain comme j'aimerai qu'on m'aide. Et puis, je ne m'appelle pas Charly Von Bodman. Je suis un être humain, moi ! Enfin, là encore, c'est un tout autre sujet. Bref. En tout cas, je n'ai pas réfléchi et j'ai aidé ce pauvre inconnu et bien sûr qui dis ne pas réfléchir, dis connerie. Enfin avec moi c'est la traduction directe. En l'aidant à se remettre sur son fauteuil j'ai appuyé sur ma jambe et je n'aurai pas du, putain j'ai mal maintenant !! Déjà que je n'ai pas le droit de venir ici pour jouer, mais alors avec cette douleur, je suis certain d'avoir empiré ma blessure, mon médecin va me détester c'est sûr ! Mais pourquoi j'ai fais ça ? Bon je sais pourquoi je l'ai fais, mais comment je regrette d'avoir cette jambe cassée. La douleur m'arrache une grimace. Mais je ne le dirai pas. Trop de fierté en moi. Je suis un mec, un vrai. Enfin, je n'ai pas à me plaindre avec cet inconnu, j'ai des jambes moi. Alors pas de mots mal placés. " Oh c'est normal, je n'allais pas te laisser par terre. " Répondis-je à ses remerciements. Appelles moi superman maintenant cher inconnu !
Je sourie lorsqu'il se présente à moi. Alors comme ça il s'appelle Thomas, faut que j'arrive à m'en souvenir maintenant. " Moi c'est Kai. " Oui je sais, c'est nul comme prénom, mais au moins, c'est facile à se remémorer. Il acquiesce avant de faire la discussion. En même temps, c'était prévisible. Et je dois bien avouer que ça ne peut pas me faire de mal de discuter avec un inconnu autour d'un ballon de basket. Pas de jugement. Et puis je peux quand même jouer un peu, c'est tout ce qui compte pour moi. " Je suis venu faire quelques paniers, jambe cassée, interdit d'entrainement " Dis-je en montrant ma jambe gauche encore avec une belle attelle. Le platre s'est volatilisé hier. Mais il faut quand même faire attention, trop attention même et j'en ai marre de ça ! Je tire une grimace en disant ça. Et ouais, ça m'emmerde cette situation. Mais j'ai de la chance après tout ... Oui je dis ça en voyant Thomas et son handicap. La réalité, c'est qu'on ne se rend compte de son bonheur que dans ce genre de rencontre. Je sais que ma vie est pas trop mal, mais je ne devrais peut etre pas me plaindre autant de cette blessure après tout. Je l'entends penser à haute voix et je sourie. Bonne question qu'il pose là. " Aucune je pense, le hasard fait bien les choses comme on dit. " C'est vrai que les chances étaient minces. Inexistantes. Et pourtant. Comme quoi des fois il ne faut pas trop réfléchir. " Allez mec, on se fait quelques paniers ? " Et sans attendre une réponse de sa part je reprends mon ballon au sol, le fait rebondir deux fois sur le sol et décoche un tir. Complètement raté. ça craint. Faut que je me remette de dans. Et vite ! Je récupère mon ballon et fais une passe à Thomas pour qu'il tire à son tour. " T'es à l'université ici ? " Normalement oui, on ne squatte pas ce terrain sans en faire partie, mais ça sert aussi à faire connaissance. Okay je l'avoue, je suis nul pour ce genre de choses.
Je joins mon rire à celui de Thomas quand il fait l'ironie de son propre sort. J'ai un profond respect pour le genre de personnes qu'il est. Handicapé, mais souriant à la vie. Pour moi, ça relève d'un sacré courage et je ne suis pas certain d'en avoir autant si je me trouvais à sa place. Je ne comprends même pas comment certaines personnes peuvent se permettre d'être odieuses avec eux, ce sont des personnes comme les autres qui n'ont rien demandés à personne. Il y a toujours des bonnes personnes et des mauvaises. Étrangement, davantage de mauvaises j'ai l'impression. « T'inquiètes pas, au pire, il suffira d'appeler les secours. » Lui dis-je souriant, toujours rieur. C'est certain qu'on ne peut pas échanger de place, mais j'ai besoin de jouer au basket et j'espère au fond de moi que je ne suis pas en train de faire une grosse connerie, ce qui est assez difficile quand on parle de Kai Norton. Il suffit de regarder ma jambe pour comprendre que je ne suis pas le mec très doué dans sa vie, vous ne pouvez pas savoir le nombre de fois où j’ai fais des boulettes ! La chance me sourie, certes, mais en règle général, il m’arrive toujours un truc qui me permet de raconter de sacrés histoires par la suite. Mais j’aime bien, ça me permet d’avoir une vie mouvementée. Oh je pars loin là, retournons sur le basket.
Au tour de Thomas de tirer. Avec plus de réussite que moi. En même temps ce n’est pas très compliqué quand on voie la manière dont j’ai tiré, vraiment lamentable. Comme mon état depuis quelques jours. Thomas rattrape la balle qui vient vers lui avec facilité. Il m’étonne presque d’être en fauteuil roulant, j’ai l’impression qu’il se débrouille bien mieux que moi alors que j’ai mes deux jambes valides, ou presque. « Alors t’es nouveau ici, bientôt le bizutage. » Dis-je en attrapant la balle qu’il me passe. « Non je déconne, tu verras, ici c’est cool, surtout avec le soleil qu’on a. » Genre le gars qui pense qu’à ça. « Pourquoi t’as quitté New York ? » Je me demande. J’y suis déjà allé en vacances, mais je n’y ai pas vécu. Pourtant d’après ce qu’on entend c’est le top là-bas, partir de New York pour venir à Los Angeles, il faut le vouloir quand même. Il retourne la question et avant de lui répondre je tente un nouveau shoot en direction du panier de basket. Je tente de me concentrer quelques instants de plus, espérant que cette fois sera la bonne, mais la balle ne fait que rebondir violemment sur le panneau et se diriger rapidement vers moi. Je la rattrape in extremis avant qu’elle n’atteigne mon visage. Je souffle. Encore raté. Je me tourne vers Thomas pour lui répondre. Après tout, il a discuté sans rien demander, je peux bien le faire à mon tour. « Et ben moi j’ai commencé ma sixième année de management et sport études en basket, je suis à L.A depuis ma première année, et franchement c’est une belle ville et une bonne université. » Je sourie avant d’ajouter. « Tu vas t’y plaire. » Je lui passe à nouveau la balle pour qu’il puisse se faire plaisir à me ridiculiser. Ce qui en soit, ne me pose pas de problèmes, au contraire.
On a tous une raison pour déménager. Que ce soit pour un défi de soi-même, fuir quelque chose ou quelqu’un, des priorités professionnelles ou personnelles. A un moment de sa vie on se doit de déménager, d’une ville à une autre, de changer de pays, de voyager, j’ai posé la question sans arrière-pensées, juste que je suis curieux et puis qu’il faut bien faire la discussion. Quand j’entends Thomas m’indiquer la raison de sa venue à Los Angeles je comprends rapidement. Pas que j’ai déjà eu à vivre ce genre de décisions, mais disons que je suis humain et que ce qu’il doit vivre aujourd’hui ne doit pas être facile. Il me renvoie la balle et je tente de finir son explication sur une note humoristique, histoire de ne pas rentrer dans le récit de l’histoire dramatique. « T’aurais pût ramener ta sexy kiné ici. » Je sourie en lançant cette vanne. « Et puis comme ça, on aurait partagé. » Je sui blessé, j’ai besoin d’une kiné voyons et puis si elle est sexy, quoi de mieux ! M’enfin, il y en a des kinés à Los Angeles aussi, malheureusement je n’ai pas de femmes sexy qui exercent ce métier dans mon répertoire sinon je me serai fais une joie de donner le numéro de cette dernière à Thomas. Non, moi je n’ai qu’un vieux type tout bourru qui s’occupe de moi que quand il le veut et que je présente de jolis billets verts. Rien à recommander je vous assure. Je tire et lui repasse la balle après avoir répondu à sa question. Je le regarde se replacer. Tirer largement à côté et aller chercher la balle tout en lui répondant. « La ville est gigantesque, mais tu vas vite t’y faire, une fois que tu es habitué c’est facile à se repérer. » Lui dis-je en m’exprimant avec des gestes. « Donc oui je connais bien la ville. » Je rajoute ça comme un cheveu sur la soupe en me rendant compte que ce que je venais de dire ne répondait pas tellement à sa question. Voilà qui est fait. Il part chercher la bale d’un geste bien maîtrisé sur son fauteuil, ça doit faire un moment qu’il est dessus, il a le coup de main. Malheureusement peut-être. Je sourie en l’entendant me demander d’où je viens. D’un pays fort fort lointain, non, pas chez Shrek, merci de me comparer à un ogre ... « Honolulu, Hawaï, ses palmiers et ses plages. » Et ça me manque putain ! Oh je suis bien logé ici, il fait beau, chaud et il y a aussi des plages. Mais c’est différent. C’est ma seconde maison ici, pas ma première. C’est différent. « C’est un peu plus loin que New York, je suis venu rejoindre mon père ici avec ma sœur, c’était bien mieux pour tout le monde. » Je continue mes explications comme pour le remercier d’en avoir fait de moi avec moi quelques instants plus tôt.
Sa Æsa ? Il la considère à lui ? Oh dis donc, ça devait être sérieux ! Je ne fais que hausser les sourcils d'étonnement et de curiosité avant de reporter mon attention sur le panier de basket. La discussion varie très rapidement et on arrive à parler d'Honolulu, la réaction de Thomas me fait sourire doucement. " C'est génial ! C'est un autre monde, c'est juste top ! " Et ça me manque, je l'avoue. J'attrape la balle qu'il me lance, prends quelques secondes pour me mettre en place. Je ferme les yeux avant de les rouvrir et de me sentir fin prêt à tirer. Allez ... Et hop ! La balle finit sa course parfaitement dans le cerceau du panier et j'émets un soupir de soulagement. Enfin un tir de réussi ! Je me rassure seul avec cette réussite. Je n'ai pas tout perdu finalement, même si je dois me concentrer davantage. Mais cette attèle me gêne pour jouer. J'aperçoie le coup d'oeil de Thomas vers ma jambe, mais je fais comme si de rien n'était. Après tout, il doit y en avoir du monde qui regarde ses propres jambes sans jamais oser poser la moindre question, il est peut-être curieux, mais je n'ai pas envie de raconter ma vie s'il ne pose pas de question. C'est con comme raisonnement ? Peut-être. Je vais chercher la balle en faisant attention de faire des petits pas puis lance le ballon à Thomas avant de me replacer non loin de lui. Je grimace. J'ai mal.
" Juste pour savoir, pourquoi être venu sur un terrain de basket en pleine nuit ? Tu ne dors jamais ? " Demandais-je rieur. Je tente de rendre ma question moins intrusive, mais c'est vrai que c'est étrange, enfin, ça m'interpelle. Je pensais être le seul taré de l'université à venir m'entraîner une heure pareille, il faut croire que non. Et ça m'étonne.
C'est une chose qui n'a pas l'air facile à vivre d'être handicapé. Surtout quand je voies la réponse que Thomas me donne. Alors il est là à cause de la douleur. Enfin, la douleur, c'est assez vague et compliqué de parler cela de cette façon, vu qu'il n'a plus de jambes ... Endroit qui lui fait mal. Comme c'est étrange ! J'y comprend rien, souffrir à un endroit qu'on ne possède plus. Je ne réponds pas en l'entendant parler, j'ai préféré écouter attentivement, me dire que je n'aimerais définitivement pas être à sa place. Non ça c'est sûr. Je pète déjà un plomb avec ma jambe cassée alors je ne m'imagine pas en fauteuil roulant toute la journée ... Pire, toute la vie. Quel courage ! Je me pince les lèvres, serre la mâchoire à cette pensée. Ce ne doit pas être facile. Il finit par une note positive, auto dérisoire, humuristique et je ne peux m'empêcher de sourire en le voyant rire de cette façon. " Tu viens ici souvent ? " Je marque un temps de pause me rendant compte que ma question est mal prononcée, je veux dire, on dirait que je lui demande s'il souffre souvent alors que non pas du tout ! C'est juste que je ne l'ai jamais vu ici, bon il vient de débarquer à L.A ça doit s'expliquer, je tente d'ajouter rapidement pour me rattraper. " Enfin je veux dire, tu comptes venir ici souvent ? On pourrait s'entraîner ensemble. " Oui voilà où je voulais en venir. J'aurai un nouveau coéquipier d'entraînement et ça l'aiderait probablement. Bon sang, je suis trop gentil dis donc ! Je ne le connais même pas ce gars et je veux l'aider. Je m'étonne moi même. Souriant, je lui lance amusé. " On devrait peut être rentrés ? On risque d'avoir des têtes d'enterrement demain sinon. " Et une petite amie qui va me poser des questions super énervées pour rien. Si elle savait ce que je faisais à ce moment précis ! Elle m'engueulerait aussi en fait ... Je ne suis pas censé jouer avec une jambe dans un tel état ... Quel con.
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