Je crois qu'il est 3 heures du matin, ou alors un peu plus tard ou un peu plus tôt, à vrai dire je ne sais pas et puis je m'en fous. Je sais juste qu'il est assez tard parce qu'il fait nuit et que je suis seul dans mon bureau à regarder par la fenêtre. J'attends assis, sans savoir pourquoi, ni ce que j'attends d'ailleurs.Le service du soir était terminé, nous sommes en semaine alors forcément le club fermait plus tôt. Je sortais de mon antre pour faire un tour et fermer les issues. Non, je ne voulais pas rentrer tout de suite, je pensais d'abord me poser sur le toit afin de regarder le ciel et ensuite, je verrais à retrouver mon logement pour dormir avant d'affronter une nouvelle journée. Ce soir, Carter travaillait, mais bizarrement je n'avais pas eu la chance de la croiser. La dernière fois, elle avait failli m'arracher la mâchoire et m'écraser les couilles de son genou. Vous me connaissez, vous savez pertinemment que son geste reste dans ma mémoire et que forcément, je risque d'être moins gentil qu'habituellement une fois que je serais devant elle. À la porte principale, j'avais fini ma ronde et a voir, je suis effectivement bien seul. Je tourne la clé, et je pars pour rejoindre l'escalier. J'aimais bien me poser sur le toit de temps en temps, sentant l'air sur mon visage... D'ailleurs il va être froid là, mais tant pis. Je voulais avoir l'impression de jeter mon corps au gré du vent. Se confronter à la force généreuse et sauvage de ce qui a toujours été là. Combien de vies peut-on passer endormi sans le savoir ? Je ne voulais pas dormir, je tenais à profiter à mille pourcents de mon existence. Et ne pas gâcher ça avec une histoire d'amour, ou un truc dans le genre. Je hais plus que jamais les histoires à l'eau de rose dont s'abreuvent les filles jusqu'à la nausée. En quête de sensations rêvées, elles dévorent des yeux chaque perle de salive bavée par les amoureux, dégouttant de leurs lèvres flasques unies en un baiser à l'haleine des chips à l'oignon grignotées entre deux prises, enlacés sur l'écran ou entre les pages parfumées de niaiseries. Elles apprennent par cœur des répliques sous plastique, bouquets de mots fanés vendus comme des abats de porcs saignants dans leurs emballages. Le moindre geste est imité avec une telle ferveur, un tel zèle, qu'il en paraîtrait presque authentique : cheveux rejetés en arrière avec une négligence calculée, regards langoureux coulés avec mystère, étreintes passionnées sont dans leur réalité mèche de cheveux enroulée autour du doigt avec angoisse, yeux de merlans frits cherchant désespérément ceux de l'adoré à l'autre bout du self et union de corps moites et collants de sueur.
Charmant tableau en vérité ! Quant aux triangles amoureux régis par les lois du destin – qui trouve toujours un heureux arrangement à la fin- où le tiers abandonné se découvre un opportun admirateur secret, foutaises !Le couple se dissout dans des éclats de rage et de jalousie, l'un accusant l'autre à grand renfort des cris, de tromper l'autre avec cette blonde ou cet Italien parfaits avec qui ils ont vu l'autre discuter l'autre soir. Le troisième se console avec la fille du boulanger, rose et grasse au franc-parler, qui finalement, est moins pénible que la jolie brune partie avec son meilleur ami. Leur amitié avait été consumée par la jalousie et les rivalités, prise en étau entre les mensonges, jalousies, basses vengeances et autres mesquineries du genre. Faudrait réellement être fou pour se plonger dedans. Tout comme, je vais me plonger dans un moment auquel je ne m'attendais pas. Ma main pousse la porte, et j'étais enfin sur le toit. Ne faisant pas attention, je ferme la porte et je marche tête un peu baissée pour me rapprocher du bord. Je n'avais pas de costard ce soir, un simple jean, une chemise et une petite veste... D'ailleurs je doutais fortement de son utilité pour me protéger du froid. Et, quand mon regard se relève pour savoir si je n'étais plus loin du vide, qu'est-ce que je vois? Cette idiote de Carter. Je lève les yeux au ciel, la voyant de dos assis une bouteille de vodka à la main. Foutant mes mains dans mes poches, mes jambes avancent automatiquement, sans comprendre pourquoi. Je me tenais debout, a moins d'un mètre d'elle. Et, ma voix brise le silence de cette nuit " Si tu veux de l'aide, je peux t'aider à te jeter. " Souriant, hautain et affichant cet air narquois, je reprends " Ce sera une façon de me venger de l'autre soir. De ta façon de me quitter... Sombre conne! " Une expression inspirée de ma jolie blonde. Je sors une clope, et je l'allume.
If you play,
you play for keeps