RUBY & SOFIA + nikolaus' lies

« Ksenia, viens ma chérie. » Sur ses deux petites jambes encore fragiles, l'enfant s'approche de moi – assise sur le canapé – et me tend sa main que je serre dans la mienne un moment avant de me pencher vers elle. Je l'ai tirée de son jeu, elle mérite bien que je lui en explique la raison. C'est pourquoi je place mes mains sur ses hanches et la porte afin de venir la poser sur mes cuisses. Là je caresse sa joue arrondie du bout du pouce et adopte une lente voix pour m'exprimer à elle dans une langue dont elle commence à peine à maîtriser les sons. « Ce matin je vais t'emmener dans un club de danse pour voir comment ça se passe... » J'essaye de m'adresser à elle plus en anglais qu'en russe afin de l'habituer d'ores et déjà à cette langue qui sera officiellement sa langue première. Tendrement je profite de ce moment pour lui faire enfiler son pull blanc ainsi que ses chaussures. « Si l'endroit et le professeur sont bien, je t'y inscrirai sûrement d'accord ? » Poser une question sans s'attendre à recevoir une réponse verbale, voilà quelque chose que je fais depuis désormais une semaine. Personne n'est à blâmer et surtout pas Ksenia. Je suis toujours en contact avec le service d'adoption afin de gérer le mieux possible cette arrivée et grâce à cela ainsi qu'à de nombreuses lectures, j'ai la chance de vivre des journées plutôt positives. La petite est parfois hostile, parfois affectueuse, cela dépend vraiment des jours et il semblerait que ce soit normal alors je m'y fais, tente de l'apprivoiser du mieux que je peux. Ce qui est sûr, c'est que j'aime déjà tout d'elle à commencer par sa réserve qui je le sais, représente sa nature même. « Allez, on y va. » Et c'est sur nos deux pieds que l'on se rend jusqu'au club de danse non loin de chez moi qui accepte, d'après l'une des femmes de l'accueil, les enfants à partir de trois ans. La même que j'ai vue l'autre jour vient à ma rencontre. « Bonjour madame. Vous êtes venue voir mademoiselle Azarova ? Pour Ksenia, c'est ça ? » « Bonjour, c'est bien ça oui. » Je souris tandis qu'elle adresse une petite mimique à la petite, chose à laquelle je vais devoir m'habituer. « Son cours débute dans une demie-heure seulement, suivez-moi je vais vous guider jusqu'au studio de danse. » Docilement je la suis et au bout du couloir se trouve une porte par laquelle nous passons ; c'est là que mon regard croise celui de la dénommée Ruby Azarova. L'autre employée nous laisse seules toutes les trois et je m'approche vers la danseuse pour lui présenter ma main. « Bonjour, Ruby c'est ça ? » Je ne lâche pas la main de Ksenia qui reste en retrait. « Je suis Sofia Dmitrieva, j'avais pris rendez-vous avec vous aujourd'hui... pour ma fille, Ksenia. »

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Les hommes forts sont ainsi. Au zénith de l'amour, ils réfléchissent encore, ils calculent et leur décision est sans appel. Pancol

Il n’est que onze heures du matin et je dois déjà me lever pour mes premiers cours de danse que je dois donner à des jeunes filles. Elles ne savent marcher que depuis quelques mois que je dois leur apprendre à faire des pointes, à être souple comme personne ne peut imaginer. Ce n’est pas un travail déjà mais apprendre ce genre de choses et surtout la discipline de ce sport à des jeunes filles c’est très dur, à la fin de chaque séances j’ai une tête énorme, pour cause les petites filles ne font que crier dans tout le sens, je les comprends j’étais bien pires à leur âges… De plus ces temps-ci avec mon autre travail, je suis épuisée physiquement et moralement… Mais la fatigue n’a pas sa place dans mon train de vie et surtout maintenant, je suis devant mon studio de danse, il est très grand et spacieux. Quand je suis venue ici pour la première fois je n’aurais jamais imaginé que le studio ressemblerait à ça car vu de dehors c’est un bâtiment très vieux et mal entretenue.  Mais l’apparence de fais pas tout, car de renommée l’école de danse où je travaille à une très bonne réputation, c’est pour cela que mes cours sont de plus en plus surchargées de personnes, ce n’était pas un problématique au début mais maintenant c’est difficile… Je suis à peine sortie de mon vestiaire, sac sur l’épaule que la directrice m’interpelle avec sa voix si douce que je l’entends à peine.  « Ruby, il y a une nouvelle qui voudrait essayer ton cours. Sa mère et elle arrivent dans quelques minutes pourte voir. » Je fronce les sourcils et soupire doucement, ce n’est pas que je ne veux pas mais encore une personne en plus ça va être dure. Je regarde ma montre et lui sourit «  Bon d’accord, mais c’est la dernière que je prends. Je vais commencé à préparer les barres et tout le reste dans le studio de danse, tu n’as qu’à les faire venir d’accord ? » Tout en disant ça ma main c’est poser sur son bras, c’est une vieille dame très gentille qui je sais sera toujours là pour moi. Elle m’a de suite pris à l’essai quand je suis arrivée en Amérique, sans elle je n’aurais pas d’appartement, je n’aurais rien en fait. Alors je peux quand même accepter tout ce qu’elle me dit et avec le sourire de plus. Après notre petite discussion je me dirige vers le studio de danse, ouvre les grands rideaux des fenêtres pour faire entrer le soleil dans la pièce. Je mets mon avant-bras devant mon visage le temps que je m’habitue à la luminosité de la salle. Je pose mon sac dans le coin où je le pose d’habitude et y sort des CD que je vais utiliser pendant mon cours, j’essaie de changer souvent de musiques histoires que les cours ne soient pas répétitifs pour les filles et pour moi aussi. Je sors à peine une barre pour m’étirer doucement en attendant la jeune maman et sa fille. Quand soudain mon regard croise celui d’une jeune femme brune, très jolie en passant. J’arrête immédiatement mes étirements et m’avancent vers les deux personnes, la jeune maman me tends sa main, je tends alors la mienne par réflexe, elle sait déjà mon prénom. Ça doit être la directrice qui lui à communiquer surement, je n’ai pas le temps de lui demander son prénom qu’elle me le dit par elle-même, je suis en train de sourire à la petite fille qui est restée en retrait depuis son arrivée quand mon sang ne fit qu’un tour. « Je suis Sofia Dmitrieva, j'avais pris rendez-vous avec vous aujourd'hui... pour ma fille, Ksenia. » Ce n’est pas possible pourquoi ça arrive maintenant ? Je relève la tête et essaie de rester la plus normale possible. « Bonjour Sofia » J’essaie de faire comme si de rien était et me baisse pour me mettre à la hauteur de la petite fille qui maintenant je sais son prénom. Elle a l’air si timide et si fragile, je lui souris et lui fait signe de s’avancer. «  Salut Ksenia, je m’appelle Ruby. Tu as quel âge ma grande ? » J’essaie de rentrer en contact avec elle, c’est ma priorité maintenant…

La main de Ksenia serre plus fortement la mienne quand ma voix s'élance à l'adresse de la danseuse ; je resserre alors ma prise sans pour autant déloger mes prunelles de celles de Ruby, par simple politesse. La première chose que je me dis intérieurement, c'est qu'elle est très belle femme. Il y a quelque chose dans son physique qui attire mes yeux, je ne saurais dire quoi... C'est vraiment subtile et si je ne veux pas paraître impolie, il va falloir que je parle. Je lui explique alors ce pourquoi je suis venu très brièvement. Aussitôt elle s'abaisse et tente de s'accaparer l'attention de la petite que j'invite d'ailleurs à avancer d'un pas ou deux. La forcer ne servirait à rien et je n'en suis pas encore à ce stade, alors il va falloir miser sur le feeling aujourd'hui. Mes yeux vont de Ruby à Ksenia qui, silencieuse, semble étudier de fond en comble le visage de son interlocutrice. J'aimerais connaître ses pensées, mais il y a une chose qui est sûre, c'est qu'elle ne doit pas comprendre la question de Ruby. Je m'agenouille alors à côté d'elle et m'adresse à elle dans sa langue maternelle, à savoir le russe. « La jeune fille te demande quel âge tu as. Tu lui réponds ? » C'est après être restée muette quelques secondes de plus que Ksenia rapporte son attention sur Ruby, sans pour autant réussir à parler. Elle fait un blocage et j'espère que la professeure ne lui en tiendra pas rigueur. Je me redresse et caresse les cheveux de la fillette avant de préciser : « Elle est arrivée de Russie la semaine dernière, elle doit être encore plus intimidée que d'habitude. Il va lui falloir un peu de temps j'imagine. » Bref silence. « Votre nom, Azarova c'est bien ça ? Signifie-t-il que vous êtes d'origine russe ? » Si en plus elle savait parler russe, cela serait d'une grande aide évidemment.

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La petite fille reste complétement silencieuse à ma question, c’est alors que sa mère adoptif m’avoue qu’elle est Russe est c’est pour cela qu’elle ne me répond pas, elle ne comprend pas notre langue. Je grimace et j’imagine mal cette petite fille magnifique être dans mon cour sans ne comprendre les consignes que je vais demander aux autres petites filles. Dans ma tête plusieurs scénarios sont en train de ce jouer, comment je vais faire avec une jeune fille comme elle, c’est vrai je parle russe mais si les autres petites filles ne l’accepte pas et qu’elle soit exclu du groupe c’est un vrai problème qui se pose-là. C’est alors que la jeune maman m’interrompe en pleine réflexion en me demandant si je suis bien russe aussi. Je souris à la petite fille qui est en face et de moi et je me relève doucement pour faire face à la jeune femme pour répondre à sa question «  Oui je suis d’origine Russe, je viens d’arriver en Amérique il y a quelques mois maintenant. » C’est vrai qu’on me reproche souvent mon petit accent que j’ai quand je parle mais ce n’est pas problématique dans ce cas au contraire c’est un atout pour rassurer la petite fille qui est terriblement timide face à moi. Je décide d’exploser mon idée à la jeune femme «  J’ai peut-être une idée mais je ne garantis rien. » Je ne veux pas donner de faux espoir à la jeune maman car si ça ne marche pas ça serait peut-être un échec pour elle. Je poursuis mon récit. « Ce que je vous propose c’est qu’elle fasse un essai sur trois séances. Je parle russe moi aussi alors quand je dirais les consignes aux autres, je lui traduirais pour qu’elle comprenne mais pas tout le temps pour qu’elle se mette dans le bain petit à petit. » C’est vrai que si je lui traduis tout ça ne l’aidera pas à se faire des amis et surtout il faut qu’elle apprenne la langue de ce pays au plus vite pour son confort à elle. Mais je connais cette situation car en arrivant ici j’ai eu du mal avec la langue alors je peux que l’aider. Je regarde l’horloge accrochée au mur et sourit à la petite. « Il y a cours dans quelques minutes, donc si seulement elle en a envie elle peut rester et peut être participé. Je l’a présenterais aux autres pour qu’elles s’habituent à Ksenia. » Je décide de me remettre dans la position que j’avais auparavant c’est-à-dire agenouillé en face de Ksenia. Je lui souris tendrement et parle alors dans sa langue maternelle le russe « Ecoute ma jolie, il y a une séance dans quelques minutes, tu veux rester pour regarder comment ça ce passe ? Rien ne t’oblige d’accord ? » Je ne veux surtout pas la brusquer.

Quelque chose chez elle m'intrigue, capte mon regard peut-être plus qu'il ne pourrait ou ne devrait l'être. Cette jeune femme possède un je-ne-sais-quoi de mystérieux qui m'interpelle. Ses yeux, peut-être, ou son nez, ou... Je ne saurais dire, en fait, mais il y a bien quelque chose. J'ai beau être d'une nature très observatrice, c'est rare que je cherche autant à faire des liens en regardant quelqu'un. Bref, Ksenia reste muette face à Ruby, sans doute intimidée par l'inconnue qu'elle représente. Personne ne lui en tiendra rigueur heureusement, elle est trop jeune, trop excusable, alors je reporte mon attention sur la professeure pour tenter d'en apprendre plus sur elle. Après tout, ce rendez-vous est aussi destiner à rassurer mes appréhensions. J'ai d'une part l'envie prioritaire de mêler sans attendre la petite à ce monde nouveau mais j'ai aussi peur qu'elle ne se sente pas bien, que cela puisse avoir un impact sur son aise. Si cette jeune femme est douce et à l'écoute, tout se passera néanmoins très bien, j'en suis certaine. Ruby me confirme qu'elle vient tout droit de Russie et aussitôt je me sens comme soulagée, la raison n'échappera à personne. « Oh, je vois. » Cela me rappelle une certaine personne, il y a un peu plus de dix ans déjà. Je souris alors, tendrement, sans quitter la jeune femme des yeux. « Cela faisait longtemps que vous vouliez venir en Amérique ? Le changement de culture n'a pas été trop dur pour vous ? » Un bref mouvement de main pour excuser ma curiosité. « Pardonnez mon indiscrétion, c'est juste que cela me rappelle ma propre expérience. » Et quand nous en avons terminé avec cela, la belle Azarova me propose une période d'essai pour que Ksenia se mette petit à petit dans le bain. Le fait d'alterner les langues me semble être une très bonne idée, je suis on ne peut plus favorable à la mixité des langues et à nouveau cela me rappelle ma propre enfance. De part son influence dans la politique du gouvernement russe et dans les médias, j'entendais régulièrement mon père parler anglais quand j'étais jeune, et cela m'a fortement aidé à apprendre plus tard la langue. J'approuve alors d'un hochement de tête. « Cela me semble être une bonne idée. Les enfants agissent beaucoup par mimétisme en plus donc la danse devrait être un bon moyen pour commencer. » Et puis, je fais confiance à cette femme pour aider Ksenia si jamais elle s'aperçoit qu'elle ne comprend pas ou est perdue, cela coule de source. Ruby propose ensuite à la petite de rester pour la séance à venir alors je regarde la concernée qui s'intéresse de nouveau à son interlocutrice. Je suis à la fois émerveillée par l'intérêt candide de Ksenia et curieuse de savoir ce qu'elle peut penser. En tout cas, elle a très bien compris ce qui lui a été dit qu'elle finit par hocher de la tête, un « oui » timide mais bel et bien là. Quand je m'apprête à lui parler, l'une de ses petites mains se lève pour aller effleurer les longs cheveux blonds de Ruby, ce qui me fait sourire. « Parfois je me demande si elle se souvient de sa maman. Ce qui est sûr, c'est qu'elle devait avoir de beaux cheveux blonds comme les votres. » Pas difficile de croiser des blonds en Russie, et puis vu la couleur de cheveux de Ksenia, cela ne fait aucun doute. « Je vais donc vous la laisser pendant l'heure, je reviendrai sans doute en avance. Si jamais il y a un quelconque problème, n'hésitez surtout pas à m'appeler, vous avez mon numéro... » Je cherche, s'il y a autre chose à dire, mais au final j'en reviens à... « Excusez-moi de vous demander ça mais... nous nous sommes déjà rencontrées quelque part, non ? Votre visage me dit quelque chose, c'est fou. »

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