ETE 2021, Rosemont, Californie.
Elle a gagné ce concours, et il l’a engueulée. Pas même félicitée, pas même admirée, pas un instant. Engueulée comme du poisson pourri, voire pire. Alors elle a fui. Elle a fui, loin, très loin, sans même y penser, avec juste ce qu’elle avait sur le dos. Elle a pris un bus, puis un train, avant même de le réaliser, et lui a abandonné ses chats. Elle était si paumée qu’elle a même osé faire du stop, Lola, elle que les risques de cette pratique ont toujours inquiétée...
Ça lui serre le cœur, imaginer Adolf et Hitler seuls avec lui. Il pensera à les nourrir, imagine-t-elle. Mais elle s’inquiète. Elle angoisse assez pour avoir répondu à ses messages et ses appels, ce matin, après les avoir ignorés hier, toute la journée. Un simple « Je reviendrai quand tu seras calmé, quand je le serai aussi. Occupe-toi bien des chats. »
Il avait hurlé.
Il avait levé la main.
Elle avait évité son poing.
Et putain, putain…
Jamais il ne lui avait fait si peur.
Elle sait, pourtant qu’il va falloir rentrer. Elle ne peut pas traîner éternellement dans ce coin perdu. Rosemont. Jamais entendu parler avant d’y être déposée par le couple qui l’avait prise à l’arrière de sa vieille ford cabossée. Mais cela fait aussi bien l’affaire qu’un autre bled, et vu son humeur, marcher sans but suffit à l’occuper, les idées noires qu’elle rumine accaparant toute son attention. Le B&B où elle a logé était coquet, désuet, un peu, comme certaines maisons de cette ville, et comme les tenues de la plupart de ses habitants… Elle étoufferait bien vite, si elle venait à rester quelques jours.
La route où elle traînait ses jambes de sauterelle, une cannette de soda à la main, serpentait tranquillement dans un paysage aride ponctué du vert des gazons des habitants, et ainsi, Lola flânait, donnant ici un coup de pied dans un caillou, esquissant là un pas de danse, sous un soleil accablant , les épaules et le haut des bras écarlate– elle était partie sans crème protectrice et, malgré les années passée en Californie, sa peau ne s’était jamais habituée au rayonnement intense de l’astre du jour. La rue était déserte, large, les habitations de plus en plus dispersées, elle sortait de l’agglomération, ne tarderait sans doute plus à faire demi-tour. Mais il lui restait quelques heures avant que la nuit ne pointe le bout du nez, et elle ne s’inquiétait pas encore… Le désert environnant convenait plutôt bien à son humeur, finalement…
Jamais il ne lui avait fait aussi peur…
Mais il regrettait, sans doute, déjà…
Il s’excusait, dans ses messages.
Et puis, c’était sa faute, aussi…
Elle aurait dû le consulter.
Au fond, c’était un peu sa faute à elle aussi…
Qu’avait-elle fait, en partant, comme ça ?
Et s’il ne la reprenait pas ?
Que ferait-elle?
Qui serait-elle?
Pas même la pétarade d'une moto, qui approchait, ne parvint à la distraire de son inquiétude. Elle se sentait étouffer, avait envie de hurler ou de pleurer, elle ne savait plus... Dans un geste défait, elle laissa son sac à dos quasiment vide tomber à ses pieds et s'assit au sol, au bord de la chaussée, dans la poussière.
A quoi bon?
@Zusman Feld
Lola, quand elle voit une fille sexy