La nuit de folie que tu venais de passer à te goinfrer de légumes devant la télévision, prisonnière de ta solitude provoquée et de ton besoin de t'évader un peu de tout le monde extérieur, tu étais ravie qu'elle soit terminée. Les yeux gonflés par la fatigue, mais incapable de dormir, tu avais tourné en rond dans le salon de ton appartement, et avait pianoté sur ta manette de TV pour changer et rechanger les postes. Rien de bon à mater, si ce n'était que les films cu-cul des gamins de huit-dix ans. Putain, mais à trois heures du matin, ne devaient-ils pas dormir, ces p'tits monstres? Pourquoi foutaient-ils les Doodlepops sur la chaîne télévisée?
Enfin, au petit matin, tu réalises que t'en as marre de t'enfermer dans ta solitude et que si tu t'es cherchée pendant un bout de temps, ça a assez duré. Tu veux sortir de ce qui est une prison, pour toi. Toi qui aime être entourée ; bien entourée, tu cherches à avoir la compagnie de quelqu'un qui le mérite. Mais qui donc?
Ta lassitude prend fin une fois que tu as ouvert l'option des contacts de ton portable et que ton doigt s'est arrêté sur le nom de Kyros. Uhm.. soit il est dans ses papiers à cette heure, soit il est encore au lit en train de faire la grasse matinée. D'une façon ou d'une autre, il trouverait bien la manière de faire un trou rien que pour toi dans son horaire chargé - ou pas, car tu irais chez lui, et pas ailleurs.
Sans même prendre la peine de te changer ou de camoufler les cernes qui décorent le dessous de tes yeux, tu sautes dans ta voiture d'un rouge flamboyant, pour parcourir quelques rues de la ville et parvenir à son immense logement, seulement quelques minutes après ton départ. Kyros est bien l'un des seuls, à l'exception de RJ et de quelques autres, qui peuvent te voir sans maquillage sans que tu ne perdes ta dignité. Grimpant les quelques escaliers qui mènent à sa porte, tu penses à poser ton doigt sur la sonnette de sorte à ce qu'elle retentisse là où il demeure, et qu'il vienne t'ouvrir, mais en t'essayant peu poliment à ouvrir la poignée, tu réalises qu'elle s'ouvre sous ta manœuvre. Quelle vilaine habitude que celle de laisser déverrouillée la porte d'entrée principale de sa maison. Haussant les épaules, tu ne te gênes pas pour entrer en criant son nom dans la demeure. T'en as rien à faire de le réveiller lui ou quelconque autre personne présente chez lui. Pas de réponse. Soupirant, tu te diriges précipitamment vers sa chambre, dont tu connais le chemin du bout des doigts et les yeux fermés, certaine de le retrouver écrasé là, dans son lit, torse nu dans ses allures de dieu grec. Mais ce que tu découvres là, dans ce même lit, n'est pas ce à quoi tu t'attendais. Enfin, à quoi d'autre aurais-tu dû t'attendre? Kyros est un tombeur, un coureur de jupons, et quand il s'ennuie - même quand il ne s'ennuie pas, il n'a qu'à claquer des doigts pour ramener une fille chez lui et passer la nuit avec. Un peu comme toi, en réalité. Non... Rectification : tout à fait comme toi. Tu poses tes poings sur tes hanches en te râclant la gorge. Dommage qu'elle soit moche, j'me serais proposée pour me joindre à vous.., rigoles-tu entre tes dents, assez fort pour voir la demoiselle sursauter et se recouvrir des draps, et apercevoir Kyros sortir des bras de Morphée. Toi, dégage parasite., siffles-tu en t'adressant à la demoiselle qui ne doit rien comprendre de son réveil brutal..