Spoiler :
omg t'excuses pas!!! T'as même pas idée de l'impact de ce que Leaven vient de dire va avoir sur le gars là... j'suis contente que tu sois son amie, t'es parfaite
*-*
Bien que tout semblait s'être mit à vibrer en moi, la sensation douloureuse qui me donnait cette impression que j'étais sur le point de me briser en mille morceaux passant de mes muscles à mon cerveau en remontant par mes os, le ton de la voix de Leaven intima à lui seul à mon corps de se calmer. J'écoutais donc le discours de la jeune femme de mes deux oreilles à présent, même ma respiration restait néanmoins pénible et d'une lourdeur presque palpable à l'appareil, mais on ne pouvait pas tout avoir d'un seul coup. Chaque mot qui me parvenait avait désormais un effet plus ou moins drastique sur tout mon être, si bien que je finis par me relâcher petit à petit pour finir littéralement immobilisé contre mon lit, à la manière d'un individu à qui l'on aurait administré une sorte de calmant. Mais n'étais-ce pas le cas?
J'avais du mal à renverser ma conception des choses, cependant. Même si le raisonnement de Leaven était parfaitement logique et que je le respectais. C'est fou comme elle me connaissait, cependant. Comme elle arrivait facilement à rentrer dans ma tête pour y faire le tri et repérer immédiatement mes distorsions cognitives. Dans le fond, j'imagine que c'est pour ça que je l'avais appelée elle et pas un autre... je savais qu'elle pouvait m'aider. Que je pourrais obtenir cette aide que j'osais enfin demander autour de moi au lieu d'essayer de tout régler seul (et mal).
Le discours de mon amie m'amena à réfléchir à la situation en me forçant à changer de point de vue pour m'observer moi-même, mais c'était franchement difficile. J'étais tellement enfoncé dans mes schémas mentaux que le simple fait de les remettre en question avait quelque chose d'effrayant. Ca remettait toute ma réalité à l'épreuve, mais commençons par la base: effectivement, je n'étais pas passé à l'acte. Pourquoi? Parce que ma soeur ne voulait pas ça et que moi, je ne voulais pas la laisser seule ou même la contrarier. Parce que je ne voulais pas faire aux autres ce que je ne voulais pas qu'on me fasse. Cette explication n'était malgré tout pas satisfaisante, car il manquait un élément et celui-là aussi, Leaven me l'apporta.
La fuite.
Tiens. Première fois qu'on me le disait. Mais j'étais si épuisé de faire face aux merdes quotidiennes.
Non. Attendez. J'avais jamais vraiment fais face... j'aidais volontiers les autres... mais moi? Dès que les obstacles se présentaient, lorsque je perdais le contrôle de mes émotions, ma technique était soit de nier le problème, soit de le noyer, soit de m'en détourner. Et j'accusais systématiquement le coup en disant que ça provenait soit d'éléments extérieurs, soit de ma fragilité, ce qui me poussait systématiquement un peu plus vers le bas dans l'échelle de l'estime de soi.
"Le problème"
Le problème... c'était moi et la vision que j'avais de moi-même. D'une manière ou d'une autre, le fait que je ne supportais plus la majorité de l'humanité découlait du fait que je ne me supportais pas moi-même. Et pourquoi? Parce que j'étais incapable de prendre mes responsabilités? Parce que je me laissais écraser au moindre truc menaçant? Tout était tellement sombre dans ma vision de la vie que je n'y voyais plus clair du tout. Néanmoins, les questions qui s'imposaient subitement à moi me plongèrent dans une telle confusion que ça me calma momentanément. Visiblement... le nombre de personnes qui m'aimaient était conséquent, mais évidemment, j'étais le seul incapable de m'accorder un peu de valeur, parce que dans le fond, j'en attendais plus de moi. J'en attendais trop. Je voulais être aussi bien que mon frère, que l'était mon père, aussi bien qu'un idéal qui n'était pas moi. J'étais pas "parfait" et ça, je le supportais pas, si bien que ça me faisait réagir n'importe comment. Et je me sentais comme une sorte de sous-humain. Alors, tout devenait menaçant dans cette société et forcément, j'avais peur.
Je fermais les yeux en roulant sur le dos et me passais une main sur le visage tandis que deux larmes glissaient jusqu'à mes oreilles.
Oh, mais qu'est-ce que j'étais méchant et intolérant envers moi-même... vraiment horrible, en fait. Pour le moment, il me semblait encore impossible d'avoir une image positive de ma personne, mais je pris tout de même le temps de m'excuser. Envers Aaron Tyler, pour l'avoir rabaissé à répétition et avoir négligé son existence sur cette planète.
Assommé par cette prise de conscience, je ne parvins plus à retenir mes larmes silencieuses, mais compensais néanmoins par un léger sourire qui s'en alla rapidement.
" Leaven, tu..." Je pris une grande inspiration et remontais mes doigts dans mes boucles blondes.
" Merci. Merci infiniment pour tout. " Un temps.
" D'accord... faisons comme ça. Mais... t'es où en ce moment? T'es dans le coin? "