VOLTA & RADKE,
Les heures lumineuses s'étaient finalement éteintes, laissant ainsi un voile nocturne recouvrir le ciel. Ma conscience n'avait rien vu et mon esprit s'est égaré au travers des lignes d'un vieux bouquin dont la couverture était recouverte de poussière. Dans la villa, aucun bruit n'était venu troubler mon silence et je ne l'aurais certainement pas toléré. Il m'arrivait de vivre des jours sans émettre le moindre son, où je me blottissais dans un mutisme à faire pâlir n'importe quel être humain digne de ce nom. Je suppose que ce jour en faisait partie. Les lumières tamisées qui enveloppaient l'immense pièce dans laquelle je me trouvais renforçaient ce sentiment de bien-être que l'isolation était capable de m'offrir ; la ville avait beau vibrer de tout son être au dehors, moi je restais sourde à l'effervescence inutile de la population.
Mon penchant pour l'ancienne littérature française l'emportait sur les murmures dérangeants des autres. Calée dans un coin de mon canapé en velours sanguin, les mots me faisaient prisonnières et m'emmenaient à des kilomètres de l'endroit où je me trouvais. Los Angeles porte en elle l'ébullition incandescente d'une jeunesse butée par la frénésie et la stupidité. Tout semblait perdre de son éclat et le soleil de plomb ne suffisait pas à éclaircir la fadeur dans laquelle L.A sombrait. La dernière ligne de mon livre me fit prendre conscience que la nuit apparente emportait avec elle mon malaise biscornu. Elle me donnait la sensation de revivre et ouvrait les portes d'un monde qui m'appartenait. La nuit rendait tout plus beau. Même l'odeur du sang dans mes narines devenait mielleuse lorsque l'obscurité reprenait ses droits.
Pourtant ce soir, je n'étais pas d'humeur assassine. Aucune épine ne s'enfonçait dans mon être et ne devait être arrachée. La violence sucrée ne me donnait pas envie car elle était sans doute trop connue, trop utilisée. Je m'en retrouvais soudainement lassée. Tout en marchant dans ma demeure, sans réellement savoir vers quel endroit je me dirigeais, je tentais de localiser mes besoins, de décrypter le langage secret de mes organes. Mes mains froides recherchaient l'une dans l'autre la chaleur et mon ventre se réchauffait d'envies presque innocentes, aux douceurs infinies et à la tendresse excessive. Je devinais la passion derrière ma poitrine frissonnante et mon désir d'apaisement semblait brûlant.
Je me sentais emportée par une affection irréelle. Elle courait dans mes veines comme une liqueur à l'odeur fruitée et envoûtante. Alors que je marchais toujours, j'arrivais face aux appartements de Radke. Il était tard mais cela ne m'empêcha pas d'entrer sans l'avertir de ma présence. Mes pieds nus sur le marbre me rendait aussi silencieuse qu'un félin impossible à dompter. Lorsque j'arrivais finalement à sa chambre, sa silhouette exquise se dessinait dans mon champ de vision et un sourire venait s'ancrer sur mon visage. Elle est si jolie mon innocente poupée. Je décidais de la contempler entièrement dans un silence, qui pour moi, voulait dire énormément de choses.