Ebouillanter un client - Check
Victoire Gainsborough • Aaron S. Tyler
Vêtue d’une chemisette blanche et de la jupe règlementaire de l’enseigne, la jeune anglaise cavalait d’un client à un autre en s’efforçant de n’oublier aucune commande car si elle avait bien horreur d’une chose, c’était certes les clients désagréable mais encore davantage quand ils avaient une bonne raison de l’être ! Maudissant intérieurement sa collègue qui était tombée inopinément malade, ils n’étaient plus que deux pour assurer l’ensemble du service du soir, et pour ne pas arranger les choses, on lui avait mis un débutant dans les pattes. Etrangement, depuis son refus, son ancien collègue, Jaden, avait fini par démissionner. A priori faire carrière dans la vente de café n’était plus son rêve ultime de carrière. Tant mieux, depuis leur entrevue éclair sous le réverbère, il se savait plus lui adresser la parole sans piquer un fard monumental. Oh bien sûr, elle était sentie flattée qu’il ait osé surmonter sa timidité pour elle, mais ce n’était pas une raison suffisante pour sortir avec lui. Ne poussons pas mémé dans les orties, s’il vous plait ! Mais tout de même, son collègue avait au moins brillé pour son efficacité à défaut de bon sens, contrairement au petit jeune qui faisait pourtant preuve de toute la bonne volonté du monde. Mais il était mauvais quand même. Malgré ses pensées maussades, Vic se montrait aussi patiente que possible, lui réexpliquant une énième fois que non, on ne met pas la glace dans le gobelet à capuccino, flûte à la fin. Le tout avec un sourire charmant et l’air le plus doux que possible même si dans son dos, elle luttait pour ne pas l’étrangler. Heureusement, l’heure tournait et la salle se désemplissait enfin, d’ici quarante-cinq minutes, ils fermeraient, ce qui signifiait qu’elle enverrait enfin le Nul en arrière-boutique pour remplir les lave-vaisselles, elle aurait alors enfin un peu de répit et le temps de rassembler ses propres pensées sans craindre qu’il n’essaye d’avaler une touillette, par exemple.
Glissant sa main aux ongles à peine limés dans ses cheveux, elle vérifia l’état de son chignon tout en replaçant quelques mèches rebelles derrière ses oreilles avant d’appuyer sur le bouton de la machine pour faire couler – je vous le donne dans le mille, un café. Malgré sa mauvaise humeur due à la fatigue, elle aimait ce job comme serveuse, elle aimait boire et sentir le café, aimait également l’ambiance chaleureuse du décor et en général, les clients se montraient aimable vis-à-vis d’elle, heureusement d’ailleurs car des fois, l’envie de balancer le contenu du gobelet à la tête du client la démangeait sérieusement. Mais bonne fille, elle se contentait alors de baisser la tête et afficher un sourire désolée sur son minois de poupée effarée. Désolée si vous êtes con, en quelque sorte. Tirée de ses songes par le bip de la machine, elle reprit pleinement conscience de sa tâche et, après avoir posé la tasse sur le plateau, c’était une règle, on ne sert pas la tasse à la main, s’élança d’un pas aérien dans l’allée. Le type s’était montré aimable et ne lui avait pas paru repoussant mais en toute franchise, elle n’y avait pas prêté plus attention que cela, tout juste assez pour le reconnaître au moment de le servir en gros. C’était son quotidien, les gens allaient et venait, sitôt le dos tournés et l’argent encaissé, elle les oubliait. Marchant droit vers lui alors qu’il lui faisait dos, elle n’était plus qu’à quelques pas quand soudain, elle se prit les pieds dans le câble d’un ordinateur portable branché à travers la pièce. Alors qu’elle s’écroula à genou, son plateau fit quant à lui son baptême aérien. Si la tasse loupa de justesse la tête de son client – Dieu Merci, appeler les urgences durant son service ferait vraiment mauvais genre, son contenu fumant aspergea pourtant le dos du type, le brûlant très probablement et bousilla définitivement sa belle chemise. Oh pour l’amour du Ciel Vic quelle cruche !! Oubliant ses propres rotules douloureuses, elle se précipita vers lui, serrant les dents en un sourire nerveux.« Oh pardon ! Je suis tellement désolée ! Je vous ai fait mal en plus ! » Elle croisa son regard un instant avant de baisser les yeux, mortifiée de s’être montrée aussi maladroite.