de nos propres ailes (lola)

Le soleil ne joue pas avec la Californie. Il y règne et rien n’y personne ne voudrait le défier. Surtout pas nous, les participants de Coachella, toujours plus avides d’énergie positive et de distraction.

L’endroit fait rêver et pour lui, les qualificatifs se multiplient. Paradisiaque, diraient certains. Nécessaire et tant attendu, pour ma part. C’est si simple et compliqué à la fois mais tous vous diront qu’il n’y a quà se laisser bercer par le programme merveilleux du festival… et en cet instant précis, j’ai bien l’impression que le coeur des festivités se trouve face à la scène principale où se représente la grande star Calvin Harris.

J’avance joyeusement, en compagnie de ma bande du moment et sans plus penser à ma routine urbaine. Pari gagné. Sous mon chapeau de paille et derrière mes lunettes de soleil, c’est l’insouciance allègre qui me guide. Elle habite mes pas et leur direction s’en retrouve quelque peu chamboulée, comme elle l’est d’ailleurs pour tous les copains. Dana se met à sautiller, renversant au passage la moitié de son verre, mais tout le monde s’en fiche et elle la première. Celine, opportuniste, a braqué sa caméra sur elle et mon désir de marquer les esprits triomphe de moi ; je rejoins la première, bien plus alcoolisée que moi, et nos bras s’accrochent, se lient et se délient dans une danse improvisée au rythme de la mélodie ambiante. Dana se met à rire et je fais de même, sans trop savoir si c’est par pure gaité ou plus par moquerie. Est-ce si important ?

C’est comme si je pouvais toucher l’euphorie du bout des doigts. Dans cet univers estival de fête, tout le monde semble vivre une nouvelle vie et il me prend de souhaiter ne plus jamais partir d’ici.

Les bandes sont là par centaines, et peut-être même par milliers. Il est difficile de leur prêter attention mais, il faut toujours un mais. Un mais aux couleurs flamboyantes, à une dizaine de mètres de moi, qui semble goûter lui aussi au bonheur. Serais-je vraiment moi si je continuais ma route, sans lui accorder ne serait-ce qu’une minute de mon temps ? Ses cheveux ont ce pouvoir de m’attirer comme un aimant et en suivant ce nouveau chemin tracé, j’abandonne lâchement Dana, Celine, et les autres.

Lola n’est pas seule. D’autres filles sont là, dont une blondinette aux yeux carrément hypnotisants qui croise mon regard une seconde à peine quand je m’apprête à surprendre la rouquine en posant mes mains sur ses épaules et en lui chuchotant au creux de l'oreille :

─ Bah alors, tu ne me présentes même pas tes copines ?

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Je serais juste l'attrape-cœurs et tout. D'accord, c'est dingue, mais c'est vraiment ce que je voudrais être. Seulement ça. Salinger

« Non. »

Elle rit un peu. C'est une surprise agréable de le trouver là...

«  Elles sont trop bien pour toi. Ou tu n'as pas le cœur assez protégé pour qu'elles ne te blessent pas... Ou alors, je veux te garder pour moi. Choisis... quelle est la solution que tu préfères ? ! »

Lola a sursauté, en sentant les mains sur ses épaules, sourit en reconnaissant la voix, frissonné au souffle sur son oreille. Mais, surtout, surtout, elle a souri. Sans cesser de danser. En lui répondant, malicieuse.

Elle a bu, un peu. Pas trop. Assez pour se libérer, assez pour se sentir pousser des ailes. Pas assez pour risquer de se jeter au cou de la première blonde affriolante qu'elle croiserait. Avec un rire elle se retourne, pose un baiser sur la joue d'Andreas et lui prend la main, pour tournoyer.

Il a parfois cet effet là sur elle : l'insouciance. Grisante, puérile, confiante.

« Les filles... Andreas Klein... Andreas... Eden, Clara et Summer... »

Je vois leurs regards le dévorer. Même Eden , pourtant casée depuis deux ans, même elle... Il est beau, c'est vrai. Une beauté virile, indéniable, classique, assurée, tranquille, qui rayonne à chaque mouvement, chaque regard, s'anime et transpire de promesses... Même moi je le vois. Alors comment l'ignoreraient-elles ? Avec un rire, je prends le menton de la brune et détourne son regard, chuchotant à son oreille, alors qu'elle me réplique qu'il n'y a pas de mal à regarder. Sauf si la chasse est gardée. ET même là...

Je caresse un moment l'idée de lui dire que oui, elle est gardée, la chasse, de faire croire que j'ai pour Andreas plus que de l'amitié. Il faudrait que je ranime le vieux fond de cancans qui permet de me coller l'étiquette d'hétéro...

J'abandonne l'idée. Pas envie de cela, pas ce soir, pas avec la liberté et la légèreté dans mon sang, ma tête, mon ventre.

La musique ne s'arrête pas, nous ne cessons de danser, nos membres se mêlent, nos corps s'effleurent, dans la fourmilière immense du festival. Se comprendre n'est pas toujours simple, pas sur le fond musical, il faut hausser la voix, se pencher, glisser les mots à l'oreille.

« Tu vas bien ? »

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Lola, quand elle voit une fille sexy

Nul besoin d’aller flairer son haleine pour comprendre qu’elle a bu. Ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Lola guillerette, Lola légère… Ma petite Lola apprivoisée. J’ai le sentiment de tomber sur la bonne personne au bon moment pour partager ma bonne humeur.

Bonne humeur qui aurait pu être décuplée si son “non” avait été moins tranchant. Dommage pour ces filles, dommage pour moi… Quoique me présenter directement aurait peut-être été plus simple, non ? Cette idée me plait, mais elle est bientôt écrasée par d’étranges propositions tout droit sorties de l’esprit de la rouquine, qui ne manquent d’ailleurs pas d’occasionner quelques rires, le mien en premier.

─ Je sais que toi et moi c’est... soufflé-je alors, à moitié bourru, en la laissant deviner la suite de mon propos pseudo-romantique, mais parfois il faut savoir élargir ses horizons, tu sais…

J’adresse un large sourire aux filles qui ont le regard braqué sur nous. Les présentations ne tardent pas. Eden a un prénom convaincant à lui seul, Clara un air nordique hautement séduisant, quant à la fameuse Summer, ce sont décidément ses yeux qui ne cessent de me captiver. Mais c’est la première vers laquelle Lola s’approche pour lui adresser quelques messes basses inaudibles. Leurs gestes néanmoins me permettent de comprendre relativement bien ce qui se passe ; Eden n’a pas besoin de dire tout haut ce qu’elle pense, son seul regard me remplume d’amour-propre.

Inutile de préciser que je suis enchanté de les rencontrer, pas même pour la forme… Souriant comme un coq au milieu de sa basse-cour, je lâche bientôt les yeux de la brunette pour retrouver ceux de Lola qui s’anime gaiement. Je dois détacher ma main encore accrochée à son épaule pour la regarder danser et m’accorder à elle, en toute légèreté, sans la moindre réserve. Les bras s’agrippent au rythme, et le corps suit le mouvement, trop facilement. Un peu plus loin, Calvin Harris sembler électriser la foule qui lui fait face et cela se propage, de mètres en mètres, de corps en corps, jusqu’à nous, et plus loin encore. Lola peine à se faire entendre mais ce soir, sa petite voix sera pardonnée.

─ On ne peut mieux et toi ? Que je demande en la regardant, visiblement heureuse. ─ Ça fait trop longtemps que je ne t’ai pas croisée… T’as même eu le temps de bronzer, c’est dire !

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Je serais juste l'attrape-cœurs et tout. D'accord, c'est dingue, mais c'est vraiment ce que je voudrais être. Seulement ça. Salinger

Je ris. Je ris... bêtement, stupidement heureuse, alcoolisée et si légère. Heureuse de ce festival, de mes amies, de son apparition, de son humeur ; heureuse de les voir, de les avoir autour de moi. L'amitié est une chance, un don, une joie. L’amitié ne se compte, ne se vend pas. Et j'ai ces amis-là, moi, malgré tous mes mensonges qui peu à peu se dissolvent. Ils m'ont pardonnée jusque là. A des niveaux différents, selon mes confiance, selon leur regard. Andreas est peut-être le pire, le plus dangereux, le plus rassurant. Il en a su le plus, le plus vite. En quelques heures. Alors que je le détestait cordialement ? Un tour de force qu'il n'a cessé de confirmer.

Et les lambeaux déchirés de mes peurs, de mes réserves, qui m'ont abandonné me laissent rire à ses propos, lui faire un clin d’œil et le regarder draguer, sans vergogne, mes amies. Oh et puis... Qu'il joue donc, ... Elles sont assez grandes pour s'y brûler les ailes et enflammer le ventre, et survivre. Je danse, lâche sa main, cessant les enfantillages, et les laisse échanger leurs regards lourds.

... même eu le temps de bronzer. Je ris un peu, hausse les épaules. « Tu as même eu le temps d'apprendre à être charmant !... ça doit faire... 2, 3 ans qu'on en s'est pas vu ? »

Je devrais m'en tenir à des phrases courtes et simples, avec le bruit environnant, les basses qui nous vrillent les os, les aigus la peau. Je ne devrais pas nous compliquer la vie.

« Je vais bien ! Mon petit cœur brisé se recolle, j'ai bu et je suis bien entourée... que demander de plus ? »

Puis je fronce le sourcils. Je ne sais plus si je lui ai jamais parlé de Riley... s'il va comprendre. Je hausse les épaules et refuse de m’appesantir sur les ombres. On se fatigue même de ça, même de s'apitoyer. Et puis... qui oserait être triste dans pareille ambiance.

« Et toi ? Du neuf ? »

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Lola, quand elle voit une fille sexy