THE SHADOW OF LOVE
“Mademoiselle Sandstrøm, vous avez une bien pale mine ! Il faudrait songer à dormir la nuit, ça éviterait les cernes tu sais ?”
…
Rire farceur contre dos tendu. Contre chaussures débarrassées. Contre soupir.
…
“Lola ?”
…
Bruit de pas. Porte qui se claque. Silence total.
…
Et voilà comment je me suis retrouvée délaissée, quelques secondes seulement après qu’elle ait fait son entrée. Même son regard fatigué, je l’ai à peine vu. Pas suffisamment pour pouvoir émettre une critique à son sujet … Pourtant, je suis comme ça, à balancer des remarques se voulant drôles à n’importe quelle heure de la journée. Je ne pensais pas que ça aurait cet effet-là sur elle.
Quoique … Ces derniers temps, Lola n’est pas la colocataire la plus causante de l’univers. Ni causante ni particulièrement agréable, d’ailleurs.
Un magazine sous le nez et des lunettes au-dessus, je déplie mes jambes et les allonge le long du canapé, le regard toujours rivé sur l’entrée du couloir menant aux chambres. La vague d’aigreur engendrée par l’attitude de Lola parvient à mes narines et m’empêche de reprendre ma lecture de cet article de “psychologie”, pourtant relativement intéressant. Me vient en réalité une envie toute autre, celle de demander “pourquoi” à Lola, entre autres choses. Pourquoi es-tu amère avec moi, en ce moment ? Pourquoi ton visage rime avec nervosité, tous les matins et tous les soirs ? Je ne sais pas si je souhaite en comprendre toutes les raisons … Mais il y a certainement des choses à éclaircir. Il m’est en tout cas trop difficile de vivre avec une personne morne.
Abandonnant donc le magazine sur le côté, je me lève et laisse mes pieds nus me rapprocher de sa chambre. Une fois derrière, je toque deux fois et approche mon visage de la porte.
« Je suis désolée … si je t’ai blessée. Tu me connais, je parle sans réfléchir. »
Je l’imagine soupirer.
« On peut discuter un peu … ? »
Ma main me démange. S’il avait s’agi de Grace, j’aurais ouvert sans hésiter, mais avec Lola, je préfère m’abstenir, au cas où.
Avec une insupportable vanité, elle s'était imaginé pouvoir sonder le cœur de tout le monde. Les évènements avaient montré qu'elle s'était complètement trompée. Austen