La sonnerie stridente de l’heure de midi annonça la fin des cours de cette matinée. Les étudiants de l’amphithéâtre formaient un troupeau à la sortie de la salle, comme si leur vie en dépendait. Charly jugea plus raisonnable de rester à les regarder, ses yeux critiques variant entre ceux qui poussaient péniblement les autres et ceux qui restaient immobiles, attendant simplement que cette euphorie prenne fin. Un petit sourire satisfait habitait les lèvres du jeune homme qui prenait un malin plaisir à se jouer de loin, de cette ridicule habitude qu’avaient ses camarades lorsqu’il s’agissait d’aller manger. C’est pendant des moments comme celui-ci qu’il se rendait vraiment compte de sa supériorité, ne serait-ce que dans le domaine de la politesse et des manières, Charly en était le roi.
- Tu n’as pas faim Charly ? s’inquiéta une voix familière.
L’intéressé tourna son regard vers celle qui lui faisait face, probablement une autre de ses camarades qui avait eu la brillante idée d’attendre elle aussi que la salle se vide. Comment s’appelait-elle déjà ? Quelque chose commençant par la lettre C ou B… Carolyn, Bonnie… Charly usa de sa mémoire pour essayer de dresser l’identité de cette pseudo inconnue. Un jour à marquer d’une pierre blanche pour un garçon qui ne témoigne pas d’attention particulière pour des gens ne faisant pas partie de son cercle d’amis ou familial. Sans doute avait-elle eu la chance de côtoyer ses draps et elle pouvait s’estimer heureuse. C’est en préférant rester sur cette idée que Charly lui adressa un sourire aussi faux que la permanente de sa prof de droit civil.
- Si bien-sûr. Ta question est idiote tu ne trouves pas ? J’aurais eu tendance à penser que tu rejoindrais ce groupe de bêtes, pardon, d’affamés qui se bousculent pour arriver les premiers au réfectoire. Non ? Dommage.
Un clin d’œil arrogant du jeune homme vint conclure cette courte conversation, Charly ramassa le peu d’affaires qui lui restaient, froid comme le marbre et ignora sans le moindre mal la présence de celle qui venait de se faire ridiculiser par ses soins. La porte de sortie enfin libérée, il suivait de plusieurs mètres d’autres étudiants. Il reconnu Kai Norton, cet Hawaïen qui ressemblait plus à Ken qu’à un humain traditionnel. Rien d’étonnant à ce que cette poupée fasse des études dans le sport, il fallait bien un domaine qui rattraperait son manque d’intelligence, un domaine où il pourrait briller sans qu’on lui demande des prouesses intellectuelles. Cette idée rassura Charly qui passa à côté de lui sans lui prêter attention, son heure viendra tôt ou tard, lorsque la patience de l’allemand sera arrivée à saturation.
Aujourd’hui Charly doit déjeuner avec Haleah, cette jeune femme qui trouve beaucoup d’intérêt à traîner autour de lui, en fait une parmi tant d’autres… Mais le jeune homme doit s’efforcer au moins quelques fois dans sa vie à s’intéresser aux gens, c’est comme ça que marche la vie d’après sa mère. Il aurait plutôt tendance à penser comme ce dicton « On n’est jamais mieux servi que par soi-même ». Certes ça puait l’égoïsme à plein nez mais et si cela était la clé de la réussite ? Charly préférait avoir le bénéfice du doute et puis, revenir sur son attitude prendrait un temps abominable. S’intéresser à autrui, prendre soin de n’importe qui juste pour paraître « bien » c’est quelque chose que Charly ne pourra jamais concevoir. Pourtant c’est ce qu’il s’est efforcé de faire avec cette fille, Haleah, la chanceuse. Il ne savait rien d’elle à part son prénom, au moins il aurait quelques questions à lui poser sur sa vie, ses goûts… Juste histoire de meubler une conversation.
Charly fit son entrée dans le réfectoire, supervisant la salle et mettant de côté les gens intéressants et les gens qu’il n’avait jamais regardé. Il avait quelques minutes de retard, trois pour être exact. S’adossant au mur derrière lui, il chercha cette fille du regard, hors de question qu’il vienne à elle comme un chien à sa pâté. Si cette Haleah comptait réellement déjeuner avec lui, elle devait savoir à quoi s’attendre. Surtout si des personnes telles que Kai Norton venaient s’exhiber devant lui, la confrontation serait évidente et immédiate.
Ka Pua Maila I Ka Mauna
There is pleasure in the pathless woods, there is rapture on the lonely shore, there is society where none intrudes. By the deep sea and the music in its roar. I love not man the less, but Nature more.endlesslove