Oh non, pas toi ! Ϟ Danny & Anaeli

Anaeli bailla en s'étirant dans son lit. Encore épuisée de sa soirée de travail, la jeune femme se força à sortir de son lit. Elle n'avait cessé de repousser le moment fatidique où elle devrait enfin poser ses pieds sur le sol froid de sa chambre. Mais elle ne pouvait pas faire autrement, Ana avait un projet à réaliser. Etudiante en psychologie, elle devait étudier sur les différents traumatismes que pouvaient subir un cerveau avant l'âge de cinq ans et ce que cela pouvait causer dans la vie d'un être humain... Autant le dire, Anaeli était partie pour avoir beaucoup de boulot et pas assez de temps, ni d'énergie.

Dans la salle de bains, Anaeli se demanda qui lui serait assigné pour l'aider dans son projet. D'habitude, elle préférait nettement être seule. La jeune femme se punissait pour des erreurs passées en restant seule. Elle ne sortait que pour les cours et le travail. Le reste du temps, la jolie brunette était chez elle, devant la télé ou dans ses bouquins. Personne ne comprenait pourquoi elle se faisait ça...
Une fois prête, Ana sortit de chez elle et se rendit à l'université. Elle marchait rapidement sans vraiment regarder autour d'elle pour ne pas être en retard. Une fois arrivée, elle se dirigea directement vers la salle d'études, le point de rendez-vous avec la personne qui devait l'aider. Elle alla s'asseoir tout au fond de la salle, tête baissée. Elle avait toujours était un peu timide, le peu de personnes présentes dans la salle l'intimidait. Pour se donner un peu de contenance, elle se mit à sortir ses notes et ses livres devant elle. Ce n'est que pour la fac et rien d'autre Ana, se rassurait-elle. Non, elle faiblissait pas dans sa sanction qu'elle s'était infligée alors pourquoi se sentait-elle coupable ?

« Dan’ !! » Je m’arrête de marcher dans le couloir avant de me tourner vers Louise en souriant faiblement, une main dans la poche, l’autre tenant des dossiers. « Hm ? » J’observe la blondinette comme si ce qu’elle peut me dire m’importe peu, ayant encore son rejet en travers de la gorge. Quelle princesse à la con parfois celle-ci. Ou moi, je ne sais pas vraiment. « J’ai… besoin de toi. » Oh, oh, oh ! Ma curiosité se fait piquer au vif et finalement, je croise mes bras pour mieux ancrer mes pieds dans le sol, avoir une position droite et fière. Je suis un véritable paon quand on y pense. « J’ai un souci personnel, je dois vraiment aller gérer ça mais… Je devais prendre une étudiante en tutorat mais là, j’peux pas, s’il te plait. » Je regarde le dossier qu’elle me tend. « Tu sais combien j’en ai déjà en tutorat ? » Son air irrité m’amuse et lorsque je la vois serrer les dents, j’attrape malgré tout le dossier avant de sourire un peu. « Ça te vaudra une soirée ! » Je hausse les épaules dans un sourire cucul, concon avant de filer plus loin. « Elle est en salle d’études ! » Je lève un bras pour signifier que j’ai bien compris avant de me mettre en marche, soupirant malgré tout, pour une fois que j’avais une petite journée devant moi. Après avoir récupéré deux cappuccinos à la salle des profs, j’entre dans la salle rapidement à la recherche de quelqu’un et lorsque je vois la brunette, mon sourire s’étire infiniment. Le destin fait bien les choses parfois. « Anaeli Marquez. » Je ne dis en lisant le dossier. « Eh bien, je sais ton nom au moins maintenant. » Je pose le cappuccino devant elle, gardant le mien en main avant de m’asseoir à ses côtés. « Prête à travailler ? »

Anaeli avait beau tenter de se déculpabiliser, elle avait bien du mal. Mais pourquoi se faire autant de mal ? Elle avait fait une erreur mais elle ne pouvait pas la payer tout au long de sa vie. Et puis, malgré ce qu'elle prétendait, la jeune femme se sentait extrêmement seule. La solitude avait des points négatifs et l'un d'entre eux était la peur de devenir folle à force de rester seule. Parfois, elle se surprenait à parler toute seule ou avec un objet... Il fallait qu'elle se sorte de cette situation... Pourquoi d'autres arrivaient à vivre avec leurs erreurs et pas elle ?

Tout en songeant à cela, la jolie brunette sortait ses affaires et les déposait sur la table tout évitant soigneusement de croiser le regard d'un des étudiants présents. C'était une cause perdue, peut-être qu'elle n'arriverait jamais vraiment à oublier, à se pardonner surtout... Ana soupira en se laissant aller contre le dossier de sa chaise. Elle en aurait pleurer de frustration mais c'était totalement ridicule. Elle était la seule responsable de son malheur... Finalement, elle se décida à sortir son ordinateur portable. Elle l'avait pris juste au cas où elle aurait besoin de faire des recherches ou qu'elle en aurait marre d'écrire à la main. Elle le déposa sur la table face à elle, lorsqu'elle remarqua un jeune homme qui s'avançait vers elle... Son coeur se mit à battre furieusement contre sa poitrine. Danny. C'était un jeune homme qu'elle avait rencontré un soir... Non pas qu'elle ne l'aime pas mais... Elle ne supportait pas son air parfois arrogant. Il avait tenté de la draguer mais malheureusement pour le jeune homme, Anaeli, trop timide, l'avait complètement rembarré.

Ana se mit à espérer qu'il ne l'avait pas remarqué mais en voyant les deux gobelets qu'il tenait dans la main et son sourire immense, elle comprit que le hasard avait décidé de les réunir à son grand désarroi. « Oh non, pourquoi moi ? » se dit-elle dans un murmure. Preuve qu'elle avait bel et bien besoin de sortir de sa solitude. Lorsqu'il vint à sa rencontre, la jeune femme comptait l'envoyer une nouvelle fois balader... Jusqu'à ce qu'il lui demanda si elle était prête à travailler. Ses yeux s'écarquillèrent de surprise. Alors comme ça, c'était Danny son tuteur... Jusque là silencieuse, la jeune femme ouvrit enfin la bouche. « Je n'aurais jamais pensé un seul instant que toi, tu puisse être tuteur... Tu es sûr de vraiment l'être ? » Peut-être que les apparences étaient souvent trompeuses mais la jeune femme n'arrivait pas à croire que le mec un peu lourd qui l'avait abordé une nuit puisse l'aider en quoi que ce soit...

Anaeli l'observa s'installer face à elle. Chiant ou non, elle ne pouvait nier qu'il était mignon. Mais rapidement, sa culpabilité la sermonna. Déjà qu'elle avait bravé un interdit en allant en soirée, elle n'allait pas en plus jouer les séductrices. D'autant plus qu'elle avait un projet à faire.

Lorsque je vois sa tête dépitée, je tire la gueule instantanément. Elle n’est vraiment pas contente de me voir ou quoi ? J’ai l’impression d’être le croque-mitaine face à la belle petite princesse qui a peur de se faire dévorer. Aish…. Comme si j’étais si vilain que ça. Maintenant, j’ai le droit à la bouille bien surprise. Bah quoi ? Je suis sérieux non ? J’ai une tête sérieuse. Enfin, j’espère…. « Je n'aurais jamais pensé un seul instant que toi, tu puisses être tuteur... Tu es sûr de vraiment l'être ? » « Mweo (quoi ?) » Oui, le coréen revient rapidement dans ma bouche quand je suis surpris ou en colère et pour le coup, j’avais envie de la tuer. Babine levée, je grogne silencieusement à son intention avant de poser les gobelets et ce que j’ai en main. « Parce qu’il te faudrait mon CV pour que tu me crois ? » Genre quoi ? ça serait une technique de drague débile ? Rah les chieuses. Les femmes sont toutes pareilles. Je croise mes bras d’un air courroucé avant de soupirer en la regardant. « Pour ton information belle gosse, je suis en huitième année de neuropsgychologie ! Donc oui, je suis sûr d’être un tuteur et si tu veux encore plus de preuves, je pense que ça suffit ! » Je lui montre mon badge accroché à la ceinture de mon pantalon avant de prendre le dossier en main pour regarder sur quel projet elle devait bosser avec Louise avant de me rétracter. « Ecoute… On est partis sur une mauvaise base toi et moi. » J’avale une gorgée de café avant de lui tendre la main, puis de finalement lui saisir la sienne pour la sortir de sa surprise existentielle. « Je m’appelle Danny Chang, je suis assistant professeur depuis la rentrée et donc tuteur pour certains travaux. » Je lâche sa main doucement. « L’université, c’est l’université. Je ne serai pas en Doctorat si je ne savais pas de quoi parle mon domaine tu crois pas ? » Je lui offre un petit sourire. « Alors décrispe-toi, je suis pas là pour t’enfoncer mais pour t’aider à avoir ton année. »

S'il y avait bien une chose qu'Ana détestait c'était son visage bien trop expressif. Elle avait beau mentir, tout se lisait sur son joli minois. Alors en voyant la tête que tirait son tout nouveau tuteur, Anaeli comprit qu'il avait deviné tout ce qu'elle ressentait grâce à ses expressions. Si elle avait pût, elle se serait donnée des claques mais il y avait des chances pour qu'elle se fasse passer pour une folle. « Pardon ? » demanda-t-elle. Elle n'avait pas compris ce qu'il avait dit... A moins qu'il ne se parle à lui-même comme il lui arrivait souvent de le faire. Soudain, il avait l'air irrité. Anaeli se renferma aussitôt sur elle-même. Elle ne voulait pas le blesser ou encore moins l'énerver. Mais pour sa défense, Ana n'avait pas rencontré Danny dans les meilleures circonstances ! Du coup, elle avait gardé à l'image qu'il était le dragueur un peu lourd... En l'entendant l'appeler "belle gosse", Anaeli sentit son visage rougir instantanément. Elle baissa la tête dans l'espoir qu'il n'avait rien vu. Néanmoins, elle leva les yeux pour le regarder. Bon ok, il était bel et bien tuteur, donc elle avait gaffé. D'une toute petite voix, elle lui dit alors « Excuse-moi, je ne savais pas...  ». Oui, elle savait reconnaître ses torts. Même si ça lui arrachait la bouche de le faire. Finalement, le jeune tuteur lui proposa de repartir de zéro. Il lui tendit la main... Anaeli regarda sa main, toujours rouge. Elle lui serra la main en tremblant. Elle s'était faite violence pour lui serrer la main. Elle qui voulait rester totalement seule afin de se punir, elle avait bien du mal à s'y tenir... « Ana... Anaeli Marquez.  » dit-elle doucement. Elle baissa les yeux. Lorsqu'il lui lâcha la main. Elle se frotta les bras en se sermonnant. Ce n'était que pour ses études, rien de personnel. Comme s'il avait lu dans ses pensées, Danny lui fit la même remarque. Elle hocha la tête. Ana devenait folle. Rien que cette idée de se "punir" prouvait qu'elle ne tournait pas rond !

« Excuse-moi, je ne savais pas... » C’est sûr, elle ne pouvait pas savoir et entendre sa petite voix suppliante a l’effet de me calmer dans mon envie de grogner. Elle semble fragile comme une poupée de porcelaine qui est sûr le point d’être brisée et qui n’attend qu’une bourrasque de vent pour tomber de son piédestal. C’est fou, en soirée, je ne remarque jamais vraiment ce genre de détails comme si j’abandonnais mon cerveau à l’université, mais une fois posé dans cette salle avec elle, c’est flagrant de voir qu’elle n’est pas vraiment bien dans sa peau. Ma tête se penche sur le côté pendant que j’essaye de la décrypter (ce qui est loin d’être facile) et entre nous, je ne vois rien de très bon. Je ne sais pas si c’est parce que j’ai l’habitude de côtoyer des personnes qui vont mal, mais cette fille m’intrigue au plus haut point. « Ana... Anaeli Marquez. » Je hoche la tête, je le sais déjà son nom vu que je l’ai mentionné avant, mais cette façon de s’introduire, ce n’est pas le must à vrai dire. Une fois installé à ses côtés, je vois qu’elle doit travailler sur la maladie d’Alzheimer, mon terrain de prédilection, étonnant qu’on ne m’ait pas demandé avant de la prendre en charge. « Ce cher Alzheimer… » Je pousse un soupir avant de sourire longuement et de commencer à lui expliquer tout ce qu’elle doit savoir sur cette maladie. La découverte, l’évolution, les symptômes, ce que ça cause chez les gens, ce qu’on essaye de faire pour améliorer ça, ce qui est le mieux pour les patients et lorsque j’arrête enfin mon speech, il y a presque trois heures qui se sont écoulées et la salle s’est totalement vidée. « Wow…. » je me masse la nuque avant de m’étirer dans un baillement. Le temps passe trop vite quand je parle de ça mine de rien. « J’ai beaucoup parlé. » Je ris un peu avant de croiser mes bras. « Petite pause. » J’étends mes jambes en baillant encore avant de la regarder. « Pourquoi tu es aussi renfermée ? » Je la regarde attentivement. « Je dis pas ça pour fouiller ouvertement ta vie, mais si tu veux vraiment percer dans la psychologie, ton côté timide et renfermé te desservira totalement. Les patients s’en serviront contre toi. Je dis ça comme un conseil, mais comme on dit : si tu veux aider les autres, aide-toi toi-même d’abord. » Je me lève pour faire quelques pas avant de me poser sur une table directement, comme un sale gosse mal élevé.

Anaeli s'était renfermée comme une huître. Elle avait beau tenté de s'ouvrir, elle se rappelait presque instantanément qu'elle ne pouvait plus se permettre d'être aussi insouciante qu'avant. Elle risquait de causer à nouveau du tort à quelqu'un. Et elle en avait assez fait. Ana baissa la tête incapable de soutenir le regard du jeune homme plus longtemps. Puis, il se mit à lui parler de la maladie d'Alzheimer. Intéressée, la jeune femme ne l'interrompait que pour demander plus d'explications. Elle notait ce qu'il lui apprenait, surlignait ce qui lui semblait important et écoutait ce qu'elle savait déjà. Bref, elle se comportait en étudiante studieuse. A tel point que le temps passa sans que ni lui, ni Anaeli ne se rendent compte du temps qu'ils avaient passé ensemble. Danny lui proposa alors une pause. Ana hocha la tête silencieusement, évitant soigneusement son regard. Manque de chance pour elle, Danny avait bien vu qu'elle était très mal à l'aise et il lui demanda pourquoi elle était si renfermée. Anaeli leva la tête de ses feuilles et ouvrit la bouche sans trop quoi savoir dire ce qui donna un : « Euh... Bah... ». Puis, elle se tut en rougissant. Si Danny savait... Anaeli n'était une fille aussi timide et réservée. Non c'était une pile électrique incapable de rester sur place, qui adorait s'amuser et boire. Elle aimait faire chier son monde et rendre service. Mais depuis ce malheureux incident, Ana avait eu un traumatisme et... Etre seule ne l'aidait absolument pas, contrairement à ce qu'elle voulait se persuader. « Je... Je n'ai pas toujours été comme ça...  ». En parler ? Pourquoi faire ? Ca n'effacerait pas ses erreurs. Et puis si elle voulait vraiment en parler, elle aurait fini par suivre ses thérapies que le médecin lui avait prescrit. Anaeli ne voulait pas en parler. Elle ne voulait pas y faire face, en fait, elle préférait porter sa croix toute seule. « C'est juste un peu de timidité, rien de plus.  » dit-elle en essayant de se donner un peu plus d'assurance.

« Euh... Bah... » « Réponse très éloquente Miss Marquez… » Je croise mes bras tout en l’observant alors qu’elle semble lutter pour reprendre de la consistance et un semblant de dignité. On ne peut pas lui retirer le fait d’essayer au moins, mais ça se sent gros comme une maison qu’un poids pèse sur ses épaules. « Je... Je n'ai pas toujours été comme ça... » Oh vraiment ? Il s’est passé quoi pour qu’elle le devienne alors ? Je sors mon regard d’aigle en chasse tout en croisant mes bras. Elle ne va pas m’échapper facilement, Foi de Chang. « C'est juste un peu de timidité, rien de plus. » Et là, j’ai un bon rire, parce que je me fous ouvertement de sa gueule pour le coup. « De la timidité. A d’autre Marquez. » Je la regarde fixement. « Tu peux gruger qui tu veux, mais pas un neuropsy. » Je serai bien mauvais dans ma branche si je ne savais pas déceler ce genre de choses à vrai dire. Elle ressemble tellement à une gosse mal à l’aise qui semble lutter intérieurement et constamment. Je me lève pour aller fermer la salle d’études qui était restée entre-ouverte depuis qu’un élève en est sorti avant de revenir vers elle et de me poser sur la table face à elle, tout en joignant mes mains dans un air sérieux et un peu protecteur. « Tu sais, je suis sérieux quand je te dis que tu vas te faire bouffer si tu ne changes pas. Comment tu veux aider les autres si toi-même, tu vas mal ? » Je ramène la chaise devant moi pour y poser mes pieds. Quand on devient assistant, on se permet plus de choses n’empêche. « Je suis que ton tuteur, t’as le droit de m’envoyer chier, j’comprendrai, mais tu veux me parler, tu peux. » Je fais une petite moue dubitative. « Dans tous les cas, je pense que tu as besoin de parler avec quelqu’un. »

La jeune femme avait beau se convaincre qu'elle n'avait pas besoin de parler, Anaeli savait très bien qu'en réalité, elle en avait besoin. Sinon, elle s'en remettrait jamais. Mais pour le moment, elle n'avait pas la force d'en parler. Donc, elle se murait dans un silence à chaque fois qu'on lui demandait ce qui lui arrivait. Et lorsqu'elle répondait, c'était pour expliquer qu'elle était timide mais que ça s'arrangerait plus tard. Généralement, ses interlocuteurs n'insistaient pas et la laissait dans son silence. Mais Danny semblait plus obstiné. Mais il le lui avait fait remarquer, c'était un neuropsy... Donc, il sentait bien qu'elle cachait quelque chose de plus profond... Plus elle l'écoutait parler et plus elle se sentait mal. Elle se mit à jouer avec les manches de son gilet. Il alla fermer la porte. Ana comprit qu'il n'allait pas la lâcher tant qu'elle n'aurait pas craché le morceau. Elle soupira en passant ses mains sur son visage puis dans ses cheveux. Elle se sentait épuisée, comme si elle avait couru toute la journée... « Je ne sais pas comment je ferais... En fait, je ne me suis jamais posé la question... ». Encore une personne qui lui affirmait qu'elle avait besoin de parler. A quoi bon ? Ca n'arrangerait pas la situation. Et puis, depuis qu'elle en avait à Jules, son frère ne cessait de lui faire du chantage... Elle n'en voulait pas à Jules, c'était sa seule véritable amie mais... C'était peut-être un signe... « On m'a dit que je dois voir un psy... Mais je n'ai aucun problème psychologique. Je n'ai pas besoin de consulter ». Anaeli observa Danny qui semblait réellement vouloir l'aider. Elle en était touchée mais elle ne pensait pas qu'il l'aiderait. Personne ne pouvait l'aider ! Enfin, c'est ce qu'elle pensait...

« Je ne sais pas comment je ferais... En fait, je ne me suis jamais posé la question... » Et beh moi je sais qu’elle se fera dévorer toute crue qu’elle le veuille ou non et le pire dans tout ça, c’est qu’elle est bonne élève, elle ferait sans doute des bonnes choses en psychologie si elle se donne avant tout, les moyens de guérir. Perplexe, je continue de la regarder, bras croisés en réfléchissant à comment aborder la chose. « On m'a dit que je dois voir un psy... Mais je n'ai aucun problème psychologique. Je n'ai pas besoin de consulter » Je mords ma lèvre pour ne pas lui coller une mini claque sur sa tignasse brune. Vraiment, j’vais finir par la tuer cette belle gosse. Je frotte mon front doucement. « T’as déjà dû voir que ce sont les personnes qui appellent le moins au secours qui sont les plus traumatisées non ? » Je remue mon nez de gauche à droite tout en la fixant. Qu’est-ce qui a pu se  passer dans sa vie pour que ça soit comme ça hein ? Songeur, je penche la tête sur le côté avant de sourire doucement. « Un psy, ça coûte cher, un tuteur sympa qui peut t’aider gratuitement, c’est p’t’être pas si mal. » Je hausse les épaules doucement. « Il s’est passé quoi Ana ? Qu’est-ce qui t’a rendu si terne, si passive envers toi-même et le monde ? » Parce que oui, elle est totalement passive, éteinte, comme incapable de vivre proprement pour elle-même.

Anaeli se mordit la lèvre. Elle savait très bien que Danny avait raison. Ceux qui avaient besoin d'aide étaient ceux qui rechignaient à demander de l'aide. C'étaient ceux qui arrivaient à se persuader que tout allait bien quand ils avaient la sensation que le monde s'écroulait sous leurs pieds. Mais même en sachant ça, Ana n'avait pas l'intention de se livrer. Du moins, c'est ce qu'elle pensait. Danny ne lâchait pas l'affaire. Sauf que lorsqu'il lui demanda ce qui l'avait rendu si éteinte, la jeune femme eut l'impression de recevoir un coup de poing en pleine face. Anaeli n'était pas aveugle, elle savait qu'elle n'était plus la même. Seulement, elle pensait sincèrement donner l'impression d'être timide, réservée, distante. Mais jamais elle ne pensait donner l'impression d'être passive...
C'était bien la première fois qu'on la qualifiait ainsi. Sa famille l'avait elle rendu aussi éteinte et perdue ? Ana se mordit la lèvre pour retenir ses larmes... Finalement, elle leva la tête et dit d'une toute petite voix où la honte et la culpabilité se faisaient entendre. « Il y a deux ans... J'ai... ». Anaeli sentit ses larmes monter. Elle avait réussi à en parler à Jules et Jersey. Mais il faut croire qu'elle n'arrivait toujours pas s'y faire... Avouer ce qu'elle se reprochait était encore trop dur. Sûrement parce qu'elle ne se pardonnait pas cette erreur... Sa famille avait fait ce qu'il fallait dans la tête de la jolie brunette pour que jamais, elle n'oublie. « J'ai dû avorter... Et... Je n'arrive pas à oublier... Je n'ai pas le droit d'oublier... ». Anaeli laissa ses larmes couler sur ses joues. Sa famille n'avait pas été un grand soutien pour elle. Au contraire ! Ana qui s'en voulait déjà de devoir avorter, avait dût subir les insultes et les reproches de sa famille. Elle avait finit par s'en aller mais leurs paroles restaient. Anaeli était une honte, Dieu la punirait pour cette faute impardonnable. Leur lavage de cerveau avait été si intense qu'aujourd'hui, Anaeli n'était plus que l'ombre d'elle-même.

« Il y a deux ans... J'ai... » Oh vraiment, elle parle ? C’est pas une blague ? Bras croisés, je reste attentif alors qu’elle semble au bord de la dépression. Ses grands yeux de biche s’inondent rapidement et sa voix va de trémolo en murmure. Aish, ça sent pas bon ça, c’est vraiment important ce qui lui pèse sur le cœur. « J'ai dû avorter... Et... Je n'arrive pas à oublier... Je n'ai pas le droit d'oublier... » Mweo… ? Finalement, je descends de mon perchoir et me pose sur la chaise, face au dossier pour y déposer mes bras, mais surtout, face à elle. Je n’ai jamais été très conventionnel comme psy, j’aime faire parler les gens dans un environnement qui se veut familier, intime, c’est souvent ça qui marche le mieux à vrai dire. « Tu pourras jamais oublier, que tu en aies le droit ou pas, ça ne change rien, tu n’oublieras pas parce que ça t’a marqué et c’est normal. » Je mords à nouveau ma lèvre, finalement, c’est un sujet sérieux qui la ronge. « Avorter… » Je masse mon front doucement. « Avorter, c’est un droit, c’est pas un crime. » Je l’observe et lui offre un sourire rassurant. Du moins, j’essaye. « Si le fait d’avorter était TA décision à ce moment précis, alors c’est que c’était la chose à faire… Mais si on t’y a forcé, alors ce n’est pas contre toi que tu devrais être en colère. » Je remets la chaise correctement pour me poser un peu mieux face à elle. « Les pressions de la famille ou de la société font parfois plus de dégâts que l’acte en lui-même… N’est-ce pas ? » J’essaie d’accrocher son regard de jeune fille coupable et perdue.

Anaeli n'osait même plus regarder son tuteur. Elle se sentait si honteuse... Ses larmes coulaient mais elle continuait de les refouler. Si vraiment la jeune femme se laissait aller, elle s'écroulerait et peut-être qu'elle ne se relèverait pas. Elle se contentait d'hocher la tête sans vraiment savoir quoi répondre. Ce qui la rongeait un peu plus chaque c'était cette culpabilité. Dans le fond, Ana savait très bien qu'elle avait eu raison d'avorter. A l'époque, la jeune femme n'aurait jamais pu s'occuper seule d'un bébé. Mais la réaction de sa famille l'avait tout simplement achevé. Elle était croyante donc l'avortement lui avait fait mal mais elle savait qu'elle s'en remettrait... Mais sa famille l'avait si bien conditionné qu'elle avait fini par se dire qu'elle méritait l'isolement qu'elle s'infligeait. Au final, la jeune femme était une autre. « Ils pensent que je suis une honte... Je suis la seule fille d'une famille de catholiques pratiquants... Tu imagine ce qu'ils ont put penser de tout ça... ». Anaeli tentait de paraître forte. Elle essuya ses larmes et se redressa sur sa chaise. Malgré ça, elle n'arrivait pas à donner à sa voix plus d'assurance. Elle tremblait toujours autant, un peu comme si elle était sur le point de tomber. Anaeli se sentait comme faible... « Je sais que j'ai pris la bonne décision. Si je l'avais gardé, j'aurais été tout aussi mal vu et en plus, je n'aurais pas pu subvenir à ses besoins... Mais ma famille a été horrible... Je suis venue ici pour couper les ponts avec eux. Je... Je ne veux plus entendre parler d'eux... ». On aurait pût croire que c'était une ado rebelle qui parlait. Non, c'était une adulte. Anaeli ne voulait plus rien de sa famille. A tel point, qu'elle avait tout fait pour partir sans leur aide. Elle avait changé de numéro et était partie un jour sans jamais rien dire à personne. Elle leur en voulait autant qu'à elle-même. Comment pouvaient-ils la traiter comme ils l'avaient fait ? Paradoxalement, elle savait bien qu'ils lui avaient dit les pires horreurs afin de la blesser, de la rabaisser mais au lieu d'avancer Anaeli était restée bloquée sur ces mauvaises pensées. Elle avait fini par ressentir toute la culpabilité que sa famille avait tenté de lui infliger...

« Ils pensent que je suis une honte... Je suis la seule fille d'une famille de catholiques pratiquants... Tu imagines ce qu'ils ont pu penser de tout ça... » Ah les creuvards… Déjà, les parents ne devraient imposer aucune religion à leurs gosses mais les laisser choisir. Ce n’est pas parce qu’on ne met pas de religion en avant qu’on n’a pas de valeurs, au contraire ! Ceux qui savent faire la part des choses sont les gens les plus intelligents de cette foutue planète et entre nous, ils ne sont pas nombreux. « Les gens sont stupides face à l’inconnu. » Parce que l’avortement est un inconnu interdit dans ce genre de clan, un inconnu qui fait peur et qui DOIT être pointé du doigt parce que les autres l’ont décidé comme ça. Ils assimilent ça à un meurtre par acquis de conscience commune, mais c’est stupide. Est-ce que c’est forcément mieux de faire naître l’enfant à chaque fois avec une mère possiblement désemparée et qui deviendra dans 34% des cas, une mauvaise mère, sans mari et qui rejettera la faute sur son rejeton et qui trouvera quand même quelqu’un après des années de galère et qui fera passer ce mec avant son môme ? Je ne crois pas. Sans compter que les violences et maltraitances sont accrues après une grossesse non-désirée. Quelles soient physiques ou psychologiques. Je ne dis pas qu’Ana aurait été de ce genre, elle se serait sûrement battue comme une lionne, mais en toute honnêteté, elle aurait regretté face aux galères et un regret, même partiel, ça fait quand même mal dans le cœur de n’importe quel gamin. « Je sais que j'ai pris la bonne décision. Si je l'avais gardé, j'aurais été tout aussi mal vu et en plus, je n'aurais pas pu subvenir à ses besoins... Mais ma famille a été horrible... Je suis venue ici pour couper les ponts avec eux. Je... Je ne veux plus entendre parler d'eux... » Mes yeux se reposent sur elle, au moins, elle a conscience des choses, mais ses dernières paroles ne vont pas du tout avec son attitude. « Ana… » Je me penche un peu plus vers elle afin de réussir à capter son regard et entre nous, c’est TOUT sauf simple… Ma main passe dans mes cheveux quelques secondes le temps de bien peser mes mots. On m’a assez dit que j’étais trop impulsif par moment et elle est assez fragile comme ça. « Si tu avais vraiment tourné la page… tu ne serais pas dans l’état-là actuellement. T’as juste foutu de la distance entre vous, mais tu agis comme si tu vivais encore sous leur toit. Alors, ça a servi à quoi tout ça ? » Un maigre sourire se dépose sur mes lèvres. « Si vraiment tu veux te couper d’eux, alors envoie bouler ta culpabilité et redresse-toi. Il y a plus d’un million de femmes qui avortent chaque année dans ce pays. Tu n’es pas la seule. » Je croise mes bras doucement. « Je crois que la vraie honte, ça n’a pas été de te libérer de cet enfant, mais ce qui s’est passé pour que tu puisses l’avoir. Il est venu, selon les gens comme tes parents, de pensées et d’actes dégoûtants. Pourtant, ils ont bien dû faire du sexe pour réussir à concevoir leurs gosses. Le mariage ne rend pas ça plus pur. Combien de femmes et même d’hommes sont violé(e)s chaque année par leur conjoint parce que sexuellement, ça ne va pas ? » Je pourrai lui en donner à la pelle des statistiques. « Tu refuses de vivre et d’être jeune à nouveau parce qu’ils ont blâmé surtout ton amusement, la source de ce qui a amené tout ça sur le tapis et qui t’as obligé à faire un acte difficile pour la moitié des femmes de cette planète et pourtant, tu l’as fait en ayant un raisonnement logique. » Une petite pause. « Tu l’as dit toi-même, tu n’aurais pas pu lui offrir une bonne vie en ayant aucun moyen et si tu l’avais eu, ils vous auraient pointé du doigt constamment, et pourquoi ? Encore à cause de l’image sexuelle que ça renvoie ! » Je soupire doucement. « T’as rien fait de mal Ana. T’as vraiment rien fait de mal. Tu es juste une jeune femme qui a goûté à la vie comme n’importe qui et qui n’a pas eu de chance. Tu es une bonne personne à qui il est arrivé de mauvaise choses, ça ne fait pas de toi une salope ou une pute, ni même une tueuse d’enfant. » Ma main vient fouiller ma sacoche et j’en sors des mouchoirs pour lui donner. « T’as déjà été assez « punie » en disant adieu à ton bébé. Arrête maintenant, T’as le droit de vivre, de sourire, de t’amuser, de tomber amoureuse et un jour, de ravoir des enfants et de leur apprendre tout ça pour qu’ils ne souffrent pas comme toi tu as pu tout endurer. »