Quand on vit, on tue quelque chose… Ou quelqu’un. Parfois soi-même.
Le poing contre le mur, là. Le sang le long du poing, ici.
Quand on vit, on se bat toujours. On s’arrache la peau et les humeurs. On se dit qu’on doit rire de sa colère et de sa haine. On n’y arrive pas toujours…
On respire, on halète.
La tête de l’autre au sol.
Et la sienne, et la nôtre ?
Une pommette meurtrie, une lèvre éclatée, et le monde en patchwork de couleurs indélébiles.
On ne voudrait plus voir le monde. Le monde ne s’efface pas.
Des cris.
Courir.
Fuir ?
Maudire.
Maudire parce qu’on doit fuir.
Eux, trop nombreux, trop rageux. Il faut fuir. On ne peut pas.
Alors on se cache. On jure, on parjure. On se demande si on a bien fait, on se demande si on ne pourrait pas, quand même, contre eux, pas si nombreux… Mais on est un, on n’est pas deux, encore moins trois… On sait qu’on ne pourrait pas…
On laisse les autres chercher, frôler un pied, passer tout près…
On laisse les ombres des autres recouvrir, courir, sur le bitume…
On attend que leurs ombres passent, trépassent, la nuit arrive, le monde devient ombre, l’ombre devient noire.
Le corps est lourd, les articulations sont engourdies, les chairs font mal.
Trop de coups, trop d’attente. Un monde trop grand pour soi, contre soi.
On se lève, on titube…
Demain, au cours… On sera beau, on sera laid. On aura du mal de bouger…
Demain, au cours… Encore faut-il retrouver son chemin.
Perdu ?
Perdu.
On glisse une flaconnette de plastique entre ses dents, on la croque. Suçote. Le liquide froid glisse contre la langue.
On avale, on absorbe.
Le froid dans le corps.
Bientôt… Bientôt, le monde sera effaçable, délébile et ré-imaginable. On en fera ce qu’on voudra.
Bientôt, la douleur disparaitra, la peau aussi, les nerfs aussi. On sera le nuage qui passe invisible dans la ville.
Une silhouette de femme. Un pas de femme. Des vêtements de femme.
- Hey… Tu peux me dire où on est ?
Les pupilles trop écartées, laissent passer trop de lumière rêche… Que ça en abîme les nerfs et que ça en force les paupières à cligner. La main devant les yeux, pour se calfeutrer des néons des grands lampadaires.
- Tu sais où je peux me laver ? Je ne peux pas arriver en sang chez moi.
On passe une main sur sa lèvre. On la regarde. C’est bien la main qui a tapé. Elle aussi, ensanglantée. La lèvre a laissé son sang sur la pulpe. On porte le bout de ses doigts dans la bouche. On lève un peu. On se reconnait. On reconnait son sang. On reconnait sa peau. On regarde la femme devant.
- Tu sais où je peux dormir ?
Retourner chez soi, c’est se revoir. Retourner chez soi, c’est se retrouver. Ça demande trop d’énergie et de patience. Ca esquisse déjà le divorce d’avec soi.
- Je n’ai pas envie de rentrer chez moi.
Le poing contre le mur, là. Le sang le long du poing, ici.
Quand on vit, on se bat toujours. On s’arrache la peau et les humeurs. On se dit qu’on doit rire de sa colère et de sa haine. On n’y arrive pas toujours…
On respire, on halète.
La tête de l’autre au sol.
Et la sienne, et la nôtre ?
Une pommette meurtrie, une lèvre éclatée, et le monde en patchwork de couleurs indélébiles.
On ne voudrait plus voir le monde. Le monde ne s’efface pas.
Des cris.
Courir.
Fuir ?
Maudire.
Maudire parce qu’on doit fuir.
Eux, trop nombreux, trop rageux. Il faut fuir. On ne peut pas.
Alors on se cache. On jure, on parjure. On se demande si on a bien fait, on se demande si on ne pourrait pas, quand même, contre eux, pas si nombreux… Mais on est un, on n’est pas deux, encore moins trois… On sait qu’on ne pourrait pas…
On laisse les autres chercher, frôler un pied, passer tout près…
On laisse les ombres des autres recouvrir, courir, sur le bitume…
On attend que leurs ombres passent, trépassent, la nuit arrive, le monde devient ombre, l’ombre devient noire.
Le corps est lourd, les articulations sont engourdies, les chairs font mal.
Trop de coups, trop d’attente. Un monde trop grand pour soi, contre soi.
On se lève, on titube…
Demain, au cours… On sera beau, on sera laid. On aura du mal de bouger…
Demain, au cours… Encore faut-il retrouver son chemin.
Perdu ?
Perdu.
On glisse une flaconnette de plastique entre ses dents, on la croque. Suçote. Le liquide froid glisse contre la langue.
On avale, on absorbe.
Le froid dans le corps.
Bientôt… Bientôt, le monde sera effaçable, délébile et ré-imaginable. On en fera ce qu’on voudra.
Bientôt, la douleur disparaitra, la peau aussi, les nerfs aussi. On sera le nuage qui passe invisible dans la ville.
Une silhouette de femme. Un pas de femme. Des vêtements de femme.
- Hey… Tu peux me dire où on est ?
Les pupilles trop écartées, laissent passer trop de lumière rêche… Que ça en abîme les nerfs et que ça en force les paupières à cligner. La main devant les yeux, pour se calfeutrer des néons des grands lampadaires.
- Tu sais où je peux me laver ? Je ne peux pas arriver en sang chez moi.
On passe une main sur sa lèvre. On la regarde. C’est bien la main qui a tapé. Elle aussi, ensanglantée. La lèvre a laissé son sang sur la pulpe. On porte le bout de ses doigts dans la bouche. On lève un peu. On se reconnait. On reconnait son sang. On reconnait sa peau. On regarde la femme devant.
- Tu sais où je peux dormir ?
Retourner chez soi, c’est se revoir. Retourner chez soi, c’est se retrouver. Ça demande trop d’énergie et de patience. Ca esquisse déjà le divorce d’avec soi.
- Je n’ai pas envie de rentrer chez moi.
Les humeurs du corps