OCTAHL ϟ J'suis tout à fait sain, j'vous jure !

Un psy ? Sérieux ? J’ai longuement dévisagé m’man pour savoir si elle s’foutait ou non de m’gueule, mais apparemment non. Elle était très sérieuse dans sa demande, plutôt ordre déguisé en suggestion. Pfiouuu, elle s’inquiétait décidément trop. J’allais bien que je lui ai dit. J’vais bien. Parfaitement bien. Mais tu te rends compte que tu…tu vas… ? J’ai souri. Oui, j’sais que j’ai répondu, j’sais m’man. J’suis le mieux placé pour savoir que j’vais bientôt clampser quand même. J’le sens tous les jours, chaque matin. Chaque fois que la douleur me lance tellement que tout autour devient imprécis, bizarre, en mode t’as fumé un long joint et que tu t’lèves soudainement pour genre aller pisser et autour d’toi, c’est…pas comme ça devrait. Puis, j’me fais un peu d’opium et tout va mieux. J’gère, que j’ai ajouté à m’man en prenant un sourire rassurant. Puis elle a insisté, presque supplié et comme j’lui refuse rien…me voici dans la salle d’attente de la psy, recommandée à ma mère. J’lis vite fait un magasine laissé pour les patients…enfin lire, je regarde juste les images qui m’tapent dans l’œil, le plus souvent de bagnole ou d’nanas à moitié à poil, eh, j’suis un homme qui aime les belles choses. Pas d’quoi s’exciter et rien de sexiste dans ma démarche, on m’laisse mater gratos, j’vais pas dire non. Ouais, c’est bon, j’sais qu’elles sont toutes retouchées par photoshop, pas b’soin d’me faire la leçon, j’sais, comment ça s’passe dans ce genre de trucs, n’empêche qu’elles sont…bonnes quoi. Pas d’quoi avoir envie d’s’branler, ça va, j’suis pas non plus un puceau qu’a jamais vu le corps dénudé d’une meuf dans sa vie mais ça son petit effet…disons que mes yeux sont contents du spectacle, t’vois. Autre belle créature, ma psy qui vient de rentrer dans la pièce. J’comprends tout de suite mieux le pourquoi de sa réputation, sûr que la plupart sont que des hommes. Mon regard s’perd un peu partout sur son corps, ignorant où s’poser, y a tant de trucs à voir et à contempler. « Wow, vous êtes magnifique » que j’dis, spontané en me levant pour la suivre, sûr qu’un filet de bave dévale sur le coin de ma bouche. J’la suis et bien sûr, je mate un peu ses fesses…parfaites. P’tain, LES FEMMES PARFAITES SANS PHOTOSHOP CA EXISTE. ET C’EST MA PSY. Oh my goooooood ! Calmos Jaja, calmos. Concentre-toi, viens pas faire ton puceau timide qui perd tous ses moyens devant une beauté…UN CANON ATOMIQUE QUOI. Tiens, quelqu’un a monté le chauffage ou quoi ? « j’tiens à vous dire que j’ai pas d’problème et que j’suis ce qu’il y a de plus équilibré » que j’annonce directement après m’être assis. « Oui, j’sais, ça tendance à faire penser le contraire…mh »

Confortablement installée dans le fauteuil de mon bureau, je zieutais la liste des patients que je devais voir aujourd'hui. La plupart étaient des patients dits « habituels » que je côtoyais depuis quelque temps déjà. Néanmoins un nouveau nom figurait sur ma liste. Lewis. Un sourire vint prendre place sur mon visage. Cela me fit automatiquement penser à Jayden qui portait le même nom. Je savais bien qu'il n'y avait probablement aucun lien de parenté entre ces deux personnes, Lewis étant un nom répandu aux Etats-Unis mais je trouvais la petite anecdote plutôt amusante. Je ne savais pas grand chose sur ce jeune Lewis, ce n'était d'ailleurs pas lui que j'avais eu au téléphone mais sa mère qui s'inquiétait grandement pour lui. Touchée par le désespoir de cette mère rongée par les doutes et l'inquiétude j'avais accepté avec grand plaisir de m'occuper de son fils. Je ne disais jamais non à un nouveau patient de toute manière. Pas pour l'argent, évidemment que non, j'avais une situation financière plutôt confortable et ce n'était pas forcément dans mon avantage d'accepter de nouveaux clients. Mais il était important pour moi d'aider le maximum de personnes possibles. C'était à mes yeux le moins que je pouvais faire. C'était ainsi que quelques heures plus tard, alors que je venais de terminer ma séance avec le petit Henry, un enfant de 7 ans que je suivais depuis déjà deux ans que je vis enfin ce monsieur Lewis. C'était un jeune homme d'environ 25 ans, très mignon il fallait le dire même si ce n'était pas le sujet. Soyons honnêtes, c'était toujours plus agréable de m'occuper de beaux garçons que d'enfants même si j'adorais ces gosses ! J'échappais un léger rire à sa remarque. Et bien il n'y allait pas par quatre chemins celui là, c'était le moins qu'on puisse dire ! Un sourire étira mes traits même si je tenais à rester sérieuse. C'était mon premier entretient avec lui, donc le plus important. « C'est gentil merci. Veuillez me suivre s'il vous plait. » Alors que nous rentrions dans mon bureau je sentais son regard dans mon dos. C'était un bien un homme ça je vous jure ! Tous les mêmes ! Je levais les yeux au ciel un instant, quelque peu amusée par son comportement. « J’tiens à vous dire que j’ai pas d’problème et que j’suis ce qu’il y a de plus équilibré » J'arquais un sourcil à sa remarque. Ce n'était jamais bon signe d'affirmer quelque chose dans le but de persuader la personne que nous avons raison et elle tord. Je n'avais jamais eu affaire à ce jeune homme mais je sentais d'ores et déjà que nos rendez-vous seraient intéressants. Automatiquement sa réponse me fit penser aux personnes ayant trop bu qui clamaient haut et fort qu'elles allaient bien et qu'elles étaient parfaitement conscientes de ce qu'elles faisaient alors que la majorité du temps c'était totalement faux. Néanmoins, il était hors de question pour moi de le juger trop vite. Ne jamais se faire une opinion au premier rendez-vous, sinon cela faussait notre « diagnostic ». Il fallait que j'en sache plus sur lui, que je le fasse parler, que je comprenne pourquoi sa mère tenait à tant à ce qu'il me rencontre. Mais je ne voulais pas poser de questions, il fallait que ce soit lui qui me dise tout ça et non qu'il soit dirigé pour me répondre. « Vous savez je ne suis pas là pour vous juger. » C'était un point qu'il fallait mettre au clair. Certains patients ne se sentaient pas à l'aise car ils craignaient mes réactions. Or j'étais là pour les aider, non pour émettre un jugement sur leurs vies ou leurs réactions. Je devais rester objective quoi qu'il arrive. « Dites moi en un peu plus sur vous Jamahl. »

Bon faut pas être un génie pour savoir qu’elle me croit pas l’moins du monde et puis merde, c’est normal quoi, un mec qui s’pointe en mode ‘jsuis fou’, c’est comme un voleur qu’on retrouve entrain de cambrioler et qui t’sors ‘je vole pas’ ou ‘c’est pas ce que vous croyez’. Bon niveau première impression c’est un peu loupé là non ? Bordel elle m’intimide à donf. Ta gueule Syd, arrête de t’foutre de ma gueule et sors-moi de là. J’ai pas pour habitude de stresser autant, mais les gens excessivement beaux ont toujours cette sale manie d’impressionner les autres au point de les rendre timides, pourtant j’suis pas timide moi. Tu l’sais. J’ai pas d’problème à parler en public, à dire ce que j’pense à aller vers les autres, à faire un strip-tease dans une salle remplie de gens que j’connais pas mais là…c’est la merde. Bon, bon, se reprendre, se concentrer et surtout éviter de dire des conneries comme d’habitude. Installer ce foutu filtre à paroles histoire de faire bonne impression. « c’est noté ma’m ! » que j’dis avec un grand sourire. Ok, pas mal jusque là, faut s’arrêter là. Ecoute Syd, j’ai pas assez d’entrainements pour faire mieux pour le moment mais sois pas aussi rabat-joie, c’est plutôt cool non ? « Parler de moi… » je réfléchis un instant, mais pas trop longtemps quand même mais j’dois faire gaffe à ce que j’vais dire encore une fois car c’est une question trop vague et qui animerait par conséquent le côté connerie de mon cerveau. « Je m’appelle Jamahl Lewis, vingt-cinq ans et malade, ‘fin j’imagine que ma mère vous en a déjà donné tous les détails et que mon dossier est bien garni » j’fais une pause. C’est pas mal, je m’améliore, bon, loin d’être parfait mais je progresse. Peut-être que bientôt j’pourrais parler comme une personne normale et respectable, j’entends par là une personne qui irait mieux avec une femme comme elle. « Sinon euh…j’suis célibataire mais pas fermer à l’amour, j’attends toujours la bonne qui j’espère ne tardera pas trop quand même » que j’dis avec un sourire. Ouais, qu’elle se dépêche, j’aimerais bien en profiter avant de clampser. Peut-être même que j’l’ai déjà rencontré et que c’est ma sexy psy, putain, ce serait tellement génial. Ouais, moi aussi j’en doute Syd, on est pas du même monde « j’aime la bonne bouffe, surtout l’italienne que j’cuisine d’ailleurs moi-même plutôt pas mal » il faut savoir s’vendre un peu, on sait jamais, j’ai aucune chance mais peut-être qu’elle changera d’avis en voyant à quel point j’suis merveilleux. Roh ta gueule Syd, va te coucher. « je reviens d’un tour du monde de cinq ans…je crois bien qu’on a fait le tour de ma personne, peut intéressant faut l’avouer » j’ris un peu. Vu cette description ça pas l’air d’être une existence remplie mais mes voyages, tout ce que j’ai vu, toutes les personnes que j’ai rencontré m’aide à supporter le reste. Je reporte mon attention sur elle « Et vous ? Puisqu’apparemment on va s’voir souvent autant que j’vous connaisse un peu mieux non ? »

La psychologie. Cette matière si particulière qui depuis toujours m'attirait. Déjà, lorsque j'étais adolescente, je me plaisais à aider les autres par la parole et par l'écoute. J'avais compris alors que l'on pouvait soigner de nombreux maux en étant simplement attentif à l'autre et à ses besoins. Le mal être intérieur était quelque chose qu'il ne fallait pas sous estimer. Cela pouvait nous détruire à petit feu et n'importe quel humain normalement constitué ressentait l'envie voire l'obligation de se confier un jour. Cela pouvait paraître exagéré, mais vider son sac, parler et être écouté était devenu presque vital pour chacun d'entre nous. Ainsi, en étant psychologue, j'avais la sensation d'être utile à la société. Comme si, au final, j'apportais un peu de sérénité dans la vie -souvent difficile- de mes patients. J'ai toujours ressenti l'envie d'aider les autres. Peut-être parce qu'ainsi je m'aidais un peu moi même ? La seule chose dont j'étais certaine à l'heure actuelle, était que j'aimais mon métier. J'étais particulièrement fière d'avoir réussi. Aujourd'hui et pour de nombreux jours à venir, j'avais une véritable raison de me lever le matin. Mon travail me permettait de garder la tête hors de l'eau et de ne pas sombrer dans mes vieux démons. Ma vie n'avait jamais été facile et il était essentiel pour moi de continuer à garder espoir. Puisque ma relation amoureuse n'était pas au meilleure de sa forme et qu'avec mon frère les choses pouvaient être quelque peu étrange, mon métier était tout ce qu'il me restait. C'était ma bouée de sauvetage. Grâce à cela je continuais de garder les pieds sur terre et évitais de m'éparpiller en pensant sans cesse à toutes les complications qui existaient dans ma vie. M'occuper des autres me vidait la tête. De plus, ce jeune homme avait quelque chose d'attachant. Je ne saurais dire pourquoi mais il était touchant. Néanmoins je n'étais pas dupe et comprenais que quelque chose clochait chez lui. Après tout il n'était pas là sans raison. Mais c'était mon travail d'en découvrir un peu plus à chaque séance. Et pour un premier entretient je n'avais pas à me plaindre. Il était assez bavard, contrairement à certains patients qui pouvaient mettre des semaines avant d'oser dire un mot. Le fait qu'il soit ouvert à la conversation était bon signe, même si j'avais plutôt l'impression qu'il en profitait pour pouvoir me séduire. Sa façon de faire était amusante bien même si cela manquait cruellement de subtilité. Je l'écoutais, attentive, retenant certains mots plus révélateurs que les autres. Cela me permettait d'en savoir plus sur la personne. Il ne s'en rendait probablement pas compte, mais sa façon de parler et les mots choisis avaient une signification particulière. Je ne devais rien montrer, c'était la règle, mais entendre qu'il était malade me désolait au plus haut point. Sa mère n'avait été que très brève à ce sujet, tant cela était douloureux pour elle d'en parler. C'était injuste, il était si jeune... Et beau garçon en plus de ça. Néanmoins sa façon d'en parler montrait clairement qu'il assumait sa situation. Il ne se voilait pas la face et acceptait son sort. Malgré tout je devais en savoir davantage, car c'était je crois, le cœur du problème. « Vous êtes malade donc. Dites moi en plus sur votre maladie, sur ce que vous ressentez par rapport à tout ça. Comment votre entourage le vit également. » Je rebondis ensuite sur ses autres paroles. Sa petite précision sur son célibat et son envie de trouver l'amour me fit sourire. Essayait-il de me faire passer un message ? L'idée était amusante et assez plaisante je devais bien l'admettre. « Vous attendez donc le grand amour ? Pourquoi êtes vous pressé de trouver la bonne ? Votre maladie est une pression pour vous ? Vous avez peur de ne jamais trouver l'amour, vous avez la sensation de ne pas avoir le temps à vos côtés c'est ça ? » Toutes ces questions pouvaient paraitre étouffantes mais nous n'avions qu'une heure devant nous et il était important de ne pas passer par quatre chemins. Néanmoins, il était essentiel de ne pas être trop brusque ou trop directe pour ne pas braquer le patient. La confiance était primordiale dans ce métier mais je n'étais pas trop inquiète avec le jeune Lewis. Il semblait à l'aise en ma compagnie et c'était tout ce qui comptait. « La cuisine est une passion pour vous ? Vous en avez fait votre métier d'ailleurs, si mes souvenirs sont bons. Qu'est-ce que cela vous apporte dans votre quotidien ? » Je ne souhaitais pas aborder seulement les mauvais côté de sa vie. Sa maladie ne résumait pas tout, voilà pourquoi je me renseignais également sur les choses qui lui tenait à cœur. La cuisine semblait en faire partie. Tout comme les voyages. Un tour du monde de cinq ans ce n'était pas rien. Beaucoup de personnes n'avaient pas le courage de partir, surtout durant une aussi longue période. Cela reflétait une ouverture d'esprit et un certain courage. Pour son âge, ce jeune homme avait accomplit de nombreuses choses et semblait aborder la vie d'une manière particulière et surtout différente des autres individus de son âge. « Waouh, un tour du monde ce n'est pas rien ! Vous êtes partis très jeune. Avez-vous toujours ressenti ce besoin d'évasion, d'ailleurs ? Qu'est-ce que ce voyage vous a apporté concrètement ? » Voyager... C'était l'un de mes rêves. Évidemment, j'avais fait quelques excursions au cours de ma vie, mais jamais d'une aussi longue durée. J'étais allée quelques fois en Europe, mais c'était tout et ça n'avait jamais duré plus de deux semaines. En somme  j'étais bien loin d'un tour du monde de cinq ans. Sa dernière remarque me fit rire. Clairement, il ne perdait pas le nord et saisissait la moindre occasion pour en découvrir davantage sur moi et ma vie. Cela m'amusais plus qu'autre chose. La démarche était sympathique. Un sourire vint prendre place sur mon visage habituellement neutre. Je le regardais droit dans les yeux avant de répondre : « Bien essayé mais vous n'en saurez pas plus sur moi. C'est contraire à l'éthique, je suis désolée. Tout ce que vous devez savoir, vous le savez déjà. »

Putain, Sid, j’arrive pas à croire que j’suis dans le salon de consultation d’un psy, sérieux moi. Comment ça, ça devrait pas me surprendre ? Je t’emmerde sale con, j’suis tout à fait normal ! Bon j’avoue que parler à ma tumeur c’est pas la preuve d’une vraie clarté d’esprit, plutôt de la folie mais bon, à part ça, y a rien à signaler. J’suis tout à fait normal. Bon, ok, j’prends un peu d’Opium et beaucoup de joint ce qui apparemment peuvent avoir des effets néfastes sur ma santé à la longue…et ça fait très longtemps que je les prends. ouais, c’est bon, j’sais additionner. Mais ca va, j’me sens bien. J’délire, ‘fin pas plus que d’habitude, j’tiens encore des propos cohérents, ouais, cohérents dans mon monde, certes. C’est pas comme si j’me levais tous les matins pour aller faire un marathon dans les rues en hurlant à la mort. Bon, c’est pas faux que j’ai fait du skate dans la fac, mais ca va, c’était rien, j’étais tout à fait conscience d’être à poil, j’suis pas fou j’te dis. Mais bordel va te faire foutre enfoiré ! « Arf, vous savez, chui pas doc moi, parait que c’est une tumeur ou un truc dans le genre, en gros, il me reste plus longtemps quoi ! » Je hausse les épaules. J’crois que c’est bien la première avec qui j’en parle qui fait pas partir de la famille et qui est pas toi. C’est bizarre…vraiment bizarre. Au fond j’ai pas envie de m’étendre là-dessus, c’est pas le plus important, moi ce que je veux c’est en savoir plus sur elle. « Wouaaaaw ! Trop de questions, vous savez j’ai qu’un cerveau, vous posez déjà la deuxième question que je me souviens plus de la première ! » J’éclate un peu de rire amusé. Ce que cette psy dégaine, on dirait Clint Eastwood dans un de ses westerns en mode sauveur de la veuve et de l’orphelin. « Donc, euh…comme j’vous ai dit, j’vais bientôt mourir alors autant en profiter non ? Au moins quand j’aurais trouvé la bonne j’vivrai pas assez longtemps pour m’rendre compte que j’me suis gourré ! » J’ris encore. Elle était plutôt drôle ma blague, t’en dis quoi Sid ? J’ai jamais cru aux histoires éternelles, j’ai beau avoir ma part de romantisme, j’sais que ça existe, faut pas s’leurrer mais j’ai un point d’avance sur les autres que j’aurais pas l’temps de m’rendre compte que j’ai merdé, avec divorce et pension alimentaire sur les bras, en plus du cœur brisé. Ca ferait longtemps que le mien battrait plus, ouais, j’ai plutôt le beau rôle. En tout cas, j’espère juste pas avoir de gosse, non pas à cause de mes gênes mauvaise langue, juste qu’un orphelin, ce sera pas le pied, le pauvre t’imagine, venir se recueillir sur la tombe d’un mec qu’il connaitrait même pas et puis, j’veux pas de tombe moi, on m’fera cramer et me balancera à la mer ou un truc du genre. Ouais, moi aussi j’trouve ça trop badass. « J’suis même pas sur de comprendre votre question, c’est comme si on vous demandait ce que ça vous apportait d’être psy, ouais d’ailleurs, qu’est-ce que ça vous apporte ? Vous êtes de ces psys passionnés qui ont toujours voulu aider leurs semblables ou bien les autres qui ont leur propres problèmes et pensent qu’ils pourront oublier les leur ou se soigner en écoutant les gens déblatérer sur leur vie ? » C’est sortit tout seul, comme la moitié des choses que j’peux dire, putain, ça m’ferait pas de mal de fermer ma gueule de temps en temps, t’as raison. « J’voulais pas vous agresser ou quelque chose du genre, c’est juste que j’ai toujours entendu dire que les psys étaient pas plus sains que leurs patients » Je hausse encore les épaules. Bon j’sais pas ce que t’en penses mais j’crois que je m’enfonce à donf là. J’étais censé faire bonne impression non ? En mode j’suis intéressant et j’mérite que vous vous intéressez à moi plus que comme votre patient qui aide à remplir votre compte en banque. C’est raté, ah putain, un filtre à conneries me fera pas de mal. « Concrètement ? J’sais pas. J’y ai jamais pensé en fait, à la fin du lycée j’ai voulu voyager je l’ai fait, j’voulais découvrir le monde, rencontrer des gens différents, vivre différemment et j’ai pas été dessus. La chose la plus importante que ça m’a apporté c’est sûrement l’éclate et des centaines de milliers de souvenirs ! » J’ai sûrement le regard brillant, avoue Syd qu’on s’est grave éclaté pendant ces années, tout ce qu’on a vu, tout ce qu’on a fait, putain, sûrement la meilleure partie de toute mon existence. Bon ca pas été facile tous les jours, c’est même certains mais merde, qu’est-ce que c’était bon. Comme si la réalité me rattraperait jamais…ouais, m’enfin tant pis. « En tout cas, vous semblez passionné de voyage, si un jour vous en avez l’occasion, partez, même si pour cela faut abandonner tout ce que vous connaissez, ça vaut l’coup » voilà que j’parlais encore beaucoup mais dans l’fond c’était pas faux. Ici on est tellement obsédé par notre futur, notre situation, métier, cours et j’en passe qu’on en vient à oublier les trucs simples qui valent tellement mieux que ce quotidien morne et vide de sens. « Et qu’est-ce que j’suis censé savoir sur vous au juste ? » que j’lui demande alors. Ma belle, sache-le, j’suis pas prêt de lâcher l’éponge, j’obtiendrai les informations qu’il me faut sur toi, c’est moi qui te le dis. « Vous êtes psy depuis longtemps ? » Que j’demande en regardant un peu autour de moi, parait qu’on apprend pleins de choses sur les personnes grâce à leur décoration mais faudra qu’on m’explique comment parce que j’ai jamais compris cette théorie. Genre la déco c’est une boule de cristal qui te fait un topo sur la personnalité et l’histoire, ou bien ? « Vous pouvez quand même répondre à cette question non ? C’est pas comme si je vous demandais d’aller boire un café avec un moi, un jour, là vous devriez répondre non ? » L’éthique, secret professionnel….t’as pas tort, les deux ont rien à voir mais bon, ça s’rejoint non ? ‘fin j’sais pas, ptain elle m’fait perdre mes moyens. « Et si c’est pour un verre, vous devriez aussi répondre non ? J’vous jure que j’suis en âge d’en acheter et d’en consommer » Putain, j’me fais pitié à moi-même, promis. C’est quoi ce plan qui ferait de la peine même au pire dragueur de cette planète ?