(junior) i put a spell on you

Le regard vide, vitreux qui fixe son corps à travers le miroir sale, elle tourne sur elle-même, elle se regarde, son corps fin, dessiné de tatouages plus improbables les uns que les autres. Elle s'imagine encore sous l'aiguille, cette sensation douloureusement plaisante et son sourire sur les lèvres. Elle ferme les yeux quelques secondes et elle ouvre le robinet pour se mettre de l'eau froide sur le visage. Elle se maquille, poupée volée, et elle s'habille, du noir, du court, ses cheveux attachés en un chignon rapide. Elle se roule un joint qu'elle tient entre ses lèvres pendant qu'elle lace ses chaussures, ce soir elle sort. Elle sort affronter la vie minable qu'elle vit et elle sort pour tenter de s'oublier, dans les draps, dans les bras d'un autre. Comme à son habitude. Elle sent l'effet sur son cerveau, elle sent que ça monte et elle sourit, juchée sur ses talons hauts. Claque la porte, écrase l'objet du délit sous sa chaussure en sortant de son immeuble délabré et elle marche dans la nuit noire, silencieuse. Elle serre les dents quand elle voit deux hommes qui la dévisage en passant en voiture, deux jeunes riches avec leur Cadillac, et elle a envie de leur exploser le crâne. Mais elle se retient. Elle pousse la porte du seextine's night et elle regarde autour d'elle, le bruit l'assomme mais elle garde ce sourire et elle garde ce regard détaché en jugeant légèrement les personnes présentes autour d'elle. Elle s'installe au bar, lève la main pour interpeller le barman et quand elle le voit, elle sent son estomac qui se retourne et une indescriptible envie de vomir la prend, mais elle se retient « Un sex on the beach, s'il vous plaît. » Non, elle ne se démonte pas Carter, elle le fixe, regard méchant, regard perçant. Elle veut qu'il la reconnaisse et qu'il s'en veuille, qu'il pense qu'il lui a fait du mal, alors que tout ce qu'il a fait, c'est la rendre un peu plus garce.

i put a spell on you
Feat. Carter L. Matthews

C'est autant bizarre que soulageant d'être revenu vivre ici, je ne pensais pas revenir mais il faut croire que le destin nous réserve souvent des choses improbables, moi c'est de revenir vivre ici, avec ma demi-sœur au passage que j'ai ramené de Londres et le plus surprenant c'est que je fais dans le légal, que je gagne ma vie honnêtement derrière le bar de la boite de nuit la plus fréquentée de la ville. Comme presque chaque soirs de fin de semaine, la boite est quasi pleine à craquer, j'ai un taff monstre, j'arrête pas d’enchaîner depuis pas moins d'une heure et mon affaire ne semble pas s'arranger quand cette blonde vient prendre sa commande au bar, au début je ne fais pas attention, une énième personne qui commande un sex on the beach mais je reconnais sa voix, ça fait trois ans que je l'ai pas entendu et quand j'y prête un peu plus attention, je vois que c'est Carter en face de moi, juste ce comptoir nous sépare Carter ? je suis surpris oui, bon oui évidemment je m'attendais à retrouver des têtes que j'avais pas vu depuis mon départ de L.A mais Carter, disons que c'était différent et je suis partis en lui posant le plus gros des lapins qui puisse exister. Je m'en rappelle c'est ça le pire et je crois que j'ai honte au fond de luia voir demander de venir il y a trois ans à l'appartement puis de quitter la ville entre temps, elle a du me haïr, elle doit toujours et autant me haïr. Je.. J'te fais ça. ouais je savais plus trop où me mettre alors je faisais comme si de rien était, et je faisais ce pour quoi j'étais payé, je lui faisais son cocktail que je déposais devant elle une fois prêt.

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Elle, mademoiselle au caractère assez trempée de nature, se demande si elle n'hallucine pas, si le joint, la drogue ne lui est pas monté à la tête quand elle croise son regard perçant. Ce regard qu'elle a vu un grand nombre de fois. Ce regard qu'elle n'a eu cesse d'étudier quand elle était dans son lit, dans le lit de cet homme à qui elle est liée de la plus tortueuse et douloureuse des manières. Elle crève d'envie de sauter au dessus du comptoir pour lui arracher les yeux, lui arracher le coeur pour qu'il ressente la sensation qu'elle a ressenti quand elle est arrivée chez lui et qu'elle a vu la porte fermée, porte close. Elle se souviendra toujours de ce jour où elle est sortie de son immeuble telle une tempête déchaînée et qu'elle s'est vengée en abattant quelques têtes de gosses de riches. Elle se souvient aussi qu'elle n'a jamais retrouvé la sensation qu'elle avait eu dans les bras, dans les draps d'un autre. Bon nombre de fois elle avait voulu qu'il revienne la trouver mais il n'est jamais revenu. A part ce soir. Il semble autant étonné qu'elle, mais il croyait quoi, que quand il était parti, elle avait cessé d'exister ? Non, elle est bien la, devant lui, son regard perçant tentant de le déstabiliser. Et elle se dit au fond d'elle même qu'elle va reprendre là où ils s'étaient arrêtés. En beauté, comme le final d'un feu d'artifice écourté. Lorsqu'il s'étonne, que sa voix lui parvient à l'oreille au dessus de la musique assourdissante, elle ne lui répond pas, elle hoche simplement la tête. Un petit hochement de tête léger, discret. Et elle le regarde s'éloigner de son air détaché qu'elle arbore si bien. Elle tourne alors la tête, regardant autour d'elle et elle voit cet homme qui la fixe, et son plan se met en marche. Lorsqu'il revient, elle sort de son soutien-gorge un billet, et elle lui balance. Elle ne prend pas la peine d'établir de contact entre leurs peaux et elle se lève, sans un regard, ses yeux charbonneux se détournant de son ancien amant. Et elle sirote son cocktail en se rapprochant de l'Homme qu'elle aurait habituellement frapper. Et elle se colle à lui, son verre en hauteur pour ne pas se tâcher avant de faire en sorte que Junior les voit. Lorsqu'elle sent qu'elle capte son regard, elle murmure, un murmure trop faible pour être décelé par son complice et elle le fixe, elle joue. C'est ce qu'elle aime le plus, jouer et lui montrer qu'elle n'est pas sa poupée, elle n'est pas la personne qu'il pense. En trois ans, elle a eu le temps d'évoluer, elle a eu le temps de voir passer des hommes dans ses draps, et elle a surtout eu le temps de se rendre compte que les connards sont ce qui surplombent la planète avec leurs sourires faux et leur mots plus mensongers les uns que les autres.