Tu descends la moitié de ton verre et tu te le reposes bruyamment sur la table. Un sourire orne tes lèvres quand tu croises le regard espiègle de ton élève-pote qui est déjà complètement ivre. Ouais, t’es le genre de prof à se faire payer à boire par ses élèves et non, ça te dérange pas, tu le vis même plutôt bien. T’as rien à te reprocher toi, on te propose à boire, tu vas pas dire non, t’es pas con et vu le salaire de misère que tu gagnes en tant que prof, bon pas tant misère que ça si la moitié finissait pas dans ta conso perso de drogues, mais bon, tu peux pas choisir, t’as besoin de ça pour tenir debout ou juste pour tenir en fait. Il essaie de dire un truc, avec un air sérieux mais c’est trop mortel, t’éclates de rire. Il est tard qu’il te dit, il bosse demain, toi aussi, mais toi, c’est une toute autre histoire. Vous vous enfilez encore deux verres et tu le fous dans un taxi, il te demande si tu veux pas faire le chemin avec lui, non, toi tu vas marcher un peu, l’air frais va te faire du bien, qu’il rentre et se repose. Pour toi, la soirée fait que commencer, alors tu t’en grilles une. Une main dans la poche de ton jean que tu traînes depuis ton adolescence, tu t’enfonces dans les ruelles sombres et malfamées de LA. C’est ton terrain, tu sais où tourner, où prendre à gauche ou à droite, où passer pour gagner du temps pour arriver plus rapidement. Ici, t’es sûr de croiser personne que tu connais, donc plus besoin de te retenir. Tu fais pas attention à ce qui se passe autour, perdu dans tes pensées ; tu te demandes bien contre qui tu vas te battre ce soir, un nouveau il parait, tu l’as jamais vu combattre du coup t’appréhende et t’es excité à la fois, voilà ce que tu recherches, ce vide immense dans lequel tu peux tomber à chaque seconde. Il te fait pas peur, tu aimes juste le défier et si tu finis par t’y casser la gueule, bah tant pis. Au détour d’une ruelle, tu tombes sur une personne couchée au sol, c’est pas la première que tu rencontres et t’aurais sûrement pas fait attention si elle t’avait pas semblé familière. T’écrases le filtre de ta clope contre le mur et tu t’approches, ouais c’est bien Alex, dans un sale état. Tu vérifie son pouls, ouais, il est toujours vivant donc t’inspectes un peu le terrain pour voir ce qu’il cloche et tu te décides à le ramener chez toi, il a beau être blessé, t’es certain qu’il voudrait éviter l’hosto, bah, faudra expliquer ce que cette balle fout dans le corps d’un membre du staff de l’UCLA ce qu’il foutait là et ce que toi aussi tu foutais là. Tu le charges sur ton dos, direction ton appart, heureusement que tu vis pas loin. Tu t’occupes de la plaie comme tu peux et tu te poses dans un coin, joint au bec, attendant qu’il se réveille, des questions en tête.