warm me up and breathe me
Un mot. Une note brève et dégueulasse. Voilà ce qu’avait trouvé Lysander en regagnant sa chambre après une longue soirée à fêter sa victoire. Il venait d’être élu chef des Phi Epsilon et quel événement aurait pu gâcher ce moment intense où il devenait le coordinateur officiel de sa seconde famille ? Certainement pas ça. Il ne s’était pas attendu à ça et pourtant tous les signes avant-coureurs avaient été présents. La longue étreinte de son jumeau pour le féliciter puis son absence que Lys avait attribuée à un simple contretemps. Une nouvelle fois, l’apocalypse faisait s’écrouler le monde du jumeau Foster et cette fois-ci, il n’avait rien à se raccrocher. La main agitée, il luttait pour relire à nouveau l’écriture maladroite de son frère. Sa main tremblait tant. Ses pupilles allaient de gauche à droite, frénétiquement, à la recherche désespérée du mot qui révèlerait la supercherie. Mais rien. Désolé. Pas le courage. Je repars. J’étouffe. Changer d’air. Partir loin. Je t’aime. Il n’eut pas la force de recommencer ses réactions théâtrales. Il n’eut pas la force de chercher à le joindre pour l’inonder d’insultes et de reproches comme il savait si bien le faire. Il n’avait même pas la force d’éliminer ce reflet qui, à nouveau, lui ressemblait comme autrefois. Comment Lukah avait-il pu le quitter une seconde fois ? Comment l’avait-il abandonné à sa liesse pour lui laisser la solitude comme unique souvenir ? Avait-il prémédité tout ça ? Avait-il prémédité de partir ainsi alors qu’il fêtait sa validation dans la communauté étudiante, qu’il prenait de plus en plus d’ampleurs au sein de ce campus ? Voulait-il le punir d’être heureux ? Les yeux bleus de Lysander se stoppèrent finalement sur son cellulaire, laissé sur son lit. Le papier roulé en boule dans son poing fermé, il s’empara nerveusement de l’objet pour composer le numéro qu’il connaissait par cœur. Alice. Elle saurait peut-être, peut-être s’était-il réfugié chez elle en attendant ? Peut-être. Jusqu’ici, les larmes avaient élues domicile au bord de ses yeux qu’elles côtoyaient tant de fois. Mais refoulées, il n’était pas question qu’elles n’entament leur course habituelle le long des joues rougies par l’alcool. Il était deux heures du matin, et Lys se moquait bien de savoir si sa cousine dormait déjà ou non. Un coup d’œil par la fenêtre lui démontra qu’au loin, quelques lumières de la villa des Alpha étaient encore allumées. Mais point de certitude. Merde les certitudes. Chaque fois qu’une conviction rassurait le cœur de Lysander, c’était pour mieux l’écraser par la suite. De cette déception si aigre, de cette douleur si violente.
Lorsque la voix d’Alice retentit enfin au bout du fil, Lys laissa alors tout déborder. Tout exploser. Alors qu’elle n’était pas même capable de voir sa fureur, elle pouvait déjà l’entendre. « T’ETAIS AU COURANT ?! » Hurla-t-il tandis que son pied envoyait valser chaque meuble et chaque objet dans sa chambre. Le vacarme interpela certains camarades qui n’osèrent pas toutefois aller frapper à la porte, bien trop connaisseurs des débordements émotionnels de leur chef. « VOUS VOUS FOUTEZ DE MA GUEULE C’EST CA ! » Au fur et à mesure qu’il incendiait sa cousine innocente, Lys réalisait peu à peu la situation. Lukah était parti pour une durée indéterminée. Il ne reviendrait jamais. Cette fois-ci, il l’abandonnait bel et bien. Pourquoi alors ce dernier mot lâche ? La bave aux lèvres, il continuait de lui crier dessus au téléphone tout en saccageant la pièce. D’une main, il prit même sa guitare anglaise, la Gibson qu’il avait royalement volée pour son départ aux Etats-Unis. Puis il la frappa contre le bureau, le mur, la porte, l’armoire, les pieds du lit. Il l’éventrait, il la réduisait en miettes comme il aurait voulu anéantir Lukah. Son jumeau, sa moitié, l’être le plus cher à ses yeux. Bien plus important que la musique, son talent, son avenir, tout. « C’EST TOI QUI LUI A DIT DE PARTIR COMME CA ?! C’est toi qui lui a conseillé de me laisser un pauvre mot d’excuse ?! » Au bout du manche, pendait lamentablement les restes de la guitare. Heureusement, la guitare personnalisée que lui avait offerte Peter était au-dessus de son armoire, hors de portée de sa rage destructrice. Lys laissa tomber le cadavre par terre. A ses hurlements se mêlaient désormais les sanglots. « J’ai fait quoi pour que vous me détestiez autant hein ?! » Puis sa voix s’apaisa l’espace d’une seconde pour qu’il la supplie sur un ton étranglé : « Il est parti... »