Une pensée malsaine te traverse l’esprit lorsqu’il parle de punition et de fruits. Tu la balayes aussitôt. Ce n’est ni le lieu, ni le moment de fantasmer. Milo est incroyablement séduisant, c’est une certitude, mais tu n’as pas envie que ça dérape. Du coup, tu ne rentres pas trop dans son jeu, histoire qu’il ne se fasse pas de film et que ça ne finisse pas en scène érotique en cuisine. Tu te contentes de rire avant de trouver quoi rétorquer. - Les tomates, c’est aussi des fruits je te signale. - Et on en met sur les pizzas parfois ou généralement en coulis. Puis il y a aussi les olives et surement d’autres fruits mais inutile de tous les citer. Pourquoi pas mettre des ananas sur une pizza après tout ?! Ce n’est pas ce que tu préfères mais il en faut pour tous les goûts. Et comme tu l’as précisé juste avant, il faut savoir se plier aux exigences des clients. Répondre à la demande locale, c’est important. Si on fait le parallèle avec les tatouages, à Los Angeles, Milo doit avoir beaucoup de demandes avec pour modèle le sigle LA, les étoiles d’Hollywood ou encore des palmiers. Ce n’est peut-être pas ce dont il préfère tatouer, mais cela fait partit de son boulot. D’ailleurs, tu ne manques pas de lui prodiguer quelques conseils pour trouver des clients. Et encore une fois, il répond avec un air taquin. - J’en ai pleins d’autres mais j’en garde certains secrets ! - Tu teases, d’un air mystérieux, te prenant finalement à son petit jeu. Mais pas le temps de flirtouiller bien longtemps, vous avez du pain sur la planche ou plutôt des pizzas à faire. On se magne en cuisine. T’as bien rattrapé ton retard grâce à lui. Tu lui dois une fière chandelle. D’autant plus qu’il vient de se brûler avec le four. Aoutch. Sachant qu’il est brûlant, il doit avoir méga mal. Il peut jurer dans toutes les langues qu’il veut, ça ne changera pas grand-chose. Tu lui viens vite en aide en appliquant du froid sur sa blessure. Tu tentes l’humour mais visiblement c’est un poil trop tôt. Vous pourrez en rire une autre fois. - Franchement tu t’en sortais très bien jusqu’à là. Les accidents de travail, ça arrive. Le four, faut y faire gaffe. - Tu réponds de manière pragmatique. Tu te sens un peu coupable car tu aurais dû le faire à sa place ou faire de la prévention d’abord ou même lui passer des gants même si son cousin ne les utilise jamais, question d’habitude. Du coup, tu te montres au petit soin avec lui. Tu espères que cette blessure ne laissera pas de marque indélébile sur son bras. Malheureusement, vu la température du four, cela risque de durer un moment. Pas une petite brûlure de pacotille. Bon, au pire, il se fera un tatouage pour recouvrir la cicatrice.
- Pas à l’intérieur malheureux ! Tu ne vas pas foutre le feu dans ma cuisine quand même ! - Tu rouspètes lorsque tu le vois avec une cigarette au bout des doigts. Il se fou de ta gueule ou quoi ?! D’où lui vient l’idée de fumer en cuisine alors qu’il y a des clients à l’extérieur. Bon d’accord, il n’y en a plus que deux et ils sont ensemble à discuter en attendant leurs pizzas mais quand même. Ça ne se fait pas et c’est pas du tout professionnel. C’est comme s’il fumait en tatouant en même temps. - Viens. - Tu le traînes à l’extérieur en le tirant par le bras (pas celui estropié). Il veut prendre une pause, très bien, il y a droit, il a bien bossé. Mais dehors. Devant le comptoir. Tu l’accompagnes car le livreur n’est pas encore revenu faire sa dernière tournée et que vous avez bien rattrapé le retard à deux. C’est là que ton regard se pose sur ce fameux bras recouvert de symboles mais aussi de cicatrices, pas toutes dissimulées par l’encre. Tu t’apprêtes à lui demander ce qu’il s’est passé mais visiblement, ce n’est pas un sujet dont il a l’air de vouloir aborder. - Et tu en verras encore d’autres. - La preuve en est avec sa blessure du jour. Ce ne seront pas forcément les mêmes cicatrices mais il y en aura encore, c’est une certitude. C’est comme ça qu’on avance après tout. Tu te la joues philosophe. - C’est comme ça qu’on grandi. On apprend de ses erreurs, paraît-il. - Cela dépend évidemment des gens. Certains ne retiennent rien et refont les mêmes bêtises constamment. En tout cas, Milo reste un mystère. Tu ne sais pas grand-chose de son passé. Il ne veut jamais rien raconter. Tu l’imagines bien comme un mafieux Italien mais tu es sans doute loin de la réalité. - Ça ira pour ce soir. Je vais terminer seul. Je t’apporte ta pizza, bouge pas. - Tu déclares ensuite lorsque tu le vois lorgner sur l’horloge surement pressé de terminer son service. Vu qu’il fait ça plus ou moins bénévolement, et qu’il y a eu accident de travail, tu le libères de ses fonctions même si, avec cette pause, c’était déjà le cas finalement. - Merci encore, bello ragazzo, t’as fait du bon boulot. - Tu rajoutes, avec un air mutin, avant de regagner les cuisines pour finaliser les dernières commandes. Tu t’empares du carton déjà prêt de Mr. qui attendait sagement sur le four, pour lui transmettre son dîner sur le comptoir. - La bière est pour moi. - Autrement dit, tu lui offres aussi sa boisson. Tu encaisses les derniers clients présents et t’empare toi aussi d’une bouteille histoire d'accompagner l'italien. C’est la fin de service. Le livreur débarque d’ailleurs avec sa vespa. Tu l’aides à récupérer les derniers cartons à livrer, avant de revenir vers le tatoueur qui dévore sa pizza.