C’était sûr, hurler n’allait pas la guérir, pas physiquement en tout cas, mais mentalement, ça libérait quoi qu’on en pense. Un peu comme dans la chanson firework de Katy Perry, les choses pouvaient être mieux une fois qu’elles étaient dites. Durant la première année, il s’était tu. Il ne disait rien sur son état, et un jour il en avait eu marre et il avait tout balancé à Killian d’un coup comme ça durant un repas à l’hôpital. D’abord surpris, son cadet l’avait ensuite félicité, content de le voir enfin exploser. Il voyait bien qu’Eliott se retenait. Cependant, il savait qu’il avait réussi à la toucher, il la voyait agir et réagir. Tourner la tête, regarder la mer, verser des larmes qu’elle fit sécher dans un revers de main rapide. Elle lui faisait mal au cœur, il était passé par tout ça, on lui avait dit aussi qu’il allait mourir après un an de thérapie, pourtant il était encore là. Finalement, elle se lança dans une tirade, une longue tirade. Récupérant son chien alors que les jeunes partaient avec leurs mères, il les salua d’un hochement de tête, ne perdant pas une miette de ce qu’Eliott pouvait dire. Elle était en colère, terriblement en colère et il pouvait le comprendre. Il n’avait pas eu les mêmes soucis, il ne pouvait pas comparer leurs deux maladies, c’était juste impossible, mais il partageait avec elle cette idée de vie actuelle sans lendemain. Il avait eu la même, certes maintenant tout était mieux, mais il avait vécu ça aussi. Hurler n’allait rien changer, elle avait raison, mais ça faisait du bien et inconsciemment, elle venait d’hurler sur lui en lui vomissant à la figure tout ce qu’elle vivait, choses qu’elle ne devait sûrement jamais raconter, encore moins à un étranger. Il n’avait rien dit durant tout son monologue et enfin un soupir passa ses lèvres, il se posa alors dans le sable, ramenant ses jambes contre lui pour poser ses bras sur ses genoux, espérant qu’elle se joindrait à lui alors que Baloo s’amusait dans les vagues naissantes.
« C’est vrai… hurler ne va rien changer à ta vie… Mais ça fait juste du bien, n’est-ce pas ? » Il lui lança un regard avant de sourire doucement.
« Tu viens de m’hurler dessus tout ce que tu n’arrives pas dire d’une certaine façon. » Il avait une voix douce et vraiment calme, prenant le temps de parler, regardant l’horizon.
« Nos maladies sont incomparables Eliott… Je le sais parfaitement mais j’ai vécu les mêmes traumatismes que toi, les mêmes traitements, les mêmes angoisses… Et j’aurais aimé avoir quelqu’un à mes côtés qui savait ce que c’était et qui pouvait me comprendre. Pas me prendre en pitié ou me donner de faux espoirs. Juste me comprendre. Et je te comprends. » Un nouveau regard sur elle avant de fixer la mer.
« Je ne sais pas exactement ce que tu as dans le cerveau, mais je peux deviner le traitement que tu subis… Moi j’avais presque perdu tous mes cheveux, j’étais devenu maigre comme un clou et à la fin je n’arrivais même plus avaler quoi que ce soit tellement j’étais écœuré de tout. J’ai subi deux premières greffes, sans aucun résultat positif. On te donne un faux espoir et il s’envole comme de la fumée par une cheminée. J’ai fait 11 arrêts cardio-respiratoires en deux ans… à chaque fois réanimé, on m’a cassé les côtes plus d’une fois à cause de ça. Je ne suis pas là pour me plaindre de ce que j’ai subi, ne le prends pas comme ça surtout. » Il fit une petite pause avant de se passer la main dans les cheveux.
« On m’avait dit aussi que je n’aurais jamais d’enfant, que je ne pourrais sûrement jamais me marier, ou encore que j’allais finir comme un légume à force de faire des arrêts, mais je suis là. » Il ne la snobait pas, loin de là, il voulait lui montrer que c’était possible.
« Tu risques quoi si tu tentes l’opération, parce qu’une opération est possible non ? Etre aveugle ? Sourde ? Amnésique ? On t’offre une vie d’handicapée en gros contre la mort, c’est comme te demander de choisir entre la pendaison et la chaise électrique hein ? » Il se mordit la lèvre.
« En fait, on t’offre une demie vie contre pas de vie du tout… et ça te fait peur hein ? Peur de plus être la même, peur d’être seule, peur de te dire que finalement, il valait mieux mourir. » Il tourna sa tête vers elle.
« Si j’ai tort, gifle-moi, défoule-toi, insulte-moi-même si tu veux et dis-moi de ne plus jamais t’approcher et je le ferais, mais si tu penses que je peux… te comprendre à défaut de t’aider, te rassurer à défaut de t’apaiser et être une présence à défaut d’être un sauveur alors reste sur cette plage avec moi. Je ne suis rien Eliott, j’ai pas la science infuse, je n’aurais jamais ta souffrance, je suis pas un malade mental ou un idiot. J’suis juste… un bridé blond et un peu trop optimiste qui aimerait être une épaule quand tu as besoin. » Pourquoi ? Il ne la connaissait pas après tout… Mais comme dit plus haut, il aurait aimé connaître quelqu’un comme ça.
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