Shaé était une aventurière, son aventurière. Elle était l’aventure qui avait dynamisé son séjour, illuminé son voyage. Elle était le soleil qui avait chassé la chaleur de l’Afrique mais aussi la vague qui avait frappé son visage de fraicheur et de nouveauté. Clarence se rendait compte que de l’autre côté de l’Atlantique, la routine l’étouffait. Les disputes incessantes avec sa fiancée - souvent suivies de réconciliations tout aussi mouvementées, la distance avec sa famille, avec sa fratrie dont chacun des membres construisaient peu à peu leur propre vie... C’était étrange d’être à la fois si entouré et de se sentir si seul. Ici avec la belle italienne, il n’avait jamais éprouvé de solitude. Son ombre gracile était toujours près de lui, sa curiosité avait toujours ponctué tous les échanges avec les autres. Il anticipait avec amertume le prochain embarquement dans l’avion, l’au revoir déchirant. Il n’y aurait aucune effusion, aucune vérité avouée parce qu’ils avaient toujours été dans la retenue. Ils se contenteraient d’une étreinte comme s’ils allaient se revoir. Pourtant, il était persuadé de ne plus jamais pouvoir apercevoir ses yeux noisette autre part que dans ses songes prohibés. Clay avait chassé ces idées noires, ces futurs cauchemars en l’invitant à danser. Profiter une dernière fois de cette proximité innée sans se poser la moindre question douloureuse. Il dansait près d’elle, la faisait tournoyer de ses grands bras mais le destin décida d’achever ce bref instant quand un autre vint l’arracher de ses mains. Malgré lui, il sentit une flamme effleurer son cœur, l’arrière-goût d’une jalousie qu’il ne pouvait rejeter en dépit de toute la volonté du monde. Il gardait le sourire derrière lequel se dissimulait toute sa rancœur à son égard. Il aurait pu lui en vouloir d’être si séduisante, si parfaite mais il s’estimait le seul fautif dans l’histoire. Le grand blond accepta néanmoins poliment une nouvelle partenaire près de lui pour une danse tout aussi courte. Il s’efforçait d’être avenant, sympathique pour ces personnes qui avaient tant donné. De la même manière, la jeune femme au teint basané tournait sur elle-même devant lui tandis qu’il lui tenait la main. Et alors qu’elle revenait contre lui, l’homme qui avait kidnappé Shaé semblait apte à la lui rendre. Ils échangèrent avec complicité les jeunes femmes et lorsque sa main reglissa dans sa douce paume, Clay se sentit comme libéré. Il écouta distraitement les paroles bienveillantes de l’homme, qui semblait leur baragouiner bonheur et amour. Les prenait-on pour un couple maintenant ? Après un rictus mi-embarrassé mi-rassuré, il reprit Shaé contre lui. Il n’essaya même plus de danser, se contentant de la serrer contre lui, ses bras autour de sa nuque. Elle saisit l’occasion pour lui murmurer qu’il était peut-être temps de rejoindre Morphée. Jamais aurait-il voulu répondre. « Peut-être. » Se contenta-t-il de dire. Cette nuit aurait pu être interminable, qu’il ne trouve jamais le sommeil. Il prit un instant pour glisser ses doigts dans la nuque de Shaé, à la naissance de ses cheveux, pour la serrer contre sa poitrine battante. « Ca va être dur d’ouvrir les yeux demain. » Dans tous les sens du terme, dans toutes les interprétations requises. Il déposa un baiser mélancolique sur son front. « Je te raccompagne. »