Where the heart is • Heyden

Un long soupir m’échappe lorsque je lance le bâton à Hawai au loin avant de me poser avec difficulté sur la couverture étendue au sol. Tout change. Tout a un goût amer. Il l’aime. Il m’aime. Il sait ce qu’il veut au moins ? Moi je savais, je l’avais sous les yeux, dans mon lit, dans ma vie jusqu’à présent. Depuis le début, j’étais sûre, mais maintenant ? Un petit coup de pied me sort de mes pensées et je caresse mon ventre prêt à exploser avant de voir le golden retriever revenir. Ça va se passer comment maintenant ? Je vais rester dans l’appartement, il va revenir ? Aller chez Toma ? Je ne sais pas. Je ne sais plus si j’ai envie de le voir franchir le seuil à nouveau. Je me sens trahie, salie et pourtant je l’aime, oui, vraiment, je l’aime. Une larme m’échappe et je l’essuie brièvement avant de lancer à nouveau le bâton au chien, puis d’attraper un livre dans mon sac à main. Mordant mes lèvres, je ne peux m’empêcher de penser à Ayden. Est-ce qu’il viendra ? Je ne dois pas trop me faire d’illusion, il est peut être occupé. Sûrement même. Je n’ai pas à réclamer son attention, j’aurai pu voir quelqu’un d’autre sûrement. Je sais que Maggie serait la première pour me chouchouter, mais avec elle, je risque de pleurer continuellement quant à Madison, elle choisira sans doute facilement son camp, et sans doute pas le mien. Un autre soupir. Hawai revient et s’allonge, je lui caresse la tête avant de faire pareil en trouvant une position confortable, laissant Leo gigoter à son aise, quoi que, il doit manquer de place le pauvre maintenant. Une branche craque et je redresse le nez avant de sourire à Ayden. « Hey… » Et de me remettre assise avec un peu de mal.

L’appel prenait une tournure que je n’appréciais pas. Encore une fois, on me demandait de choisir, de prendre des décisions concernant l’entreprise familiale. Ce dont je ne me sentais pas capable, ce dont je ne m’étais jamais senti capable … Ce n’était pas mon empire. Je n’avais rien construit et je pouvais tout détruire en un claquement de doigt. « Mais pourquoi je vous paye si vous n’êtes pas capable de prendre des décisions par vous-même ? » A bout, en désespoir de cause, le ton montait, se faisait agressif et pour couper court à cette discussion qui ne servait qu’à me mettre mal à l’aise, je raccrochais sans sommation. Avant de dire un mot de travers … Avant de ne plus savoir quoi dire. Nerveusement, j’effectuais quelque pas dans la pièce quand le téléphone sonna de nouveau. La rage au ventre je reposais mon regard sur l’appareil pour y découvrir le nom d’une jeune femme qui n’avait rien à voir avec l’entreprise familiale ou encore N.Y. Apaisé, je lisais les mots de la jeune femme qui me donnait rendez-vous au parc. C’était exactement ce dont j’avais besoin : elle. Cette fille au visage fin, au sourire doux et au regard pigmenté de nostalgie. La même nostalgie que les plus observateurs pouvaient déceler dans mes propres prunelles. Elle m’intriguait autant qu’elle me calmait, elle avait ce don-là Héloise.

Sans hésitation, je rejoignais le parc et la cherchait sur l’herbe. L’ombre d’un chien me guida jusqu’à elle, allongée. « Hey », lui répondais-je dans un sourire. « Ça ne vous dérange pas si je m’assoie à côté de vous ? L’herbe a l’air sympa là où vous êtes … » Bêtement, je souriais à nouveau, plus franchement, peut-être pour la faire sourire elle aussi, peut-être parce que ses yeux aujourd’hui parlait de tristesse.

Je le regarde en arrivant à me remettre bien droite sur mes fesses, non sans mal. J’aime être enceinte, ça a été vraiment agréable, mais ce dernier mois est bien difficile, même si je n’ai pris que 7 kilos au final. Un sourire tendre se dessine sur mon minois que je hoche rapidement avant de me pousser un peu plus pour lui faire de la place, obligeant Hawaï à se poser dans l’herbe à nos côtés, ce qui le fait ronchonner. « Sale ours va. » Je ris un peu avant de regarder le jeune homme en m’installant en lotus pour laisser de la place à mon fils. Je prends le panier à mes côtés et le met entre nous. « Des jus et des fruits ! » Un regard vers lui, je me sens rougissante, alors je détourne doucement ma tête en voulant la cacher avec mes longs cheveux avant de me rappeler que je les ai attaché en une tresse fouillon. Et puis, mon chapeau m’aide aussi à me cacher un peu après tout. Je lui tends à boire avant de lui sourire. « Merci d’être venu… » Sincèrement. J’avais besoin de me vider la tête un peu. « On peut se tutoyer ? » J’attends son accord avant de sourire à nouveau. « Tu vas bien alors ? J’avais tellement peur de te déranger. »

Sans hésiter mais avec une certaine difficulté liée à ce ventre rond et imposant, la demoiselle se redressait  et se déplaçait pour me laisser un peu de place à côté d’elle, là où je m’asseyais. Mon regard voguait tranquillement sur son visage fin que parfois, sans que je ne sache pourquoi, elle me cachait. Héloïse était une jeune femme d’une grande beauté, d’un ailleurs qui me fascinait, elle n’avait rien à cacher, vraiment rien. Mais elle détournait mon attention vers un panier qu’elle avait composé elle-même et qui contenait jus et fruits. « Tu fais attention à ma ligne ? » Luis demandais-je sans que ma question ne soit réellement sérieux, ce que je lui faisais comprendre d’un petit coup d’épaule taquin alors qu’elle me remerciait d’être venu la retrouver. « Merci à toi de m’avoir invité ». C’était bien qui devais la remercier. Parce que je ne connaissais pas grand monde à Los Angeles et que la solitude devenait toujours trop rapidement pesante. J’étais heureux de sortir, de passer du temps avec quelqu’un de connu, d’intime.

« Ça va, je me fais peu à peu à ma vie Californienne. Bientôt je porterais des bermudas en coton et je serais champion de surf ! » Les clichés ont la peau dure. Mais c’était vrai, je me faisais peu à peu à cette nouvelle vie. Les pensées obscures, les douleurs qui m’envahissaient à New York se faisaient moins prenantes ici … « Si je ne peux pas venir, je te le dirais. » Mon regard se reposait sur elle tandis que j’attrapais un morceau de pomme. « Mais si tu as envie de me parler ou de me voir, tu n’as pas à hésiter. » Je me rapprochais un peu pour lui confier à l’oreille : « Promis, je ne te mangerais pas. » L’air malicieux je reprenais ma place et hésitait sur le prochain morceau que j’allais engloutir. « Et toi comment tu vas ? »

« Faut bien que quelqu’un le fasse. » Je souris en coin alors qu’il me donne un coup d’épaule pour souligner sa blague. Il est taquin. Je me demande s’il l’est avec tout le monde ou si c’est juste une jolie technique de drague. Je secoue discrètement la tête en songeant à ça avant de me reconcentrer sur lui et de sourire un peu plus lorsqu’il dit qu’il commence à se faire à sa vie Californienne. Des fois, ma vie écossaise me manque. Les paysages n’ont rien à voir, les dialectes non plus. Je déteste l’accent des Californian Girls. Je souris lorsqu’il me dit qu’il n’hésitera pas à être franc lorsqu’il ne pourra pas me voir, et tant mieux. Je n’ai pas envie de devenir une personne qu’on voit par pitié. « Je n’hésiterai plus alors… » Non, vraiment. Je suis surprise lorsqu’il s’approche de mon oreille et frémis doucement à sa remarque avant d’échapper un faible rire. J’attrape un jus pour le siroter doucement, paille entre les lèvres. Et puis, la question tombe et je reste interdite un moment… J’ai besoin d’en parler. Il est encore un inconnu dans ma vie, alors, ça semble plus facile avec lui, c’est stupide non ? Je retire finalement mon chapeau pour laisser mes cheveux un peu en paix avant de regarder Hawai longuement, tout en souriant, mais c’est un faux rictus. C’est comme si ce mécanisme peut empêcher les larmes de tomber. Idiotie aussi. « Hm… » Une caresse sur mon ventre. « Mon… » Mon quoi ? Mon copain ? Mon ex… ? « Teru…. » Je lui avais déjà dit son prénom lors de notre première rencontre. « Il a eu un accident de voiture avec son meilleur ami en pleine nuit. Quelqu’un leur ait rentré dedans. » C’était vraiment un choc sur le coup… « Et comme si, ça ne suffisait pas… Il… m’a avoué aimer quelqu’un d’autre… » Je mords ma lèvre, hoche la tête avec lenteur. « C’est… pas évident à gérer avant l’accouchement… » Je souris et efface une larme qui se pointe avant de jouer machinalement avec l’herbe qui nous entoure pour ne pas avoir à le regarder, sinon, je vais vraiment craquer.

La question était simple : comment elle allait ? Et pourtant je m'attendais à une réponse complexe. Ses yeux qu'elle tentait tant bien que mal de me cacher ne mentaient pas. Quelque chose n'allait pas et si elle voulait en parler j'étais là pour écouter. Hésitante, elle sirotait son jus de fruit et se décidait à enlever son chapeau pour répondre à ma question. Prudente sur les mots qu'elle utilisait, elle me confiait ce qu'il la tracassait. Teru, son petit ami dont j'avais déjà entendu parlé avait eu un accident. Un événement stressant qui avait bien évidemment un impact sur elle et sa grossesse. Mais ce n'était pas tout, en plus de l'accident, elle avait appris que le jeune homme s'était amouraché d'une autre personne …  

Je n'étais pas vraiment surpris. Ce genre de choses peut arriver dans n'importe quel couple et l'enfant était venu bien trop tôt dans leur relation. « Ça ne doit pas être simple à gérer. » C'était ce que je pensais, bien que je ne pouvais et ne pourrais jamais me mettre à sa place. « Mais au moins tu en as le cœur net. Il vaut mieux que tu le saches maintenant plutôt que ça ne ressorte plus tard quand vous aurez construit un foyer ... » Clarifier la situation maintenant, plutôt que de se déchirer devant un enfant était une solution qui me paraissait plus adaptée. Même si Héloise ne devait rien y voir de positif …

Mon regard cherchait le sien, perdu sur l'herbe qu'elle enroulait autour de ses doigts fins. Et sans ajouter un mot de plus parce que je ne savais plus quoi dire, je déposais ma main sur le bas de son dos que je caressais doucement. Elle avait été là pour moi quand j'étais au plus bas. Je voulais être présent pour elle aujourd'hui.

Je soupire doucement lorsqu’il confirme que ça ne doit pas être simple à gérer. Non, en effet. Je ne sais pas quoi faire. Je crois que j’ai rarement été aussi perdue alors que j’en ai traversé des trucs pas très drôles, mais là, ça n’atteint pas que moi. Je baisse les yeux pour continuer à jouer avec l’herbe avant d’entendre le reste de ses pensées et de me mordre la lèvre. C’est vrai. C’est peut-être mieux maintenant, mais est-ce que je suis stupide d’avoir osé croire au conte de fées ? Je soupire à nouveau, mais mollement, comme lassée de tout ça. Lassée… Je crois que je le suis réellement à vrai dire. Je mordille ma lèvre faiblement avant d’essuyer à nouveau mes larmes, puis de fermer mes yeux sous sa caresse. Il ne doit pas se rendre compte à quel point, c’est douloureux le bas du dos lorsqu’on est enceinte. C’est aussi réconfortant lorsqu’on a le cœur lourd à vrai dire… Machinalement, je me rapproche de lui, timide et lente pour déposer ma tête contre son épaule. Juste quelques secondes. Juste un peu. Je garde les yeux clos et soupire doucement jusqu’à me redresser et déposer un baiser sur sa joue. « Merci… » Un bref sourire apparait sur mon visage et je me rallonge doucement à ses côtés afin de trouver une position confortable pour l’observer et admirer le parc, le laissant se placer à sa guise. « Tu veux bien qu’on parle d’autre chose ? De toi, de ce que tu veux… Je n’ai pas envie de pleurer. » Je lui souris à nouveau en le regardant.