Les jours passent et se ressemblent. Mon investissement dans mes cours est toujours inexistant, mon ton, toujours monotone, mes élèves toujours dépités et mon ennuie toujours présent. Je m'ennuie dans cette université, je m'ennuie à m'en taper le crâne contre le mur simplement pour mettre un peu d'animation dans ma vie. J'ai le manque d'ailleurs, le manque d'autre chose. Ma vie imprévisible de nomade me manque, ma vie de journaliste me manque. Alors j'erre dans les couloirs. J’erre dans l’attente de ma prochaine heure de torture. Comme un mort vivant, je déambule, sans vie, sans âme, sans but dans les couloirs de l'université. Mon attitude jure misérablement avec l'insouciance et la bonne humeur bruyante et affichée des étudiants. Et je les hais, je les déteste pour cette insouciance à laquelle je n'ai plus le droit, plongé dans le monde des responsabilités. J'ai besoin de m'aérer, de me changer les idées et surtout de m'amuser. C’est seulement lorsque je lève les yeux vers le fond du couloir qu’un fin sourire s’empare de mes lèvres et relance mon cœur dans ma poitrine, comme un électrochoc, le réanime. C'est l'occasion rêvée. L’ascenseur se ferme sur une blonde et j’accours soudainement sur une vingtaine de mètres pour passer de justesse entre les deux portes qui se ferment alors complètement sur nous. « C’était moins une … ». Faussement essoufflé, je lui lance un regard accompagné d’un sourire de tombeur que j'exagère pour l'occasion. La blonde n’est pas une inconnue. Quelques fois, nous avons eu l’occasion de discuter. Que ce soit de mon ancien métier ou d’autres sujets liés. « Quel étage ? ». Elle est seule dans l’ascenseur. Seule avec moi. Et je ne peux m’empêcher de repenser à ses lignes, ses lignes interdites, que j’ai lu, je l’avoue, que j’ai lu poussé par la curiosité. Lorsque je suis entré dans son intimité, lorsque j'ai soulevé le voile sur ses envies les plus profondes. Je m'en amuse, j'en joue. Et entrer dans cette ascenseur n’est que le début du jeu.