Lena & Andreas
Carsten Klein a écrit:Ich werde ein wenige Verspätung haben.
Es ist viele Leute auf dem Weg.
Warte auf mich drinnen.
Papa. *
Westwood m'ouvre ses bras quand je reçois ce message de mon père. Au volant de ma voiture, je reste vigilant à la signalisation et au nom des rues que je connais très peu par ici. La richesse des habitants de ce quartier est visible à vue d'œil, aux jardins soigneusement entretenus, aux berlines satinées rangées le long des allées de parking, aux villas qui s'alignent dans une géométrie presque trop propre. Je me permets malgré tout de répondre rapidement à mon père par un “OK” conciliant, puis je repense à ce qu'il vient de me dire. L'attendre à l'intérieur, sachant que je n'ai pas la clé de ce nouveau “home sweet home”. Il m'avait fait un double pour l'ancien appartement à Berlin mais dorénavant je suis en transition, moi aussi. Qui sera là pour m'ouvrir ? Sa nouvelle compagne ? Romy, si ma mémoire est bonne. Ou cette fille. Lena, et là, je suis sûr que ma mémoire ne me fait pas défaut. Il y a tant de choses que papa et moi avons en commun ; il y a entre autre cette tendance à en dire le moins possible sur notre vie privée, intime. Comme si cela pouvait ennuyer quiconque, comme s'il y avait d'autres choses à raconter, d'autres choses qui rendent plus fiers encore. Le travail, les actualités, toutes ces choses-là. Mais la fois où il m'a dévoilé ce prénom, je l'ai enregistré à vie et de façon indélébile. Lena. Le point noir dans cet éclat de lumière. Et de m'imaginer la rencontrer elle avant de pouvoir serrer mon père dans mes bras me fait froid dans le dos. Ça ne devait pas se passer comme ça, mais il paraît que c'est ça la vie, être chamboulé quand on touche de trop près au bonheur. Une question d'équilibre, certains pourraient dire. Foutaises. Ce serait surtout une malchance affreuse.
Au bout d'une dizaine de minutes à zigzaguer d'une rue à l'autre, je gare enfin ma voiture face à la nouvelle demeure Klein. Imposante, claire, presque immaculée. Des touches de couleur ci et là offertes par quelques bacs remplis de terre et de fleurs. Une pelouse plus verte que nature, impeccablement tondue. Le jardinage n'a jamais été son truc, et pourtant il y a une image qui jamais ne s'effacera de ma mémoire ; celle de mon père tenant la tondeuse dans cette tenue qui ne reflète en rien l'homme d'affaires qu'il est au quotidien. Et cette simple image me rappelle toujours qu'une apparence de loup peut toujours dissimuler une autre nature, plus simple, plus douce. Qu'il n'y a rien de problématique là-dedans, puisque c'est là la nature de mon père. Froid de loin, chaud de près.
Mes dossiers professionnels sous le bras, je relève mes lunettes de soleil et les place sur le dessus de mon crâne, avançant sur l'allée de ciment jusqu'à la grande et large porte d'entrée. Mon regard s'aventure sur le côté, vérifiant qu'il n'y a personne à ma vue, mais cela semble être désert. Je me décide donc à appuyer sur le bouton de la sonnette, priant pour que l'hôte soit la nouvelle épouse plutôt que la nouvelle fille. Je n'ai jamais été préparé à avoir une seconde frangine, et croyez-moi cela n'arrivera pas aujourd'hui.
* Je vais avoir du retard. Il y a du monde sur la route. Attends-moi à l'intérieur. Papa.