J’ai les mains pleines. Un rouleau de tissus plus long que mon corps sur l’épaule et un bac de matériel divers. Quand Riley m’a demandé de lui apporter un truc qu’elle avait oublié, j’ai dit oui en croyant que ce serait un bouquin pour les cours, pas un projet entier. Elle sait que je ne pourrais jamais lui dire non et elle serait folle de ne pas en profiter. Il faut bien que ce soit utile d’avoir un frère. Quand j’ai besoin d’un coup de main, elle est toujours là, à mes côtés, à me choisir les vêtements parfaits, m’évitant l’horreur d’essayer le magasin en entier, parce que tout se ressemble à mes yeux. Sa magie, c’est de savoir ce que me donnera des airs de prince, à moi, l’ami des clochards. Ça m’impressionne de la voir dans son élément, de me dire qu’elle a trouvé sa voix.
Mon colis est livré et je reçoit un sourire de la plus charmante et la plus bornée des Clarke avant de repartir à travers le campus, vagabond parmi les instruits. Je suis fier de Jules, ma Riley, de vivre ses rêves, mais j’ai du mal à m’imaginer ce qu’un endroit comme celui-ci peut faire pour les miens. Je rêve d’ailleurs, ayant la tête dans les livres faute de savoir comment m’évader de cet endroit. Ils viennent par milliers, acteurs à en devenir, s’installer à Los Angeles, alors que je souhaite simplement en partir. Mes parents s’accrochent à mes pieds, mon frère se pends à ma main, alors que Riley tire l’autre dans une autre direction. Il ne me reste que les histoires inventées pour me faire voyager.
Une jolie brune passe à l’horizon. Je la reconnaîtrais les yeux fermés, les oreilles bouchées. Je lui envoie la main, le bras, le corps suit aussi. En quelques enjambées, elle est à portée de main. « Alice. Hey, oh. Alice. » Que je lance. Les gens autour, les étudiants bien comme il faut, me regardent un peu de haut, tous coincés avec leurs livres dans les mains. Je la prends dans mes bras, la soulevant un peu du sol. Au début, elle me semblait si grande dans sa peau, si solide, que j’ai été surpris de la trouver si légère. Je la repose, un peu embarrassé par mon enthousiasme. Ma main repousse un peu mes cheveux, et je souris comme un con. Elle m’a toujours fait un petit quelque chose, Alice. « Tu vois, c’est le destin. Toi, moi, et la magie du hasard. » Que je lance au vent, mi-amusé mi-sérieux.
Allez Alice, tu vois pas comment mon coeur bats, comment mes doigts veulent se perdre dans tes cheveux, comment je donne ton visage et ta force aux héroïnes des romans. Je me secoue un peu la tête, me disant qu’au moins elle sait que c’est des blagues. Parce que soyons francs, après lui avoir demandé de m’épouser deux douzaines de fois, qui y croirait encore. Elle a ris, la première fois, et c’était le plus beau son que j’avais jamais entendu. C’est le genre de choses qu’on lit, mais qu’on entend jamais raconter. C’est pas masculin de voir la beauté de choses. C’est pas masculin d’avoir des sentiments sans rien attendre en retour. Je sais bien que je suis que le frère de sa meilleure amie, mais c’est déjà bien, d’avoir un peu d’Alice dans ma vie.
Ça va me passer, ça passe toujours. Jusqu’à la prochaine fois.