@Ophelia DeVito
tw : descriptions graphiques, violence
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J'veux qu'on me foute la paix. Ce soir, j'veux juste être seul avec moi-même, entouré par les conversations sans y participer. J'ai besoin de cette solitude salutaire, celle du pilier de bar qu'on vient pas faire chier. Un whisky pas trop mal en main, j'souffle de ma journée sans ressentir c'besoin de terminer ma nuit dans des bras éphémères et inconnus. J'fuis même ma coloc ; Caleb et sa masculinité toxique qui m'étouffe parfois même si j'apprécie c'type, et la folie de cette petite jeune recueillie comme un chaton abandonné dont j'oublie la présence une fois sur deux. J'veux pas les voir, ce soir. J'veux rentrer chez moi en titubant gaiement, foutre le bordel en faisant tomber mes clefs et m'étaler de tout mon long dans l'canapé pour sombrer jusqu'à demain. Faut bien des jours comme ça, des jours où rien ne va, où chaque seconde est une foutue torture dans un monde tellement cramé qu'il empeste. J'ai eu ma dose de relation sociale aujourd'hui, ma dose de gamins à effrayer avec une fausse tronçonneuse dans l'train fantôme. La plupart du temps, j'aime cet emploi, ce truc qui sort un peu de nulle part, mais aujourd'hui les cris suraiguës de gamines qui veulent se la jouer fragiles pour impressionner leurs mecs immatures m'ont gavé.
Alors me voilà là, à boire mon whisky en solitaire, à écouter d'une oreille les conversations autour de moi, à profiter d'la musique pas trop mauvaise qui plane sur le lieu. J'vide mon verre, j'adresse un bref sourire au barman qui m'en ressert un autre, j'fais chauffer la carte bancaire qui contient pas tant de thunes que ça. Et j'suis bien. J'me ressource, chacun sa façon d'le faire après tout. Oui, tout roule pour moi. Tout, sauf les deux types derrière moi qui commencent à s'échauffer un peu trop la voix. J'leur jette un petit coup d’œil par-dessus mon épaule ; ils ressemblent à Laurel et Hardy les pauvres. Et Hardy commence à hausser un peu plus la voix, j'comprends deux ou trois bribes, une connerie d'argent je crois. Ils commencent vite à me pomper l'air à se chauffer comme ça, c'est à rendre timbré. Qui peut être assez con pour aller boire des verres avec un mec qu'il déteste ? Hardy l'est, visiblement. Et voilà que Laurel s'y met aussi. J'essaie d'faire abstraction. Vraiment, j'essaie. J'dis rien, une vraie tombe, mais mon verre fini un peu trop vite dans mon gosier pour que j'fasse semblant de pas être agacé. S'ils pouvaient la fermer, putain. Mais non. Ils continuent. J'fini par me retourner, un énième nouveau verre entre les mains. J'les fixe, mais ils sont trop pris dans leur débat, d'une stérilité puérile et affligeante, pour m'remarquer.
La chaise de Laurel crisse sur le sol, projetée en arrière par le mouvement inattendu de son propriétaire du jour. V'là qu'il se lève, et j'vois un poing qui valse droit dans la tronche d'Hardy. J'lève les yeux au ciel, espérant encore qu'ils soient pas assez cons pour se battre là. Les conversations s'arrêtent, l'projecteur est braqué sur eux, et bordel qu'ils me gavent. Bien sûr, Hardy s'lève à son tour. L'espoir s'amenuise ; ils sont cons, c'est comme ça, j'l'ai su à la seconde où ils ont commencé à monter le ton. Hardy tente d'envoyer un crochet dans la tronche de Laurel mais se foire, et ça part en vrille la seconde qui suit. Ils se jettent l'un sur l'autre, les coups commencent à pleuvoir. Ils renversent leurs chaises, puis les boissons d'la table voisine ; les deux p'tites jeunes qui y sont se lèvent d'un bond et fuient vers le fond de la salle. Ils me niquent ma soirée en solitaire, les bâtards. Et ils niquent la soirée de pas mal de gens. Alors j'pose mon verre sur le comptoir du bar, un peu plus brutalement que ce que j'aurais voulu et j'y vais.
J'attrape Laurel par le col d'sa chemise et j'tire en arrière. Il perd l'équilibre, et c'est moi qui m'prend le coup d'Hardy, en plein dans les gencives. La chevalière du type me craque la lèvre, mais j'le réalise seulement en sentant l'sang qui en coule. « Putain, vous cassez les couilles. » que j'grogne en m'essuyant la bouche, avant d'attraper Hardy pour lui coller un coup d'boule en plein sur l'arête de son p'tit nez de bourge. Le craquement est presque satisfaisant, m'fait oublier la douleur qui s'disperse le long de mon front. Il est sonné, le con. Faut dire que les statures sont pas tout à fait les mêmes entre lui et moi ; j'gagne haut la main la bataille de la stature, le dépassant déjà d'une bonne tête. J'lis d'la peur dans son regard, et j'vais pas mentir, ça me grise. Ça faisait longtemps que j'avais plus vu c'regard là dans les yeux d'un homme. C'était une autre époque, et ça me titille de lui bousiller la gueule juste pour satisfaire mon égo. « C'est eux là-bas ! Je crois que le grand essaie de les séparer, mais... » La suite ? Rien à foutre, j'l'entends même pas. J'sens juste mon palpitant qui s'affole. Qu'on me dise pas qu'un connard a appelé les flics, putain. Ce serait le point final de cette journée de merde. J'réfléchis pas vraiment sur ce coup là ; comme si les condés allaient rappliquer aussi vite pour une bagarre de bar un samedi soir à vingt-trois heures. Non, ma raison s'est fait la malle, remplacée par la crainte d'me revoir déjà derrière les barreaux. Disons qu'j'suis censé faire profil bas, pas dégommer l'pif d'un type que je connais même pas. Alors j'me retourne en lâchant Hardy. Laurel et lui en profitent pour s'tirer, mais il me faut à peine une seconde pour ne plus m'en soucier.
J'me fige. J'entends plus la musique, j'entends plus les conversations qui reprennent pour parler de ce qui vient de se passer, j'sens même plus la chaleur de mon sang qui dégouline de ma lèvre fendue sur le côté droit. Putain, j'aurais préféré les flics. J'aurais préféré n'importe quoi sauf le fantôme d'un passé qui m'semble si loin. Fantôme qui, maintenant, n'est qu'à quelques mètres de moi. Les années n'ont pas eu beaucoup d'effets sur ce visage que j'reconnaîtrais les yeux fermés. C'est bien elle, j'le sais. J'peux tenter de me convaincre du contraire, essayer d'faire comme si c'était juste un sosie, je sais que c'est elle. J'suis incapable de bouger. J'suis incapable de parler. J'suis incapable de réfléchir. J'sais pas si j'ai envie de lui mettre une gifle ou de la serrer contre moi. Je sais plus. Alors j'reste juste là, comme un con, avec ma lèvre en sang et mon front douloureux sur lequel un hématome commence à se former. J'reste comme un con devant Ophelia, comme un con alors que j'voudrais fuir et aller vers elle en même temps.
Mais, putain, qu'est-ce qu'elle fout là ?
Alors me voilà là, à boire mon whisky en solitaire, à écouter d'une oreille les conversations autour de moi, à profiter d'la musique pas trop mauvaise qui plane sur le lieu. J'vide mon verre, j'adresse un bref sourire au barman qui m'en ressert un autre, j'fais chauffer la carte bancaire qui contient pas tant de thunes que ça. Et j'suis bien. J'me ressource, chacun sa façon d'le faire après tout. Oui, tout roule pour moi. Tout, sauf les deux types derrière moi qui commencent à s'échauffer un peu trop la voix. J'leur jette un petit coup d’œil par-dessus mon épaule ; ils ressemblent à Laurel et Hardy les pauvres. Et Hardy commence à hausser un peu plus la voix, j'comprends deux ou trois bribes, une connerie d'argent je crois. Ils commencent vite à me pomper l'air à se chauffer comme ça, c'est à rendre timbré. Qui peut être assez con pour aller boire des verres avec un mec qu'il déteste ? Hardy l'est, visiblement. Et voilà que Laurel s'y met aussi. J'essaie d'faire abstraction. Vraiment, j'essaie. J'dis rien, une vraie tombe, mais mon verre fini un peu trop vite dans mon gosier pour que j'fasse semblant de pas être agacé. S'ils pouvaient la fermer, putain. Mais non. Ils continuent. J'fini par me retourner, un énième nouveau verre entre les mains. J'les fixe, mais ils sont trop pris dans leur débat, d'une stérilité puérile et affligeante, pour m'remarquer.
La chaise de Laurel crisse sur le sol, projetée en arrière par le mouvement inattendu de son propriétaire du jour. V'là qu'il se lève, et j'vois un poing qui valse droit dans la tronche d'Hardy. J'lève les yeux au ciel, espérant encore qu'ils soient pas assez cons pour se battre là. Les conversations s'arrêtent, l'projecteur est braqué sur eux, et bordel qu'ils me gavent. Bien sûr, Hardy s'lève à son tour. L'espoir s'amenuise ; ils sont cons, c'est comme ça, j'l'ai su à la seconde où ils ont commencé à monter le ton. Hardy tente d'envoyer un crochet dans la tronche de Laurel mais se foire, et ça part en vrille la seconde qui suit. Ils se jettent l'un sur l'autre, les coups commencent à pleuvoir. Ils renversent leurs chaises, puis les boissons d'la table voisine ; les deux p'tites jeunes qui y sont se lèvent d'un bond et fuient vers le fond de la salle. Ils me niquent ma soirée en solitaire, les bâtards. Et ils niquent la soirée de pas mal de gens. Alors j'pose mon verre sur le comptoir du bar, un peu plus brutalement que ce que j'aurais voulu et j'y vais.
J'attrape Laurel par le col d'sa chemise et j'tire en arrière. Il perd l'équilibre, et c'est moi qui m'prend le coup d'Hardy, en plein dans les gencives. La chevalière du type me craque la lèvre, mais j'le réalise seulement en sentant l'sang qui en coule. « Putain, vous cassez les couilles. » que j'grogne en m'essuyant la bouche, avant d'attraper Hardy pour lui coller un coup d'boule en plein sur l'arête de son p'tit nez de bourge. Le craquement est presque satisfaisant, m'fait oublier la douleur qui s'disperse le long de mon front. Il est sonné, le con. Faut dire que les statures sont pas tout à fait les mêmes entre lui et moi ; j'gagne haut la main la bataille de la stature, le dépassant déjà d'une bonne tête. J'lis d'la peur dans son regard, et j'vais pas mentir, ça me grise. Ça faisait longtemps que j'avais plus vu c'regard là dans les yeux d'un homme. C'était une autre époque, et ça me titille de lui bousiller la gueule juste pour satisfaire mon égo. « C'est eux là-bas ! Je crois que le grand essaie de les séparer, mais... » La suite ? Rien à foutre, j'l'entends même pas. J'sens juste mon palpitant qui s'affole. Qu'on me dise pas qu'un connard a appelé les flics, putain. Ce serait le point final de cette journée de merde. J'réfléchis pas vraiment sur ce coup là ; comme si les condés allaient rappliquer aussi vite pour une bagarre de bar un samedi soir à vingt-trois heures. Non, ma raison s'est fait la malle, remplacée par la crainte d'me revoir déjà derrière les barreaux. Disons qu'j'suis censé faire profil bas, pas dégommer l'pif d'un type que je connais même pas. Alors j'me retourne en lâchant Hardy. Laurel et lui en profitent pour s'tirer, mais il me faut à peine une seconde pour ne plus m'en soucier.
J'me fige. J'entends plus la musique, j'entends plus les conversations qui reprennent pour parler de ce qui vient de se passer, j'sens même plus la chaleur de mon sang qui dégouline de ma lèvre fendue sur le côté droit. Putain, j'aurais préféré les flics. J'aurais préféré n'importe quoi sauf le fantôme d'un passé qui m'semble si loin. Fantôme qui, maintenant, n'est qu'à quelques mètres de moi. Les années n'ont pas eu beaucoup d'effets sur ce visage que j'reconnaîtrais les yeux fermés. C'est bien elle, j'le sais. J'peux tenter de me convaincre du contraire, essayer d'faire comme si c'était juste un sosie, je sais que c'est elle. J'suis incapable de bouger. J'suis incapable de parler. J'suis incapable de réfléchir. J'sais pas si j'ai envie de lui mettre une gifle ou de la serrer contre moi. Je sais plus. Alors j'reste juste là, comme un con, avec ma lèvre en sang et mon front douloureux sur lequel un hématome commence à se former. J'reste comme un con devant Ophelia, comme un con alors que j'voudrais fuir et aller vers elle en même temps.
Mais, putain, qu'est-ce qu'elle fout là ?
i want my innocence back