« Solal il a dit que la drogue, c’était pas très bien. Que si j’allais régulièrement au centre, ils me donneraient des trucs pour arrêter. » Avait bégayé le client tandis que la jeune femme lui avait noué sa ceinture au dessus de l’articulation de son coude. Concentrée dans ses gestes, elle avait tapoté la jonction jusqu’à faire apparaître une veine, chose plutôt aisée, après tout, il suffisait de suivre les trous, le plus dur serait de percer. Elle avait alors soupiré en levant les yeux vers lui, armée de sa seringue. « Solal est un imbécile, tu veux que j’arrête ? » demanda-t-elle en levant un sourcil mais l’héroïnomane hocha négativement la tête en lui tendant son bras. Alors elle l’avait piqué. Un geste précis et net, sans la moindre hésitation. Son esprit était pourtant ailleurs, ce n’était pas la première fois qu’on lui parlait de Solal, Solal le beau, Solal le gentil, Solal le Saint-Bernard, Solal le héros de ces bas fonds de la population. Ouais Ouais à d’autres. Elle ne le connaissait pas vraiment mais elle savait de qui il s’agissait, ce qu’il étudiait et sa foutue gueule de Bon Samaritain. Au début, elle n’avait rien eu à lui reprocher, il pouvait bien faire ce qu’il voulait, mais quand cela touchait son business, là elle commençait à grogner. D’accord, l’héroïne ce n’était pas trop son domaine, elle préférait largement se concentrer sur les drogues festives pour les étudiants lors de leurs soirées mais malgré tout, elle aimait bien ces vieux petits junkies. Après tout, elle était un peu comme leur infirmière, elle venait égayer leur journée par sa présence et en plus, elle leur apportait leur ration, n’était-elle pas adorable ? Pas aux yeux de Solal en tout cas, ce dernier l’avait plus d’une fois regardé bizarrement, comme si c’était de sa faute à ELLE si le monde ne tournait pas rond. Mince alors, ces junkies étaient tout majeurs et tatoués, elle n’était pas de la Croix Rouge, ils n’avaient qu’à prendre leurs propres responsabilités.
Voilà telles étaient ses activités la nuit dernière et en toute franchise, elle n’y pensait déjà plus tandis qu’elle suivait les cours d’architecture en compagnie de Simba. Quel comble que son camarade de classe toit également un client régulier, à vrai dire, elle n’aimait pas trop cela, mais il était au courant qu’au moindre mot, elle lui casserait la figure. Et elle avait confiance en elle, Sheinead l’entrainait. Malgré cette attitude déroutante, Vic n’était pourtant pas un monstre et physiquement, elle ne sortait pas franchement du lot, ses cheveux châtains bordaient son visage de poupée de porcelaine tandis qu’elle s’habillait d’un style Vintage lui donnant un petit air d’extraterrestre en ce monde de modes, mais elle assumait ses robes, son Liberty et son air de fillette des champs. Et cela lui allait à merveilles. Et malgré son agacement vis à vis de Solal durant la nuit, sa journée avait bien commencé, Vic était de celles qui pensait que le positif attirait le positif, alors elle souriait quoiqu’il puisse arriver et n’imaginait que de bonnes choses, profitant de chaque petit plaisir de la vie. Et justement, ce matin faisait parti de ces jours heureux. Vêtue d’un pantalon beige, d’une chemise liberty blanche aux motifs bleus, de chaussures à talons hauts, elle avait attaché négligemment ses cheveux dans son dos lui donnant un petit air champêtre aussi sauvageon qu’adorable. Parce que oui, pour les hétéros, Vic n’était pas hideuse à regarder, c’est Sweeney qui l’avait dit même.
Installée dans la cafétéria, un de ses professeurs étant absent, la jeune femme étudiait un bouquin théorique sur la mesure des angles, installée seule à une table près de la fenêtre afin de profiter des rayons de soleil. Dehors il avait beau y avoir grand soleil, il faisait malgré tout un froid de canard. Levant un instant les yeux de son livre, elle croisa le regard de, je vous le donne dans le mille : Solal. Bon sang, ne pouvait-il pas se contenter de rester figurant dans les mots des junkies, genre une sorte de Kaiser Soze ? Non, fallait qu’en plus, il vienne se matérialiser à quelques pas d’elle. Voilà qu’il arma son visage trop parfait d’un large sourire. A sa réflexion, elle eut malgré tout un petit sourire amusé : « Solal, ne te fatigue donc pas, tu es parfait » répondit-elle sur un ton égal au point qu’il en fut difficile à démêler le vrai du faux. « Toujours à trainer dans mes pattes à ce que je vois. ». Sur ces mots, elle attrapa sa pêche et croqua dedans, savourant la chaire ferme du fruit et son jus sucré. Elle le regarda à nouveau avec un petit sourire énigmatique. « Tu en veux ? Elles sont délicieuses. » Un petit air de défi dans son regard.