my window to the sky (pyper)

you're my window to the sky

Millenium Advertising est une agence de marketing récente, à quelques minutes du centre ville de Los Angeles. Deux ou trois ans que les deux fondateurs, deux génies sortant tout droit de Harvard, se sont lancés. S’ils ont accepté de m’embaucher en tant que chef de publicité, moi le gars qui finit à peine ses études, c’est bien parce que l’agence est en plein développement. Bon, huit ans d’études universitaires et de nombreux stages quand même, qu’on ne vienne pas me dire que j’ai un CV inintéressant parce que j’aurais envie de commettre un meurtre.

Ce que j’aime dans cette agence et surtout avec mon boulot, c’est que les journées s’enchaînent les unes après les autres sans jamais se ressembler. Dans mon bureau, je travaille sur des projets qui se diversifient de semaine en semaine, qui évoluent et prennent forme plus ou moins rapidement. Nos clients sont des marques en tout genre, ce qui rend d’ailleurs l’agence particulièrement attrayante, et cette semaine, c’est une marque de parfum qui a fait appel à nous pour coordonner une campagne de pub. Nous n’en sommes qu’à l’élaboration des différents plans marketing (en fonction des supports médias sélectionnés) mais superviser ce projet me prend déjà une bonne partie de mes journées.

Ma montre digitale indique quatre heures de l’après-midi. Je sors de mon bureau pour aller tirer quelques photocopies qui seront utiles à la réunion de demain et en revenant, je m’introduis dans le bureau d’un collègue afin de lui donner, justement, l’une de ces feuilles. C’est là que mon regard croise celui de la fille présente, une que je reconnais malgré le peu de fois où nous nous sommes rencontrés. Son prénom ? Il m’échappe, mais je vais le récupérer très vite.

─ Tiens salut, … ? Demandé-je, souriant, en l’incitant à me rappeler son identité.

Je glisse en même temps la photocopie sur un coin du bureau de mon collègue et regarde vaguement les papiers qui sont face à lui pour savoir ce que la fille fait ici… Cela dit, rien ne vaut une question pour éclaircir le flou.

─ Tu viens ici pour quoi ?

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Je serais juste l'attrape-cœurs et tout. D'accord, c'est dingue, mais c'est vraiment ce que je voudrais être. Seulement ça. Salinger

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ANDREAS & PYPER  

Premier contrat, première exaltation, première percée.

La satisfaction ne me quittait plus depuis que j'avais lu en gros et en gras le « votre candidature a été retenu. ». Mon sourire s'était d'autant plus étiré quand j'avais réalisé que j'étais passée devant une trentaine de filles toutes plus belles et plus expérimentées que moi. Moi, la blonde qui ne comptait que des photos à moitié nue, toutes plus farfelues les unes que les autres, à la limite de l'irréel, parfois même du macabre, atmosphère effrayante comme lumineusement mélancolique. Le corps était l'outil, le corps marquait ma réussite. Et comment voulez-vous que mon égo ne se gonfle pas d'avantage ? J'étais dans un égotrip depuis toujours, mais fallait-il encore masquer ce trait de caractère peu flatteur bien qu'utile dans ce milieu. Confiance en soi, narcissique, égocentrique, un brin égoïste et opportuniste. Oui, j'avais conscience que j'étais qualifiée de tout ce gratin d'adjectifs, mais en attendant, j'avais au moins réussi quelque chose pendant ces derniers mois. Ces derniers mois de souffrance, de douleur aiguë comme on n'en faisait plus, cette soif de se sentir mieux à nouveau, de redevenir LA Pyper Pearson, de nouveau sous les feux des projecteurs. Une piètre tâche de lumière dans toute l'obscurité accumulée, un premier pas vers l'avant après deux vers l'arrière.

Après la satisfaction, l'impatience également ne voulait plus me relâcher. Je ne pouvais plus patienter et l'envie d'aller signer officiellement ce contrat qui était signe du début de ma minuscule ascension me gagnait un peu plus chaque jour de vers la date échéante. Aujourd'hui.. aujourd'hui.. C'est ni le moment de perdre la face, ni le moment de se dégonfler. Cette boule de stress au ventre était aussi celle que j'avais au cœur en guise d'adrénaline. J'étais dopée à ça, et c'était peut-être cette adrénaline qui me permettait de cartonner dans les moments importants. Après une bonne demi-heure à changer, rechanger et encore changer une nouvelle fois de vêtements, je me décide enfin et quitte mon appartement. Arrivée devant une grande bâtisse presque effrayante par sa taille, je fis claquer mes bottines à talon en rentrant dans Millenium Advertising. Mes yeux parcourent tout ce que je peux entrevoir, une file d'attente pour un casting, une secrétaire débordée par les coups de fil et quelques curieux qui viennent accompagner des participants. J'inspire un grand coup et viens toquer à la porte, souriant de toutes mes dents quand la porte s'ouvre. Je reste quelques minutes debout et décline mon identité, venant poser tous les papiers remplis sur le bureau. L'employé observe, fronce les sourcils pour finalement s'évaporer dans une autre salle, prétextant aller chercher un trombone. Peut-être dit-il vrai, peut-être ment-il, peut-être qu'il veut simplement sa pauvre tasse de café de quatre heures.

Je croise les bras et tape doucement du pied en attendant son retour, jusqu'à ce que quelqu'un d'autre entre. Mes sourcils se froncent instinctivement quand je le reconnais entre des centaines de visages. Et lui aussi me reconnaît. Je souris du coin des lèvres, presque amusée qu'il tente de se souvenir de mon prénom. « Pyper. » articulai-je doucement. Je décroise les bras et viens passer une main dans mon cou. « J'ai été choisi pour une campagne de pub pour un parfum. Et là j'attends que... » Je penche ma tête sur le bureau pour y découvrir une photo de famille avec au moins cinq enfants dessus. « … Monsieur aux tente-six gosses revienne un jour pour finaliser mon contrat. Je sais que le goûter c'est sacré mais à cet âge-là.. » terminai-je sarcastique, rictus moqueur aux lèvres. D'un sourire plus sincère je croise le regard de mon interlocuteur. « Et toi.. ? Tu travailles ici ? » Question bête, juste pour la forme. « On s'est déjà croisé non ? » Question bête n°2, mais il me fallait savoir ou je l'avais vu, enfin dans quelle soirée. Et si c'était une soirée ou j'étais dans un état minable, alors les choses risquaient de se corser. Une réputation gâchée avant d'avoir commencé, quelle horreur.  

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I've got thick skin and an elastic heart

But your blade it might be too sharp, I'm like a rubber band until you pull too hard. I may snap and I move fast, but you won't see me fall apart, cos I've got an elastic heart

Pyper. Ouais, ça me revient. Un prénom épicé bien comme il faut. J’crois me souvenir m’être dit qu’il lui allait bien d’ailleurs, néanmoins ça ne m’a pas empêché de l’oublier. Elle, par contre, je ne l’ai pas oubliée. Elle a une certaine allure qu’il est difficile de manquer, un sourire à en éblouir une assemblée et un regard… Ouais, enfin, elle a du potentiel quoi. Je comprends mieux sa présence ici lorsqu’elle me parle de la campagne de pub, celle pour la grande marque de parfum dont la réputation n’est plus à faire. Ils cherchaient un visage nouveau, je crois qu’ils n’ont pas trop déconné en la sélectionnant. Elle a ce truc en elle pour captiver les gens.

Malicieux, je souris aux termes qu’elle emploie pour décrire mon collègue père de famille. Je vais me retenir de lui dire qu’Oliver est en plus complètement gaga de ses gosses et que même moi qui l’apprécie pour son talent, j’en ai ras le bol de l’entendre me parler d’eux quasiment tous les jours. J’ignore ce qu’il a été faire en la laissant seule ici mais quoi qu’il en soit, moi j’en profite pour discuter avec elle. Mon feeling est bon, tout du moins celui qu’il y a entre nous…

─ Je travaille ici depuis quelques semaines à peine, et cette campagne de pub est en partie sous ma direction.

Ce qui sous-entend qu’on aura de fortes chances de se revoir. Mais c’est son autre question qui retient davantage mon attention. Certes je suis sur mon lieu de travail, mais il n’y a pas de lieu pour discuter des bonnes choses, non ? C’est d’ailleurs pour ça que j’attire le fauteuil d’Oliver vers moi afin de m’y asseoir, le regard très vite reposé sur Pyper.

─ Deux ou trois fois, à des soirées. Dans mes souvenirs t’étais proche de Kai Norton, j’me trompe ? Et pas mal joyeuse…

Pour ne pas dire saoule… Enfin je me moque mais je ne devais pas être mieux. Bien installé dans le fauteuil, je continue de la regarder quelques secondes en silence avant de rire légèrement, presque troublé.

─ Et tu es une Alpha, non ? Ça ne m’étonnerait pas. C’est bien leur genre de candidater à ce genre de poste, enfin si on peut appeler ça un poste...

Être le visage associé à un parfum… Pas n’importe quel parfum, dans notre cas. Je ne sous estime pas la tâche qui est la sienne, je laisse juste mon naturel s’imposer, et celui-ci contient souvent des petites touches de provocation.

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ANDREAS & PYPER  

Sous sa direction? Voilà un point que je ne manquais pas de retenir. Le genre d'information qui n'était pas tombée dans l'oreille d'une sourde. Si au moins je pouvais collaborer avec quelqu'un qui ne s'éclipse pas pour aller chercher je ne sais quoi pour ne plus revenir, et avec qui je peux possiblement très bien m'entendre – ce qui était plutôt bien parti –, c'était jackpot. « A peine quelques semaines que t'es là et tu mènes déjà un gros projet, pas mal. » Un gros projet dont je faisais partie d'ailleurs. « On se recroisera, alors. » Un brin malicieuse, un sourire au coin des lèvres accompagna mes paroles. On se recroisera ici ou dans une autre soirée, ce que je gardais bien de dire à haute voix. Le monde était clairement trop petit malgré ce qu'on pouvait croire. « Ouais, Kai c'est mon meilleur ami, du coup y'a de fortes chances que tu m'aies vu avec. Ca m'étonnerait pas trop, surtout que pendant les vacances on était pas mal sortis. » Et qui dit soirée avec Kai dit forcément soirée plus ou moins alcoolisée, bien que je sois rarement la plus amochée avec une sale gueule de bois, la redescente de l'état de joie à l'état normal de ses derniers temps était plus compliquée. Joyeuse.. Je pinçai mes lèvres presque timidement, gênée à l'idée de savoir qu'Andreas avait pu voir la Pyper bourrée, et un rire tout aussi gêné que mon état d'esprit actuel s'échappa quelques secondes.

Je me mis en face de lui, assise confortablement sur le bureau en marbre complètement en désordre au milieu de la pièce. Je croisai les jambes et commençai déjà à sourire en entendant Andreas parler. « Touché. » lançai-je amusée, plus qu'autre chose. J'aurais pu me sentir offusquée, voire même blessée, mais je me sentais plus d'humeur taquine. « Tu parles des filles qui ont comme devise « tout sur ma belle gueule, rien dans le cerveau ? » » Je ne me laissais pas pour autant démonter, répondant du tac au tac, déclarant officiellement le petit jeu des provocations ouvert. Joueuse, je l'étais tout comme il avait l'air de l'être lui aussi. « Mmh, ouais. Je suis chez les Alpha, mais j'espère avoir plus que de la poussière là-haut, histoire d'éviter les clichés. » Je fis la moue et lui adressai alors un petit clin d'oeil complice. J'avais clairement surtout besoin d'argent, et si allier l'utile à l'agréable devenait possible alors tant mieux. Si ma belle gueule peut être mon gagne-pain, après tout, pourquoi refuser? Il me perturbait presque à vouloir me déstabiliser. Enfin.. tout chez lui me perturbait, en commençant par le charisme et la prestance qu'il dégageait naturellement, j'arrivais à peine à soutenir bien longtemps mon regard sur lui. Le genre d'homme qui m'intriguait. « T'étais dans une confrérie aussi ? » Je posais mon index sur mes lèvres avant de répliquer. « Ca ressemble bien aux Delta de dire ça.. Quoique je préfère ne pas trop m'avancer.»  Je souris encore un peu plus longuement, passant une main dans mes cheveux l'air de rien. « Je voudrais pas me tromper..» terminai-je un poil moins fort.

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Elle a cerné l’histoire. A peine quelques semaines et je suis déjà le chef. Enfin le petit chef. Mais bref, peu importe, elle a compris le plus important. N’a pas un gros poste quelqu’un sans ambition et moi… moi j’en suis plein. Je fourmille d’idées et d’objectifs, ça part dans tous les sens, dans toutes les directions. Ça déborde, tout le temps. A partir de cet instant, elle-même fait partie de mes ambitions. Enfin, plus ou moins… SI Kai est bel et bien son meilleur pote, je m’en réjouis. Je n’aurai ainsi pas à chercher loin pour la revoir si jamais, ô grand jamais, l’envie me prend. A ses propos je ne réponds rien, me contentant d’acquiescer à l’aide d’un vague sourire.

Un peu plus tard, Pyper garde la tête haute quand je fais référence aux ambitions peu intellectuelles des filles de sa confrérie. Je ne crois pas qu’elles soient toutes idiotes, quand bien même je pourrais facilement le dire pour taquiner l’une d’elles, mais l’on ne peut nier que figurent parmi ces filles certaines des plus superficielles et parfois même bécasses de l’UCLA. Avec tout le respect que je leur dois, évidemment. Concernant Pyper, j’ai encore beaucoup à apprendre sur son sujet et étrangement - ou pas - je crois que ça sera plutôt agréable.

─ De celles-là, ouais.

J’ai à peine le temps de sourire qu’elle prend à nouveau la parole, pour me confirmer mes pensées. A première vue, j’aurais pu douter sur la présence de poussière dans sa tête mais plus les secondes passent, plus cette idée meure. Elle a le regard brillant de ces individus prometteurs que l’on croise parfois sur notre chemin, vous savez, et si en plus elle est proche de mon cercle d’amis, que demande le peuple ?

─ J’espère pour toi. Dans tous les cas, ça ne devrait pas être trop dur de poser pour un photographe.

Provocateur, j’attends une question qui ne tarde pas à tomber. C’est aussi le retour du boomerang, quoique je l’avais plus ou moins préparé celui-là. Avec un sourire en coin, je pivote légèrement de droite à gauche sur mon fauteuil avant de répondre.

─ Les Alpha ne s’avancent jamais sur des terrains glissants, c’est vrai… Pas votre genre. Malin, je soutiens son regard. Tu as deviné juste au moins. Mais les histoires de confrérie, ça me dépasse maintenant… J’ai d’autres chats à fouetter désormais et fais gaffe, tu pourrais en faire partie avec ce job.

Autrement dit, elle doit bien faire son boulot car c’est sous ma responsabilité. Je lui adresse un large sourire avant de faire un tour sur place, bien installé dans mon fauteuil, comme un roi. Pourquoi je n’ai pas de fauteuil pivotant, moi ? C’est une pure arnaque. Les vieux s’en foutent de pouvoir pivoter sur eux-mêmes, non ?

─ Tu étudies quoi à l’université ? Je ne me souviens pas avoir entendu Kai me parler de toi. Ça devait être volontaire.

Espiègle, je n’en rajoute pas davantage sur ma réputation pour me délecter une nouvelle fois de son répondant.

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ANDREAS & PYPER  

Jouer. J'aime jouer, j'adore même, surtout avec lui. Je trouve un malin plaisir à lui renvoyer chaque remarque en plein visage, en tout amitié. Je passe mon temps à jouer avec les gens, dans le bon comme le mauvais sens. Et les provocations régulières d'Andreas ne me font que me sentir encore un peu plus intriguée par sa personne. Je souris en pinçant légèrement ma langue en l'écoutant. Pas être trop dur de poser.. J'aurais pu répondre non, mais ça aurait été lui donner raison et ça, hors de question. Si quelqu'un devait avoir raison ce devait être moi. Seulement et uniquement moi. Après tout, c'était difficile de devoir rester sous les spots lumineux avec une chaleur insoutenable sans transpirer, garder le sourire et rester calme malgré les demandes lourdes et sèches de la plupart des photographes, être sous les feux des projecteurs.. Ah non, ça c'était ma partie préférée. Partie préférée avant de découvrir le résultat final plutôt bluffant à chaque fois que je découvrais les photos. « Et toi ça devrait pas être trop dur de superviser tout ça, on dit souvent que ceux qui en font le plus sont les moins bien payés. Quelque chose me dit que tu dois être de ceux qui n'ont pas à se plaindre de leurs salaires.. » A mon tour de frapper, la malice au bout des lèvres, ou peut-être la provocation. Provocation contrôlée, un peu piquante sur les bords, comme lui aussi pratiquait si bien. Sa personnalité osée me plaisait, et j'avais envie d'en savoir bien plus sur lui. Lui, Andreas, celui dont je ne connaissais que le prénom et le poste qu'il occupait.

« T'en fais pas, je suis professionnelle, t'auras pas besoin d'être sur mon dos si c'est ce que tu veux savoir. La seule chose que je veux c'est qu'on ne me prenne pas pour une conne, si tu vois ce que je veux dire. » Dans les deux sens du terme, littéral et métaphorique. Pique bien placée pour lui ôter définitivement l'idée que j'étais de celles qui ne regardaient pas les closes d'un contrat et qui n'avaient que dix mots dans son vocabulaire. Les traits de mon visage se relâchent et je serre le bord du bureau avec mes mains. Je lâche un rire amusé instinctivement, il devait y avoir un bonne raison pour que Kai ne parle pas de moi à Andreas, ou du moins une raison valable, puisque moi aussi je n'avais jamais entendu parler de lui, je l'avais juste entrevu quelques fois en soirée, sans véritable conversation. « Je suis en dernière année de doctorat en photographie, l'année prochaine au revoir UCLA. » Un magnifique adieu à cette université qui m'a vu grandir depuis tant d'années. « Je pense que Kai avait peur que je lui fasse de l'ombre, ça doit être ça la raison. A moins que.. tu ne sois pas si fréquentable que ça. » Mon sourire s'étire encore un peu plus et mes yeux restent fixés sur les siens, je ris intérieurement.

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J’attendais son répondant et… je ne suis pas déçu, ça c’est sûr. Pyper me renvoie à nouveau la balle avec brio et en ça je l’apprécie davantage. Néanmoins, critiquer la quantité de travail des supérieurs ne me plaît pas des masses, allez je l’avoue. Je souris vaguement en haussant les sourcils, piqué par ce genre de réflexion hâtive et trop raccrochée aux préjugés.

─ Et tu crois bêtement tout ce qu’on te dit, Pearson ?

Elle n’a pas tort sur une chose : mon salaire n’est pas moche. Dois-je me taire à ce sujet ou en rajouter une couche ? Bon, évidemment, vous vous doutez que je ne vais pas me faire prier. C’est trop bon de se vanter en Amérique là où des Européens sont coincés comme des balais.

─ Je ne me plains pas de mon salaire, il faut dire que j’ai tout fait pour en arriver là, eh oui ! Désormais, à moi les gadgets derniers cris et les vacances bien méritées.

Bon, je vais me calmer un peu sur la vantardise. Il ne faudrait pas qu’elle soit jalouse de moi quand même ! Tentative de professionnalisme soudaine, je lui rappelle qu’elle n’a pas intérêt à déconner et Madame exige de ne pas être prise pour une conne. Oh mince, les modèles seraient donc souvent pris pour des idiotes ? Je me retiens de rire et réponds sur un ton qui se veut malgré tout rassurant.

─ Si t’en es pas une, de quoi tu t’inquiètes ? Mon petit doigt me dit que tu ne laisseras jamais personne te prendre pour une écervelée.

Le regard appuyé, j’étudie précisément les traits de son visage. Ces grands yeux pétillants qui surplombent un nez franc et une bouche peu discrète, mais d’une bonne façon. Pyper est une belle fille qui semble savoir ce qu’elle veut. Elle n’a pas peur de la provocation et en redemande, même. Travailler avec elle devrait être agréable. Moi qui n’avait pas prévu de m’intéresser de si près à ce projet… finalement…

D’ailleurs, il me vient forcément la curiosité de savoir ce qu’elle fait dans la vie. Ça serait con pour moi qu’elle m’apprenne être une riche petite Alpha qui ne manque de rien vu comment je viens de m’afficher… Mais heureusement, ça ne semble pas être le cas. De longues études de photographie qui m’intéressent mais qu’elle balaye vite de la conversation en évoquant Kai ainsi que ma réputation. Donc, on y vient.

─ J’ai l’air de ne pas être fréquentable ? Demandé-je avec un fin sourire, les mains levées en l’air. Je me trompe de beaucoup si j’insinue que je t’intéresse déjà ? …

Parce que ses yeux parlent pour elle, mais je suis coupé dans mon élan par le retour de mon collègue. Ce dernier adresse un sourire gêné à Pyper, quant à moi je comprends vite qu’il a dû avoir un ennui, de quelque sorte que ce soit, pour justifier ce contretemps. Je me lève en attrapant la paperasse qu’il y a sur le bureau.

─ Je vais m’occuper de ça, pas de souci. Tu viens avec moi ? Dis-je en m’adressant à Pyper sur les derniers mots.

Je l’invite à me suivre hors de ce bureau et commence à marcher le long du large couloir, à ses côtés. Je l’imaginais plus grande, et de fait mon regard s’abaisse davantage pour aller chercher le sien.

─ Alors, tu allais dire… ?

Non, je ne perds jamais le nord.

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ANDREAS & PYPER  

Pearson. J'avais presque trop l'habitude de l'entendre de la bouche de Kai, c'était comme un doux électrochoc qu'il m'infligeait. « Ta gueule Pearson. Je bouge pas de là Pearson. T'as un problème Pearson ? » Les répliques ironiques et pointues de Kai me revenaient comme une douce mélodie aux oreilles. Pearson, ça sonnait déjà comme une complicité déjà bien installée entre lui et moi, comme un lien qui se tissait plus vite que prévu. Et monsieur n'hésite pas une seconde pour en rajouter, pas une once de gêne en abordant un salaire bien rond et des extras qui en feraient pâlir plus d'un. J'aime son audace, sa franchise et sa répartie. En fait, finalement, je l'aime bien tout court. Alors, deux fortes têtes ensemble peuvent créent des étincelles, la compétition de piques était (très) bien partie, ça promettait pour l'avenir. Ca me donnait presque l'envie de me pointer plus souvent à son bureau, bonne excuse ou non.. Vacances bien méritées et filles bien gaulées au bras, ouais. L'envie de l'ouvrir me tiraillait, mais j'avisais en faisant mourir l'idée. Bien trop de sous-entendus là-dedans. J'esquissais alors juste un simple sourire tout en acquiesçant d'un hochement de tête. « Je m'inquiète pas, je préviens. Je peux me montrer piquante quand ça me va pas. » Je le laissais bien évidemment imaginer les possibles scènes qui pourraient à l'avenir se dérouler si par pur hasard, un problème de rémunération s'abattait sur moi..

Et du travail, on fait un virage de 360 degrés en évoquant Kai et les soirées. Un grand virage que j'appréciais, la seule chose que je savais c'était que c'était mon boss, le plus important était ce que je voulais savoir, c'est-à-dire tout. Andreas Klein, qui es-tu ? Au delà du vantard de base, je sentais comme une attraction qui me chuchotait qu'il était plus que ça, plus que la grosse tête à la répartie implacable. Tout se confirme d'ailleurs, et mon sourire devient grand quand il m'impressionne par son audace. S'il m'intéresse..grandement. Trop même, parce que je me noyais certainement trop souvent dans son regard espiègle. Je me fis une joie de pouvoir esquiver la réponse. Sauvée par l'autre abruti qui avait enfin retrouvé son chemin. Finalement j'aurais bien voulu qu'il reste là ou il était, je n'avais pas franchement envie qu'il écourte cette discussion disons.. intéressante. Mes yeux accusateurs tombent sur le dernier arrivé et se lèvent vers le plafond. La lèvre pincée, je ressentis comme un soulagement en comprenant qu'Andreas reprenait le dossier. Les talons cliquetant sur le sol, je le suivais, discrète, à la limite de gênée par le silence installé. Mes yeux coururent sur son corps, le détaillant de tous les angles possibles et imaginables. Persévérant en plus de ça. Mes yeux dans les siens et j'esquivai une fausse hésitation en mordant les lèvres. « Peut-être.. Qu'est-ce qui est le plus intéressant chez toi ? Le mec trop sûr de lui d'un ennui extrême ou la face cachée conservant le mystère qui garde un côté vraiment très attractif ? » Intéressant mentalement, parce que physiquement il avait clairement tout ce que j'aimais, c'était indéniable. Mais la question qui brûle mes lèvres depuis le début de cette conversation se fraye un chemin pour être posée. « Qui es-tu réellement Andreas Klein ? » En quelques pas plus rapides je me faufile devant lui, près de lui, et lui bloque le passage, les bras croisés. « Choisis : le mec qu'on connaît dès le premier regard ou celui qu'on découvre en creusant ? » Mes pupilles ne quittent pas les siennes pour y déceler la moindre émotion qui traverserait ce regard ténébreux. « Alors ? » Je me délecte déjà de ce qu'il va prochainement me répondre.

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Nous nous échappons du bureau de mon collègue et j’avance dans le couloir, plus intéressé par ce qu’elle pourrait avoir à me dire sur elle que par ce contrat coincé sous mon bras. Son avertissement sonne encore comme une alléchante promesse dans mon esprit ; une que je ne saurais oublier tant je me réjouis déjà, presque béant et friand, de son attitude assurée. Piquante, elle ? A vrai dire, elle l’est déjà. A sa façon de me parler, de me fixer avec des yeux brillants de malice. C’est à n’en pas douter que cette fille est piquante… et que les hommes doivent souvent en redemander.

Ma question attend une réponse. Je ne pense plus qu’à ça ; difficile de m’en cacher, que le boulot me préoccupe tout à coup beaucoup moins. Il faut dire qu’elle semble particulièrement réceptive à mes avances et que je serais fou de ne pas m’attarder là-dessus. Alors Pyper, qu’as-tu vraiment dans le ventre ?

“Peut-être…” J’aurais presque pu m’en satisfaire. Il faut néanmoins qu’elle délie sa langue pour compliquer un peu la chose - phénomène typiquement féminin, d’après mes multiples observations de ces spécimens. Ce retournement de situation m’arrange un peu moins, c’est vrai, mais elle a malgré tout le don de me faire rire avec ces questions qui n’en finissent plus. Quand sa silhouette vient se planter devant moi pour m’empêcher d’avancer davantage, je m’immobilise docilement et ancre mon regard au sien, non sans sourire. Quelques secondes passent. Je ne saurais dire ce qu’elle a vraiment en tête mais dans ma tête à moi, l’effluve de son parfum se fraye un chemin presque trop… charmant.

─ Alors je crois que tu es grandement intéressée par moi. Cet interrogatoire en est la preuve flagrante.

Qui suis-je réellement ? Un mec qui ne considère pas la facilité comme une solution. La facilité avec les filles, c’est satisfaire leur curiosité sans les faire attendre. Croyez-moi, ça les ennuie plus qu’autre chose. Il n’y a qu’à regarder Pyper ; ça se voit dès le premier coup d’oeil qu’elle aime les complications. A la bonne heure, je suis joueur.

─ Pour répondre à ta question… Ça dépend, je dirais. T’as envie que je sois lequel, toi ?

Je souris, espiègle et bien content de n’en faire qu’à ma tête. Ne manquerait plus qu’elle impose ses règles ici… D’ailleurs, il n’était nullement question que l’on termine nos affaires au beau milieu de ce couloir, alors je me rapproche effrontément d’elle pour tenter de faire tourner à nouveau la situation.

─ Les filles comme toi aiment perdre du temps à creuser, d'ailleurs ? Faudrait pas salir ces jolis ongles, quand même…

Qui es-tu réellement Pyper Pearson ?

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ANDREAS & PYPER  

Je ne savais pas ce qui me prenais mais j'étais poussée par l'irrésistible envie de succomber à ma curiosité malade. Vouloir déceler qui il était, ou même juste savoir ce qui l'encourageait à être si.. sûr de lui avec cette.. agaçante part de mystère qui avait le don de m'envoûter comme personne. Mes yeux glissaient sur l'ensemble de son corps, décelant et analysant chaque parcelle de son être. Arrêtée sur son visage, je devinais une part d'espièglerie dans ses yeux clairs, comme un jeu interminable, la séduction innée qui coulait dans les veines. Je souris de toutes mes dents, avant de me pincer comme à mon habitude ma lèvre inférieure. Sale réflexe que j'avais. « T'es trop sûr de toi à mon goût.. Peut-être que je pose des questions par simple curiosité et rien d'autre, j'aime bien poser des questions, j'adore ça même. » Faux, faux et faux. Je détestais poser des questions, la vie des autres et leurs problèmes interminables je n'en avais strictement rien à faire. La seule chose qui m'importait c'était Planète Pyper et rien d'autre. Seuls les potins pouvaient attirer mon attention mais.. qu'importe. Il était bien trop facile de dire que j'étais intéressée par lui comme une fan à ses pieds. Tout chez lui devait plaire, aussi bien sa personnalité que son physique attractif. Grand, musclé, plaisant, alors.. non. Hors de question de répondre positivement à ses avances et de terminer dans le sac sûrement trop rempli de greluches émoustillées par son beau sourire, parce que Pyper Pearson ne termine jamais dans le même sac que les autres. Je savais sans l'ombre d'un doute lequel j'avais envie qu'il soit. J'ai envie qu'il soit celui qu'on apprend à connaître, celui qui a toujours ce côté mystérieux dans le regard et l'étincelle amusante dans les iris. J'ai envie qu'il soit celui qu'on connaît sans connaître, celui aux multiples facettes, de la plus effrayante à la plus chaleureuse. « Le plus compliqué sûrement. » L'honnêteté au bout des lèvres, c'est ce dont j'avais envie et dont je ne me privais pas de lui faire savoir.

Le regard encore plongé dans le sien, je sentis mon cœur se serrer à nouveau quand la distance qui nous séparait rétrécissait peu à peu. Plus près, toujours plus près, le souffle court quand il se planta devant moi. « Ca dépend.. Est-ce que ça en vaut la peine ? » Les bras croisés, mes yeux qui ne quittaient pas les siens, le jeu dangereux qui s'immisçait entre nous. J'affichai un dernier rictus et je finis par me retourner vers le bout du couloir. Relâcher la pression, faire évacuer toute l'attraction que je pouvais ressentir, éviter son regard quelques instants. « Alors, on va où? Je vois toujours pas de bureau en or massif, t'as peut-être exagéré sur ton rôle. » L'ironie soudaine, l'envie de le piquer à nouveau, la folie de le provoquer un peu plus. Je levai mes iris vers lui et achevai. « Les filles comme n'en font qu'à leurs têtes surtout. Si j'ai envie de creuser, je creuse, mais quand je creuse, je veux trouver le jackpot et pas le deuxième prix. »

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I've got thick skin and an elastic heart

But your blade it might be too sharp, I'm like a rubber band until you pull too hard. I may snap and I move fast, but you won't see me fall apart, cos I've got an elastic heart

Pyper prétend que je suis trop sûr de moi, un refrain que je connais trop bien et qui me fait parfois hausser des sourcils, parfois sourire. Aujourd’hui, face à elle, je crois que je souris. Mes dents se dévoilent en coin et je jubile autant que je m’esclaffe de ses paroles. Si je suis trop confiant à son goût, ses yeux à elle m’observent un peu trop à mon goût.

Alors quoi, petite maligne ? Il faudrait que je perde de mon assurance pour remonter sur l’échelle de ton estime, c’est ça ?

Elle me regarderait moins, à tous les coups. Je perdrais de mon intérêt et plutôt crever que de le perdre, celui-là. J’ai réussi à l’obtenir sans trop batailler cette fois-ci, croyez-moi que je vais tout faire pour le conserver, quitte à la laisser prétendre qu’elle adore poser des questions. Que ce soit vrai ou faux, peu importe. Il y a des - gros - défauts qu’on laisse parfois de côté, les hommes dans ma situation me comprendront.

Néanmoins, quand elle dit préférer les cas compliqués, j’ai envie de la croire. Il faut dire qu’elle doit bien être ce genre de filles qui a l’art et la manière de se fourrer dans des histoires complexes. Ce serait naïf de la prendre pour une fille facile et idiote, n’est-ce pas ? Elle a plutôt l’air compliquée, pénible, et peut-être même difficile à supporter pendant plus de deux heures d'affilée. Franchement, ça ne m’étonnerait même pas et j’irais même jusqu’à dire que ça se voit rien qu’en la regardant. Reste à savoir si je suis vraiment un cas compliqué… Bon… Qu’est-ce que j’en sais ? A vrai dire, j’veux même pas savoir. Ou peut-être que je m’en fous. C’est aussi probable, mais je vais faire genre et prétendre que c’est intéressant, tout ça.

─ Ça vaut toujours la peine de creuser. Tu pourrais tomber sur une pépite d’or, que je lui réponds, avec cet air niais que je sais si bien arborer.

Je pourrais rire de moi mais je me retiens, parce que la métaphore est si belle et bien trouvée, admettez-le. Cela dit je ne sais pas trop ce qu’en pense Pyper. Elle se retourne soudainement et je reste con face à son dos, jusqu’à ce qu’elle me demande où se trouve mon bureau. Ah, ça. J’avais presque oublié qu’il était question de boulot, entre nous. Et j’allais lui répondre, au moment où elle retrouve mon regard pour me balancer une nouvelle réplique. Soit disant, elle cherche le jackpot… Moi je lève les yeux au ciel et prends un air blasé.

─ Tu peux aussi dire que tu as un caractère de merde, ça reviendrait au même mais ça aurait le bénéfice d’être plus concis. Or j’aime ce qui est concis. Je lui affiche un grand sourire et reprends ma route vers mon bureau. C’est par-là, princesse.

Que ce soit clair, j’ai horreur des surnoms amoureux. Enfin niais, plutôt. Mais quand il s’agit d’embêter mon monde, là c’est légèrement différent et j’aurais même tendance à en abuser tellement ils sont ridicules. Bref, nous arrivons dans mon bureau qui est plutôt simple, sobre et ordonné, signes que j’en suis bel et bien l’occupant. J’invite mon amie à s’asseoir et je vais prendre ma place, reposant très vite mon attention sur les papiers du contrat. Néanmoins… J’ai du mal à ne pas relever mes yeux vers elle entre-temps.

─ Pas trop déçue par le manque de luxe des lieux ? J’espère que le siège est assez confortable… dis-je pour la taquiner, étant dans un fauteuil bien plus moelleux que le sien, ou pas, en fait.

Non c'est vrai, je m'en fiche... et ça lui fera les dents.

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Je serais juste l'attrape-cœurs et tout. D'accord, c'est dingue, mais c'est vraiment ce que je voudrais être. Seulement ça. Salinger

My window to the sky

ANDREAS & PYPER  

Je ne saurais dire s'il m'énervait ou s'il m'intéressait, la seule chose dont j'étais certaine c'était que la balle rebondissait parfaitement entre nous deux et que ça, ça me plaisait. Non pas que j'aimais piquer gratuitement, mais.. si. J'aimais piquer gratuitement, c'était ma marque de fabrique, et apparemment c'était la sienne aussi. Et quand nos piques s'entremêlaient c'était un échange explosif qui avait le don de m'empêcher de réprimer mon rictus au coin des lèvres. Clairement, j'avais peut-être trouvé un adversaire à ma taille – métaphoriquement parlant parce que littéralement, tous mes adversaires s'étaient avérés être plus grands que moi. Loterie biologique merdique. « Sauf que les pépites d'or parfois tu te rends compte que c'était juste une immense arnaque et tu t'en veux parce que tu as donné beaucoup justement pour cette.. pépite. » Je faisais dans la métaphore aussi, puisque apparemment nous étions royalement dans ce registre. Et j'aimais les métaphores, tant mieux pour moi tiens. Je marchais presque à reculons sans savoir ou aller, mais je faisais un effort (presque) surhumain pour éviter que mon regard ne croise le sien. Question d'honneur, j'avais dépassé le quota de regards depuis un bail maintenant, plus question de me perdre à nouveau dans ses yeux azurs. Je ris, intérieurement. J'avais un caractère plus que merdique, j'avais le caractère de l'impossible même, des vraies montagnes russes. Un jour j'étais prête à conquérir le monde, un autre j'étais d'humeur chips, prête à craquer à n'importe quel moment. Mais entre nous, pour les autres, j'étais toujours d'humeur à conquérir le monde, quand la pseudo tristesse me vient, la fierté me retient, bel équilibre dans ce corps déséquilibré. « J'ai pas un caractère de merde, j'aime juste ne pas perdre mon temps pour rien. » Esprit de contradiction bien sûr, il annonçait noir je balançais blanc, dynamique que nous prenions depuis le début.

Princesse. Je ne relevais pas mais je n'empêchais pas non plus à mon sourire de s'étirer avec assurance et sans aucune discrétion, j'avais le don d'adorer les mots qui m'encensaient, ceux qui embaument le cœur et qui gonflent l'égo. Je rentrai dans la pièce, les talons claquant discrètement le sol tandis que mon regard analysait l'ensemble de la pièce. Rien d'original, presque déçue que la fantaisie de son caractère ne se retrouve ici. On aurait presque envie de se la jouer cabaret à tourner les serviettes pour rajouter de la folie dans cette salle sombre. Enfin, peut-être que c'était mieux ainsi, pas de cabaret, sobriété de sortie. Mieux pour tout le monde d'ailleurs. Je m'assis sur une chaise au confort rudimentaire et fouillais dans mon sac pour sortir un stylo. J'avais la haine, celle qui s'installe secrètement, instiguée par la jalousie naissante. Pourquoi j'ai pas de chaise bien moelleuse moi aussi? J'avais ce sourire ironique qui se dessinait sur mon visage, les mots sonnant faux. « C'est super, j'ai jamais rêvé mieux. » Je croisai les jambes avant de tapoter mon stylo sur le bureau. « Faut signer où? Non pas que je sois impatiente de quitter cette chaise au summum du confort mais je suis venue pour ça quand même. » Piqûre de rappel, même si honnêtement mon contrat n'était plus ma plus grande priorité. J'avais bien trouvé un autre sujet sur lequel m'attarder, le sujet Andreas, celui qui me donne envie de le connaître par cœur. « Ca manque un peu de féminité dans ce bureau, le style bûcheron c'est pas vraiment ce qui caractérise  Millenium Advertising.. » Je le défiai du regard, reculant mon corps contre le dossier, les yeux encore une fois attirés dans les siens.

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J’ignore si la métaphore sur la pépite d’or lui a plu ou non, mais on dirait qu’elle tient à la relier directement à son vécu personnel. Simple intuition, hein, cela dit je pense quand même taper dans le mille. La bichette a peut-être donné beaucoup en amour pour au final pas grand chose… enfin moi, autant vous dire que ça me fait une belle jambe.

─ Fallait pas tomber sur la mauvaise pépite aussi… C’est tout un art de trouver la bonne.

Un art que je ne maîtrise aucunement, d’ailleurs. Si elle croit qu’elle est seule de nous deux à s’être fait avoir par l’amour, elle se trompe sur toute la ligne. Quoi qu’il en soit, je vais le garder pour moi et me contenter de suivre ma stratégie de départ, à savoir : quand je prétends quelque chose, je vais jusqu’au bout de l’idée. Même si elle est conne. Et surtout avec les filles. Alors ouais, ça fait une stratégie de con, je vous l’accorde, mais entre nous je ne suis plus à ça prêt. Et puis entre ma bête obstination et sa tendance à me contredire toutes les cinq secondes… Je vous le dis, on ira loin en affaires elle et moi.

─ C’est étonnant comme toutes les filles qui ont un caractère de merde aiment dire qu’elles n’ont pas un caractère de merde. Il faudrait que je réfléchisse là-dessus, c’est un sujet d’étude vraiment passionnant ! Pour ma recherche sur le terrain, j’irai te voir.

Je lui adresse un petit clin d’oeil en cours de route, espérant avoir réussi à la faire taire ou plutôt, rager silencieusement. Une fois que nous sommes installés dans mon espace de travail et qu’elle prend en considération mon adorable remarque, j’ai la (mal)chance de pouvoir savourer une pointe de sarcasme, puis sa soudaine urgence. Je souris vaguement en haussant les sourcils, comme pour dire “pardon votre majesté, je reprends ma lecture” puis je repose mes yeux sur les feuilles qui sont sous mon nez. Tout m’a l’air impeccable, de la durée du contrat à la rémunération, en passant par quelques détails, moins importants. Quand je m’apprête à retourner la feuille vers elle pour lui faire vérifier ses coordonnées postales, entre autres, mademoiselle se permet une remarque sur mon bureau. C’est qu’en plus, elle me provoque du regard.

─ Le style bûcheron ? Que je répète, en riant d’abord. Tu es en train de dire que mon bureau a un style bûcheron ? La belle saloperie, elle a l’air fière d’elle. C’est vrai que ça serait presque vexant. Il n’y a qu’un homme dans ce bureau et il a une sainte horreur du rose Barbie, alors pour la touche de féminité… Je crois que c’est un peu foutu, non ? Tes jolis yeux me pardonneront ?

Un petit temps pour un petit - long - regard tueur entre elle et moi, puis je lui mets deux exemplaires sous son nez, après les avoir moi-même signés au nom de l’agence.

─ Si tu veux bien vérifier ces informations avant de signer et d’embarquer cet exemplaire. Ça serait dommage que ton salaire se trompe de destinataire... quoique bien amusant je dois l’avouer, dis-je en souriant avec un brin de moquerie. Ensuite je te libère, puisque tu as l’air pressée de me dire au revoir... Bon, ça m'attriste un peu, mais je ne vais pas te retenir dans ma cabane.

Je lui offre le plus beau de mes sourires, peut-être un poil insolent. Parce que qui dit au revoir, dit revoir. Pour sûr. Elle n'en a pas fini avec moi et surtout, je n'ai pas envie d'en finir avec elle.

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Je serais juste l'attrape-cœurs et tout. D'accord, c'est dingue, mais c'est vraiment ce que je voudrais être. Seulement ça. Salinger