Il allait lui laisser cinq minutes et pas une de plus. A vrai dire, ce serait sans doute moins de cinq minutes. Trois, voire quatre, le temps que la musique s'épuise, laissant à Madison suffisamment de temps pour exploiter bon nombre de rythmiques. L'eurythmie était selon lui parfaite, idéale pour entraîner la danseuse, l'emballer même. Sivgard avait l'allure d'un chasseur prêt à tout pour piéger sa proie mais la demoiselle n'en était pas une. Qu'elle gagne ses faveurs ou non, loin de lui était l'envie de lui nuire d'une quelconque façon. Tout ce qu'il voulait, c'était mesurer son talent et si possible l'engager ; son business avant toute chose. Quand le beat cadencé de la musique s'empara de la grande pièce, le patron reposa ses iris clairs, trop clairs, sur la jeune femme qui retira ses chaussures avant de monter sur un podium. Premier point qu'il remarqua, elle avait au moins l'art et la manière de se déplacer, d'effectuer des gestes pourtant banals. Oh nul doute qu'elle avait dû se fixer en ligne de mire la séduction, au sens professionnel, de son éventuel futur employeur mais là était tout l'enjeu de cet entretien et de tout ce qu'elle ferait par la suite : jouer la comédie. Une comédie que l'on pourrait se plaire à jouer, que l'on pourrait détester, qu'importe quand elle est nécessaire et efficace. Là une mélodie s'élança enfin. Sivgard croisa ses jambes et amena l'une de ses mains à son visage, plus précisément le dessous de son index sur ses lèvres. Position qu'il adopte pour réfléchir souvent, celle d'un homme d'affaires d'ailleurs, et qui lui vint naturellement face à Madison comme face à toutes ces filles qui viennent se trémousser pour l'épater. Oui, c'est un énième schéma qui se répète mais qui ne lui déplait pas foncièrement, contrairement à ce que son apparence pourrait laisser penser. Sivgard aime les femmes, il n'est juste pas le type démonstratif. Et puis, les aimer ne signifie pas dire amen à toutes et chacune, n'est-ce pas ?
La voix de Madison le tira de ses pensées, avant qu'elle ne commence à onduler autour de la barre de fer. Non, il n'était obligé à rien, ou presque rien. Rien qui ne la concerne directement en tout cas. S'il voulait rester là où il était alors il y resterait. Néanmoins il sût apprécier à sa juste valeur l'audace de la remarque de Madison, bien malgré ce qu'il laissa à nouveau paraître. Un air froid, distant, énigmatique. Mais toujours vif cependant, car le spectacle en valait le coup, coûte que coûte. Si la blondinette n'était pas autant à l'aise qu'elle aurait pu l'être, Sivgard pouvait tout de même constater que la danse lascive était son élément. Elle avait conscience de ses atouts, de son charme qui ne devait faire défaut qu'à peu d'hommes dans la rue. Parmi eux, Sivgard l'aurait sans doute remarquée. Chance, il pouvait ce jour-là la juger ouvertement. Lorsqu'elle quitta sa hauteur pour rejoindre le sol et se rapprocher de lui, les prunelles de Sivgard la suivirent sans exprimer grand chose si ce n'était de l'intérêt et une curiosité modérée. Il ne s'attendait pas à ça, à cette posture, que dis-je, à cette prise d'initiative osée, très osée. Le grand Mikkelsen n'était pas « n'importe qui » et quand quelqu'un se comportait de sorte à lui faire croire qu'il était n'importe qui, cela l'insupportait en général. Pourtant il la laissa faire, tout en restant de marbre cependant. Tout homme normalement constitué ressentirait une pointe d'excitation à sa place, et cela ne loupa pas, il la ressentit bel et bien. Mais il réussit à se contrôler, empêcher cette excitation naissante de trop s'emparer de sa virilité. Le visage de la jeune femme se tourna vers le sien. Il ne redouta pas son regard, l'affronta même sans la moindre pudeur ou contrariété. Et pour répondre à sa question, il renforça son regard un instant, s'autorisa même un très, très bref sourire en coin avant de retirer sa main et d'aller faire glisser cette fermeture éclair. L'intérêt de cette action ? Voir comment la nature l'avait façonnée, détail qui n'en est même pas un, non c'est trop important pour une strip-teaseuse. Tandis que le curseur de la fermeture éclair passait par toutes les dents métalliques, Sivgard observa le dos de Madison se dévoiler sous ses yeux. Ses mains ne firent que le stricte minimum et quand sa mission fut exécutée, l'homme retrouva les yeux de la jeunette. « Poursuivez donc. » Qu'il ordonna d'une voix à la fois douce et autoritaire avant de détacher son regard du sien pour l'abaisser plus bas, sur toutes les courbes qui faisaient de cette femme une de celles que l'on pourrait vouloir demander pour soi d'ici quelques jours, dans ce même endroit. « J'ai pu juger votre capacité à monopoliser le regard, il vous reste désormais deux minutes pour tenter de monopoliser le reste. » Par cette affirmation, il lui indiquait que sa danse avait été satisfaisante, ses mouvements séducteurs et donc que la première étape était acquise, mais il l'invitait également à continuer sur la voie qu'elle avait emprunté, voir comment elle réagirait à cette proposition qui, précisons, aurait pu être prononcée d'une façon bien plus... rustique.