ELIJAH + Nightmare

   

   

nighmare

Early morning.” T'étais juste complètement lessivée, ce qui ne t'arrive que très rarement. Même ton cerveau était en berne, c'était pour dire à quel point tu n'en pouvais plus. Cette journée t'avait semblée... interminable. Tu n'avais pas fermé l'oeil de la nuit. Et pour cause, tu n'arrivais même pas à croire qu'elle était réelle. Pour toi, tout ceci n'était qu'un rêve. Mais tu ne pouvais pas te tromper, ton cerveau ne se trompait jamais.

Doucement, tu pousses la porte de l'appartement et tu t'écroules de l'autre côté comme une loque, tombant de fatigue, les paupières mi-closes. Quelques rayons de soleil filtraient déjà par les quelques fenêtres de la cuisine et du salon mais tu avais les paupières lourdes, tellement lourdes. Comme si ta seule échappatoire à l'heure actuelle était l'inconscience bénie du sommeil. On aurait pu croire qu'elle était complètement bourrée ou alors qu'elle faisait un bad trip mais rien de ça. Elle n'avait touché à rien ce soir et pourtant ce n'était pas l'envie qui lui manquait. Ce dont elle aurait besoin là tout de suite, c'était courir, courir encore et encore, taper dans un ballon mais ça c'était déjà fais. Elle avait passé des heures à s'épuiser sur la plage à avaler les bancs de sable encore et encore.

Tes jambes étaient lourdes maintenant, tout en dessous de ta taille avait l'air de peser 1.5t. Ta tête aussi d'ailleurs mais tu ne pouvais pas rester ici. Qu'est-ce que tu dirais si Elijah te trouvait là ? Pire, si c'était Salem qui te trouvait échouée là comme une épave ? Plutôt creuvée. Avec un grognement, tu te hisses tant bien que mal sur ce qui te sert de jambes et tu te diriges en pestant faiblement vers ta chambre. Mais ça, c'était avant de te cogner de plein fouet contre quelque chose. Quelqu'un ? Tu clignes des yeux plusieurs fois avant de réussir à croiser le regard de ton frère aîné. Merdalors...

”

   

© charney

   

Ah, j’aime pas ça. J’aime pas ça du tout quand on me répond pas au téléphone. Et puis où est-ce qu’elle avait bien pu passer la nuit ? Ca m’énerve, cette histoire. Ou non, en vrai, ça m’inquiète plus qu’autre chose, mais j’allais pas me mettre à paniquer comme une meuf alors qu’il n’y avait peut-être rien de grave.

Après un énième essai pour joindre ma sœur ainsi que l’une de ses amies qui me confia ne pas savoir où elle se trouvait, je finis par jeter l’objet à l’autre bout de la pièce et expirais lourdement en pianotant du bout des doigts sur l’accoudoir du fauteuil sur lequel j’étais assis. Bon. Et qu’est-ce que je pouvais faire de plus dans la situation actuelle à part « pas grand-chose » ? Rien. C’était blasant, mais il fallait bien se faire à l’idée. Je me levais donc pour aller récupérer mon portable et me diriger vers ma chambre à coucher afin de me poser sur le lit sans même prendre la peine de retirer ce truc de métal et de plastique qui me servait de jambe. Au cas où il me faudrait me lever au beau milieu de la nuit pour aller repêcher cette gamine même pas encore majeure dont j’étais censé avoir la responsabilité, ce serait toujours du temps gagné. C’est donc ainsi que j’entrais dans une sorte de sommeil en ne dormant que sur une oreille (on remerciera l’armée pour m’avoir inculqué ça, au moins).

Clic clac, boum.

Le bruit me fit lever la tête presque instantanément. Je n’avais aucune idée de l’heure, mais la lumière du jour commençait à se pointer à l’intérieur pour indiquer que le matin arrivait. Eh ben c’est pas trop tôt, ouais. Bien qu’agacé sur les bords, je me relevais en soupirant de soulagement pour aller voir ce qui se passait dans le hall principal. Là, autant dire que la scène qui se profila devant mes yeux eut tôt fait de me remettre sur la défensive. Déjà que je n’avais pas tellement apprécié l’idée que Bellamy ne donne pas de ses nouvelles, le fait qu’elle rentre dans un état douteux et ne me remarque pas ne fit que s’ajouter à l’addition.

Après avoir brièvement secoué la tête de droite à gauche, je m’avançais vers la jeune femme qui buta contre moi (quand je vous disais qu’elle m’avait pas vu) et que je m’empressais donc d’attraper par les épaules pour l’empêcher de tomber. « Fuck sake, Bella’ » La voila qui levait enfin deux yeux qui me semblaient tellement épuisés qu’ils me donnaient presque envie de retourner me coucher moi aussi. « Les téléphones c'est pas fait pour prendre des photos de soi-même jusqu'à en épuiser la batterie, à la base. T’étais où ? »

   

   

nighmare

Early morning.” « Fuck sake, Bella’ »

Merde. Merde merde merde alors. C'était le pire scénario possible et imaginable. Tu pensais pas que tu allais lui tomber dessus tout de suite. Tu pensais avoir le temps de te remettre de tes émotions ou de te réveiller de ce cauchemar mais non, le pire continuait en roue libre. Tu te racles la gorge et tu te frottes les yeux. Putain, tu dois avoir l'air juste complètement minable et Elijah a l'air tellement furax. Il va t'exploser dans le mur, c'est sûr et certain. Et t'as même pas la foi de lui tenir tête. Mais ça peut encore changer s'il te pousse trop dans tes retranchements. T'es à fleur de peau, complètement.

« Les téléphones c'est pas fait pour prendre des photos de soi-même jusqu'à en épuiser la batterie, à la base. T’étais où ? »
« Besoin d'air... Plus de batterie... Désolée... »

Tu te passes une main dans les cheveux. Putain de merde, t'es pas fichue d'aligner deux mots. Il va croire que t'es complètement stone mais c'est pas ça. Ton cerveau a juste disjoncté, complètement. C'est ta vie qui a disjoncté aujourd'hui. Pour une... connerie. Non, non, non n'y penses pas. Il va lire sur ton visage. Et tu ne veux pas qu'il sâche, non surtout pas. Tu cherches quelque chose à dire. Pour t'excuser ? Pour te justifier ? Ou juste pour combler le silence ? Peu importe, ça te pèse c'est insupportable. Tu te sens obligée de l'ouvrir, ta putain de bouche, mais impossible de sortir un son. On dirait un poisson, pas crédible pour un sous. Beaucoup ont rêvé de te clouer le bec et voilà que tu te cloues le bec toute seule. Grand exploit.

« Chuis creuvée Eli... Je vais me coucher... See ya later... »

Tu prends bien soin de le contourner cette fois avec une bonne distance réglementaire et tu prends la direction de ta chambre. Pas question de te déshabiller, t'envoies juste valser tes chaussures et tu t'effondres comme une masse sur le matelas tellement accueillant. Mais tu sens une présence, un regard qui pèse sur toi. Tu te retournes mais tu sais déjà qu'il est là. Elijah ne jette jamais l'éponge facilement. Comme toi d'ailleurs. Vous aviez beau nier que vous ne vous ressembliez pas, vous vous ressemblez bien plus que vous ne vouliez bien l'admettre tous les deux.

”

   

© charney

   

Ce n'était pas normal. Cette situation n'avait rien de normal, surtout pas venant de Bella qui avait un répondant naturel et m'aurait déjà fixé droit dans les yeux pour me chasser à grand coup de mots, que sa bouche sélectionnait toujours de manière appropriée, habituellement. Ses phrases mal articulées ne me satisfaisaient pas plus que l'expression sur son visage, si bien qu'après l'avoir laissée partir dans sa chambre, je lui emboîtais rapidement le pas en silence... silence qui dura d'ailleurs une bonne minute avant que je choisisse de le briser en m'approchant du lit pour m'y asseoir. C'était plus facile de se mettre en colère et de hausser le ton lorsqu'on était inquiet, je sais de quoi je parle. Ce concept que je maîtrisais à la perfection, puis-ce que mes moments de démonstrations affectives se comptaient sur le bout des doigts, il fallait néanmoins que j'apprenne à passer-outre de temps à autre... lorsque ça devenait inapproprié. Comme maintenant, face à ma petite soeur qui me revenait dans un état étrange ce matin, par exemple. Elle n'avait rien laissé transparaître, mais je sentais une certaine vulnérabilité de sa part, notamment au-travers de son attitude évitante, alors j'allais éviter de me montrer agressif, ça ne servirait à rien. Enfin... j'imagine ? « Je vais te laisser dormir. » Je posais doucement les yeux sur elle et malgré mes sourcils froncés, tendis une main dans sa direction pour tirer en arrière l'une des mèches blondes qui lui cachaient le visage. « Mais je partirais pas avant d'avoir obtenu une vraie réponse concernant l'état actuel de ma frangine. »

   

   

nighmare

Early morning.” Tu sens ton lit s'affaisser. Ca ne peut pas être toi, tu es allongée depuis un petit moment maintenant. Ca ne peut être qu'Elijah. Tu fermes les yeux, priant pour qu'il te croit déjà endormie et qu'il n'insiste pas. Tu étais terrifiée à l'idée qu'il ne mène un interrigatoire dans les règles. C'est qu'il avait appris quelques trucs à l'armée. Et tu ne voulais surtout pas en découvrir l'étendue. Vous n'en parliez jamais en fait.
Au début, le silence est resté bien épais. Tu as cru qu'il allait renoncé avant que sa voix ne perce le silence matinal. Pas avec colère comme tu l'avais d'abord cru mais avec douceur.

« Je vais te laisser dormir. Mais je partirais pas avant d'avoir obtenu une vraie réponse concernant l'état actuel de ma frangine. »

Il la mérite. Il la mérite vraiment, la vérité. Il faisait des efforts pour ne pas te brusquer, tu le sentais. Il faisait tout ce qu'il pouvait pour te ménager. Il était inquiet, réellement inquiet. Et moi donc. Doucement, j'ouvris les yeux et me retourne pour lui faire face. Mon dieu, ce que j'allais lui infliger... Ca allait lui faire un coup. Bêtement, je sentis mes yeux se remplirent de larmes et ne put les retenir avant qu'elles ne se déversent en torrent sur mes joues. Quelle idiote. Aussitôt j'éclatais en sanglots quasiment hystérique, ne cessant de bafouiller des excuses vaseuses et inintelligibles. Je me sentais tellement honteuse, tellement mal, tellement terrifiée. Mais tout ce que je pouvais faire s'était pleurer en me cramponnant à mon frère, comme lorsque j'avais 5 ans, de la morve au nez et que je venais de tomber de vélo.

« Je suis désolée, je te jure ! J'ai fais un énorme bêtise et ça me ressemble tellement pas ! Mais je sais plus trop ce que je fais en ce moment... j'ai envie d'être différente, je suis différente, fin je crois... Je sais plus qui je suis.. Puis y'avais ce mec, Priam. On a... on a... si j'avais su, je te jure que je l'aurais pas fais, je te jure ! Je pensais même pas que ça puisse arriver ! Mais je me sentais pas bien, je pensais que c'était à cause de ma prise de sang mais non... et les résultats... Elijah, j'attends un bébé...

”

   

© charney

   

Du calme Elijah, l'étrangler serait une très mauvaise idée même si tu en as vraiment envie. Et Priam. Ce Priam... je me demande si le type aurait couché avec Bellamy s'il savait quel genre de frère elle avait. Surement pas. Il suffisait de me connaître un peu pour deviner que j'étais littéralement capable de pendre qui que ce soit par les pieds, la tête en bas, pour lui faire passer un interrogatoire, avec torture au menu si nécessaire... donc ce petit con, je vous assure que si la culpabilité d'avoir mit une femme enceinte à son âge ne l'empêchait pas de dormir, la peur que j'allais semer dans sa tête et laisser germer, elle, s'occuperait de ça. Je serrais ainsi les dents et eus toutes les peines du monde à passer un bras dans le dos de ma cadette, mais son état de désespoir l'emporta sur ma réticence. Que dire... j'étais complètement sous le choc d'apprendre une chose pareille, il n'y avait pas d'autres mots pour décrire ce que je ressentais, si ce n'est mon habituelle colère qui venait se superposer à ça. La colère... elle aidait beaucoup à garder les idées en place, vous savez ? C'était plus facile de se servir de ça que de l'empathie qui m'aurait amené à me désoler avec Bella, de serrer la mâchoire pour ne pas craquer face à des nouvelles aussi déboussolantes que l'annonce d'une grossesse à vingt ans. « Ca s'est passé quand ? » Je fis un effort pour contrôler ma voix, mais je crois qu'il y avait des tremblements dans mon timbre malgré tout. Réfléchis, mon grand. C'était pas le moment de faire une erreur fatale dans un moment aussi critique, alors que ma soeur paniquait totalement et avait besoin de quelque chose pour la calmer. Dans l'immédiat, je bataillais intérieurement entre des hurlements accusateurs sur le fait qu'on devait se protéger lors de relations intimes ou qu'il n'y avait pas besoin de devenir une salope pour être « différente » et l'envie de me taire pour ne pas en savoir plus, parce que c'était beaucoup trop pour moi à l'instant. Bon. Voyons. Qu'est-ce que papa aurait fait ? Renier sa fille parfaite et la blâmer, puis mettre la faute sur le compte de ma mauvaise influence et essayer de la pardonner pour son pécher vu que ce n'était techniquement pas de sa faute, sans doute. Valait mieux pas que je prenne exemple sur lui, hum. Putain... quelque part, j'étais quand même partiellement responsable de ce qui arrivait à Bella et je le savais très bien. Avec mon mode de vie qui semblait avoir pour mot d'ordre de contredire toute autorité dans cette société, je n'aidais sans doute pas ma frangine à faire les choix les plus sages qui soient. Et oui, bien sûr, je m'en voulais. Cette blondinette était l'une des personnes les plus importantes à mes yeux, je ne voulais pas la tirer vers le bas, je voulais qu'elle l'accomplisse, son rêve. Un soupir m'échappa, puis je tirais un peu plus la jeune femme contre moi pour lui caresser gentiment l'arrière de la tête tout en fixant un point invisible par la fenêtre. Ma voix s'éleva à nouveau, mais en allemand cette fois-ci. Je me rendais compte que le rôle de frère de suffirait plus à partir de maintenant, il lui fallait clairement une figure paternelle pour l'aiguiller et l'empêcher de s'enfoncer plus loin dans ses actes irréfléchis. « Je suis pas fâché, d'accord ? On va trouver une solution, c'est surement pas trop tard, mais faut que t'arrêtes de faire n'importe quoi pour te donner un genre, t'as rien à prouver à personne. » J'affichais brièvement un bref sourire qui ressembla plus à une grimace qu'autre chose. « Enfin, si, j'attends toujours ta candidature aux présidentielles de ce pays, comme ça tu pourras enfin mettre en place une loi pour que ton frère arrête de foutre par terre tous les vêtements de ton armoire quand ta chambre est pas suffisamment rangée. »

   

   

nighmare

Early morning.” « Ca s'est passé quand ? »

Tu te tournes vers lui. Tu le scrutes de tes petits yeux gonflés et apeurés. T'as l'impression d'être à nouveau la toute petite fille qui se cache dans les jeans de son grand-frère. Tu te sentais juste minuscule et misérable. T'avais juste envie de cacher ton visage dans son cou. Mais vous pétiez plus aussi proches depuis des années maintenant. Une éternité il te semblait. Et tout à coup, tu te rendais compte que ça te manquait atrocement. Mais t'étais pas prête à l'avouer. Pas maintenant. Ce n'était pas vraiment le moment de te disperser. Le sujet principal là c'était tes conneries monumentales.

« Je sais pas trop... Ca a commencé y'a environ deux mois... »

Il eut un soupir et tu retins ton souffle, de peur qu'il explose mais ce n'est pas qu'il est arrivé. Au contraire, il t'attire plus prêt que lui et te caresse doucement les cheveux. Tu fermes les yeux et vient nicher ta tête dans son cou comme tu aimais à le faire. Tu t'accroches à lui comme à une bouée de sauvetage. T'as l'impression d'être ballotée dans tous les sens. Au sens propre comme au sens figuré. Quelques heures à peine que tu le savais et tu ne savais vraiment pas où tu allais ni ce que tu allais faire.

« Je suis pas fâché, d'accord ? On va trouver une solution, c'est surement pas trop tard, mais faut que t'arrêtes de faire n'importe quoi pour te donner un genre, t'as rien à prouver à personne. Enfin, si, j'attends toujours ta candidature aux présidentielles de ce pays, comme ça tu pourras enfin mettre en place une loi pour que ton frère arrête de foutre par terre tous les vêtements de ton armoire quand ta chambre est pas suffisamment rangée. »

Tu ricanes malgré toi entre deux sanglots. C'était bien la première fois que tu découvrais qu'il croyait en toi, qu'il avait de grands projets pour toi. Et de ce fait, tu ne comprenais pas qu'il ne soit pas en colère contre toi. Une minute. Qu'est-ce qu'il voulait dire par "c'est sûrement pas trop tard ?". Il voulait que tu avortes ? Et là, t'éclates en sanglot, comme une misérable madeleine. Mais qu'est-ce que tu allais bien pouvoir faire de ce bébé ?

« Je... Je... je veux pas le t-t-t-tuer ! Je vais jamais y arriver ! Mais je peux pas le garder... Je peux pas t'infliger ça ! Y'a déjà Salem et moi... c'est déjà tellement compliqué... Oh mon dieu ! Je peux pas le garder, Eli... Qu'est-ce que je vais faire ? Je n'ai même pas encore pu le dire à Priam... Il le sait pas encore... »
”

   

© charney